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Assumer pleinement son rôle de partenaire

Lors du dernier congrès de l'Ordre, le 5 octobre 2012, Grace A. Odums a donné une conférence intitulée Transforming HR Through Strategic Leadership.
Sophie Dubé, CRHA l’a rencontrée en entrevue pour Effectif.

28 février 2013
Etienne Plamondon Emond | Sophie Dubé, CRHA
Grace A. Odums est une consultante en stratégie d’entreprise de renommée internationale dont l’impressionnante liste de clients peut s’enorgueillir de comprendre des entreprises figurant sur la liste du Fortune 500 et du Fortune Global 500, notamment Disney-ABC Media Networks, Chevron-Phillips, Siemens Medical Solutions, Wells Fargo Company Waste Management, JP Morgan-Chase, Fairmont Resorts and Hotels. Conférencière très recherchée partout dans le monde, elle a été découverte par la communauté RH québécoise, en 2010 à Montréal, lors du 13e congrès mondial en ressources humaines où sa conférence avait fait très forte impression.


Devenir un partenaire stratégique

Sophie Dubé Un dirigeant a déjà dit à ses gestionnaires en ressources humaines qu’il faut arrêter d’être « prisonnier des processus » et devenir plutôt un partenaire dynamique, capable de s’ajuster à l’évolution des besoins d’affaires. L’entreprise, en mutation, avait besoin de leur expertise et de leur soutien dans cette évolution. Mais comment fait-on pour y arriver? Que doivent faire les professionnels de la gestion des ressources humaines afin de devenir des partenaires stratégiques au sein des organisations? Et quelles sont les compétences à acquérir?

Grace A. Odums – En premier lieu, je pense qu’il doit y un changement d‘attitude chez les professionnels de la gestion des ressources humaines. Nous devons transformer notre façon de faire des affaires. Nous devons comprendre la stratégie de l’organisation, comprendre comment l’équipe de direction cherche à développer ses affaires. Pour cela, nous devons développer le sens des affaires. Selon moi, cette manière de travailler répondrait aux attentes actuelles des dirigeants.

Il y a quelque temps, la Society for Human Resource Management (SHRM) a effectué un sondage auprès des professionnels en ressources humaines américains dans lequel elle leur demandait ce dont ils croyaient avoir besoin pour bien réaliser leur travail. Malheureusement, peu de personnes ont évoqué le fait qu’elles devaient comprendre la stratégie et les finances de l’entreprise.

Les professionnels en ressources humaines doivent comprendre la stratégie afin de conserver les gens qui ont les compé­tences requises, puis de recruter plus de personnes qui ont les ­compétences essentielles à la mise en œuvre de cette stratégie. Comment recruterons-nous des employés si nous ne savons pas dans quelle direction l’organisation se dirige? Le plus que nous pouvons faire dans ce cas-là, c’est de combler un vide.

Parfois, lorsqu’une organisation échoue dans la mise en place de sa stratégie, ce n’est pas parce que celle-ci est mauvaise en soi, mais plutôt parce que les employés n’ont pas les compétences requises pour la mettre à exécution. D’où l’importance du rôle que joue le professionnel en ressources humaines. Dans un marché mondialisé où la compétition se fait de plus en plus féroce, tout le monde doit comprendre comment l’organisation tente de se développer, de croître, de prospérer. Dans un tel environnement concurrentiel, pourquoi croyons-nous que le service des ressources humaines est la seule fonction qui n’a pas besoin de comprendre ça? Nous sommes les professionnels qui ont la responsabilité d’attirer le talent dans l’organisation.

Ainsi, nous devons être des leaders coresponsables dans l’organisation, ceux qui doivent donner l’exemple. Le reste de l’organisation nous regarde pour changer les comportements. Nous sommes sous les projecteurs comme responsable des politiques liées aux personnes. Et pourtant, nous en sommes peut-être les pires défenseurs. Nous ne nous donnons pas de récompense ou de reconnaissance. Nous ne nous célébrons pas entre nous. Jamais. Pourtant, il est primordial de bien raconter son histoire et de prendre un moment pour féliciter ceux qui agissent de la bonne façon. Célébrons les personnes qui connaissent le plan stratégique de l’organisation ainsi que ses objectifs! Et ensuite retournons au travail.

Pour changer une culture organisationnelle

S.D.
– Bien sûr, il y a beaucoup de changements, beaucoup de choses qui se produisent et, souvent, il faut agir rapidement. Mais un changement de culture dans une entreprise prend du temps à être instauré et à être assimilé par tous les employés. Sans oublier la résistance au changement… Dans quel délai raisonnable un changement de culture organisationnel doit-il s’opérer?

G.O. – D’abord, un des éléments que je trouve un peu décourageants, c’est le fait que des entreprises ne prennent pas le temps de déterminer de quelle culture elles ont besoin pour soutenir leur stratégie. Car dans le fond, la culture d’une entreprise, ce sont ses employés! Si personne ne s’est arrêté pour bien y réfléchir, l’enthousiasme retombe, une fois les changements amorcés, comme s’il y avait un effet de gravité au sein de l’organisation.

Lorsque vous commencez, tout le monde dit : « C’est bien! Ça va fonctionner! » Vous avez l’écoute des autres; ensuite, il y a les premiers soubresauts; puis, avant que vous ne vous en aperceviez, vous retombez à zéro. Puis la résistance s’installe... Pourquoi? Parce que personne n’a pensé à envisager la stratégie de mise en œuvre en considérant comment on devrait bâtir la culture dont on a besoin.

La première chose à faire, c’est de bien identifier l’orientation stratégique de l’entreprise. Ensuite, il faut faire des évaluations en identifiant la culture actuelle et celle dont nous avons besoin. Il y a donc une dualité, deux choses en parallèle : exécuter la stratégie et bâtir la culture. Toutefois, et je le dis à tous mes clients qui veulent bien l’entendre, il faut commencer par bâtir la culture dont vous avez besoin. Ensuite, vous exécuterez la stratégie.

Ce qu’on a dit de la conférence de Grace A. Odums au congrès 2012
  • « Elle est passionnée et nous botte les fesses gentiment afin que nous prenions une place stratégique. »
  • « Quelle inspiration! C’était l’étoile du congrès! »
  • « Une des meilleures conférencières qu’il m’a été donné de voir. »
  • « Ça fait toujours du bien de se faire rappeler quels sont les éléments à considérer si nous désirons vraiment jouer notre rôle d’influence. »

Plusieurs générations

S.D. – Pendant votre conférence, vous avez abordé les défis qui se posent lorsqu’on a à gérer quatre générations bien différentes au sein d’une même entreprise. Une fois qu’on a compris la stratégie et les finances de l’organisation, une fois qu’on a établi un plan stratégique en ressources humaines, une fois que l’on sait qu’on veut une image de marque plus forte, doit-on adapter localement la stratégie et le plan aux différentes générations? Ou est-ce que ce sont les différentes générations qui doivent s’adapter?

G.O. – Je crois que nous devons faire les deux. Nous devons créer une plateforme, une fondation, qui indique où nous sommes en tant qu’organisation. Voici l’objectif stratégique le plus important, voici le sens dans lequel nous nous dirigeons et voici où vous vous situez. Puis il faut segmenter. Pas stéréotyper, mais segmenter. Miser sur les forces de chaque génération. La génération plus traditionnelle, par exemple, peut enseigner beaucoup sur la loyauté et sur la manière de fidéliser les employés ou les clients. Les baby-boomers comprennent la logique de la lutte et du combat et peuvent pousser une organisation à créer une solide image de marque. La génération suivante peut nous permettre d’en apprendre beaucoup sur l’entreprenariat et sur l’innovation, tandis que la génération montante, celle qui entre actuellement sur le marché du travail, possède une bonne intuition de ce qui fonctionne dans le ici et le maintenant. Cette génération est celle qui peut ainsi signaler aux entreprises les opportunités qu’il faut saisir.

Défis pour l’avenir

S.D. – Avec l’évolution du marché, quels sont les défis qui attendent les professionnels de la gestion des ressources humaines dans les années à venir?

G.O. – Si nous ne commençons pas à faire certaines choses différemment maintenant, j’ai peur... Les dirigeants d’entreprise regardent leurs profits et se demandent ce qu’ils retirent et ce qu’ils gagnent en investissant dans le secteur des ressources humaines. Déjà, aux États-Unis, on constate qu’il y a une hausse de la sous-traitance dans les emplois reliés aux ressources humaines. Il faut démontrer le rendement de l’investissement dans nos actions, et si nous ne le faisons pas, nous serons hors jeu, c’est clair.

Laissez-moi illustrer mon propos par une anecdote. Alors que je commençais à travailler à titre de consultante dans une entreprise, je suis entrée dans le bureau d’un patron. Celui-ci m’a demandé ce que je voulais. J’ai aussitôt répliqué que je venais le rencontrer pour savoir ce que je pouvais faire pour lui, en lui disant que ses objectifs étaient mes objectifs. Il m’a alors répondu : « Tous ces trucs de recrutement, c’est de la blague ». Je lui ai aussitôt rétorqué : « Tell me more (dites m’en plus) », les trois mots les plus puissants de la langue anglaise. « Ils mettent une annonce dans Internet ou dans les journaux pour dire qu’on recrute. Ma fille de neuf ans peut faire ça », s’est alors plaint le dirigeant. Je suis tout de suite allée à la rencontre d’un des responsables des ressources humaines au sein de l’organisation pour lui dire qu’il avait plus de problèmes qu’il ne le pensait. Si une personne qui ne me connaît pas peut me dire, la première fois que je la rencontre, qu’elle ne retire pas ce qu’elle veut de la fonction ressources humaines, cela laisse croire qu’elle pense à ça tous les jours. Quand cette personne considère les profits et les états financiers, et qu’elle observe ensuite la gestion des ressources humaines, elle se demande si elle en a pour son argent.

Le mot de la fin
En conclusion, selon Grace Odums, il s’avère très important de demander aux dirigeants les trois objectifs qu’ils espèrent atteindre durant l’année. Tout le travail auprès d’eux doit s’amorcer en leur posant les bonnes questions :
  • Comment jugez-vous notre travail? Obtenez-vous ce que vous avez besoin de nous?
  • Où voulez-vous aller avec l’organisation et comment peut-on vous aider à atteindre vos objectifs?
  • Où le service des ressources humaines se situe-t-il dans votre stratégie?

Ensuite seulement, il faut aborder les procédures nécessaires pour paver la voie jusqu’aux buts visés. « Posez ces questions et vous vous faites des amis pour la vie! », conclut Grace Odums, en assurant que les clients rappellent lorsque ces étapes ne sont pas négligées.

Etienne Plamondon Emond, journaliste indépendant

Avec la collaboration spéciale de Sophie Dubé, CRHA, consultante principale, Affaires RH – Ressources Humaines, gestion de changement et communications, Standard Life

Source : Effectif, volume 16, numéro 1, janvier/février/mars 2013.


Etienne Plamondon Emond Journaliste indépendant

Sophie Dubé, CRHA Vice-presidente RH OACIQ