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Le sens du travail : pourquoi s’en préoccuper?

Les préoccupations pour le sens du travail sont au cœur des attentes des travailleuses et travailleurs et pourraient bien être un des éléments déterminants pour la pérennité des organisations.
10 juin 2025
Nathalie Marceau, MBA, CRHA | Marie-Pierre Bourdages-Sylvain, Ph. D.

Donner de l’élan à l’organisation

Face à l’incertitude et aux bouleversements économiques, les organisations doivent plus que jamais compter sur un personnel engagé et mobilisé. En accordant une attention particulière au sens du travail, les gestionnaires peuvent contribuer de manière significative à relever ce défi. Cette quête de sens est d’autant plus affirmée depuis la pandémie, qui a suscité des réflexions individuelles et collectives sur la place du travail, l’engagement professionnel et l'importance du bien-être et de la santé mentale.

Ces préoccupations pour le sens du travail sont désormais au cœur des attentes des travailleuses et travailleurs et pourraient bien être un des éléments déterminants pour la pérennité des organisations.

Qu’est-ce que le travail?

L’importance du travail et sa place prépondérante dans nos vies et dans la société ne sont plus à démontrer. Pourtant, la notion même de travail a plusieurs significations et est, par ailleurs, souvent confondue avec celle d’emploi, qui réfère davantage aux modalités d’exercice du travail.

Qu’est-ce que le sens du travail?

Que ce soit sous l’angle de la qualité de vie au travail, des aspirations des nouvelles générations, de la reconnaissance ou encore des luttes sociales, la question du sens du travail est un sujet récurrent dans les discours médiatiques, politiques et syndicaux.

Cette notion aspirationnelle aux contours pourtant flous suscite également un intérêt auprès des chercheuses et chercheurs, qui se sont notamment intéressés à son aspect transformationnel. À cet égard, les trois dimensions du sens du travail établies par Coutrot et Perez (2022) sont pertinentes, en ce qu’elles cadrent bien les interrogations plus ou moins conscientes des travailleuses et travailleurs quant à l’utilité sociale, la cohérence éthique et la capacité de se développer.

  • L’incidence du travail sur le monde (l’utilité sociale) : quelle est sa finalité?
  • L’incidence du travail sur les normes de la vie en commun (la cohérence éthique) : quelles sont les valeurs au cœur du travail et comment résonnent-elles avec chaque personne?
  • L'incidence du travail sur la travailleuse ou le travailleur (la capacité de se développer) : comment permet-elle à chaque personne de s’épanouir, de créer et de construire?

Ces trois dimensions se vivent comme une expérience, propre à chaque personne, et contribuent au sentiment (ou non) de sens au travail.

Qu’est-ce que le travail empêché?

La capacité d’une personne à mobiliser ses compétences pour affronter les imprévus et réconcilier les interprétations divergentes est essentielle à la construction du sens du travail. Lorsqu’elle est entravée, une distance, voire des tensions sont susceptibles de survenir entre un idéal professionnel et la réalité vécue. On parle alors de travail empêché, une notion qui a fait l’objet d’une attention particulière en sociologie clinique et en psychodynamique du travail et qui désigne l’incapacité d’une personne salariée d’accomplir son travail de manière satisfaisante en raison de conditions sociales, organisationnelles ou contextuelles (Clot, 2015).

Un enseignant désireux d’offrir un accompagnement individualisé à ses élèves, mais limité par le manque de moyens, une professionnelle de la santé tenue de respecter des directives managériales qu’elle juge incompatibles à l’intérêt d’un patient, un employé chargé de faire un rapport à forte portée, mais contraint à produire un travail de surface par des délais trop serrés sont autant d’exemples illustrant une forme de travail empêché, où les exigences freinent l’atteinte d’un certain idéal professionnel.

Selon François (2024), le sentiment de travail empêché engendre une diminution du sentiment d’efficacité personnelle, de satisfaction dans l’emploi, d’engagement, de bien-être et de satisfaction de vie. Face à ce conflit intérieur, la marge de manœuvre de la personne salariée pour faire face aux demandes variées et parfois divergentes sera déterminante, sans quoi une certaine souffrance pourrait émerger.

Le travail de guide et d’accompagnement des CRHA | CRIA auprès des gestionnaires est un appui important dans la quête de sens au travail, puisqu’il peut en favoriser les conditions propices.

Envisager le point de vue de l’employée ou employé afin d’accomplir le travail imparti est primordial. En se rappelant les trois dimensions du sens du travail, la ou le gestionnaire peut se mettre à la place de la personne salariée et se demander si :

  • Les conditions d’emploi sont propices à réaliser le travail de façon satisfaisante, en harmonie avec ses valeurs personnelles et professionnelles (cohérence éthique);
  • La cohésion du groupe et la reconnaissance de son travail l’amènent à être fière de travailler dans cette organisation (utilité sociale);
  • Les conditions de travail, l’autonomie et la marge de manœuvre de la personne employée sont telles qu’elle peut déterminer elle-même ce qu’il y a à faire et la manière de le faire (capacité de développement).

Inspiré des travaux de Coutrot & Perez, 2022

À retenir

La notion de sens du travail est une notion plurielle et complexe, façonnée par les expériences professionnelles et personnelles de chaque personne.

La ou le gestionnaire peut contribuer à la quête de sens des salariées et salariés, en favorisant des environnements de travail propices à la cohérence éthique, à l’utilité sociale et à leur développement personnel et professionnel. L’inclusion de questions sur le sens du travail dans le sondage de satisfaction annuel peut aider à comprendre et s’adapter aux besoins et aspirations des équipes. Cependant, le travail de la ou du gestionnaire ne peut se limiter à une vision globale; il a tout avantage à se faire individuellement puisque les dimensions sont interprétées de façon différente par chaque personne.

Références

Pour aller plus loin


Author
Nathalie Marceau, MBA, CRHA Doctorante à l'Université du Québec à Montréal. Science Technologie et Société
Nathalie Marceau, MBA, CRHA, doctorante à l’Université du Québec à Montréal : consultante en ressources humaines depuis plus de 15 ans, Nathalie a entrepris un doctorat en sciences humaines il y a quelques années afin de contribuer à la diffusion de la science vers les organisations.

Marie-Pierre Bourdages-Sylvain, Ph. D. Professeure agrégée École des sciences de l’administration, U. Téluq
Marie-Pierre Bourdages-Sylvain est professeure agrégée en gestion des ressources humaines à l’Université TÉLUQ. Les thématiques liées à l’organisation du travail, aux pratiques d’encadrement, aux nouvelles normes managériales et aux attitudes des travailleuses et travailleurs constituent les principaux axes de ses recherches. Ses travaux actuels portent notamment sur les professions réglementées, tant du point de vue de l’évolution des pratiques professionnelles que des modes d’organisation du travail.