Trente ans après son adoption, la Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d'œuvre – mieux connue sous le nom de Loi du 1 % – gagnerait à être revue en profondeur estime l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés dans un avis soumis à tous les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale et à la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT), la table de consultation qui oriente les interventions du gouvernement du Québec en matière de main-d'œuvre et d'emploi.
Actuellement, cette loi exige que les organisations dont la masse salariale dépasse les deux millions de dollars investissent une somme équivalente ou supérieure à 1 % de celle-ci dans le développement des compétences de leur main-d'œuvre. Tout en reconnaissant les mérites historiques de la loi, l'Ordre constate que son application est trop souvent perçue et vécue comme un fardeau administratif qui ne répond plus aux réalités et aux défis contemporains du marché du travail.
« Des transformations majeures affectent notre économie et nos milieux de travail et continueront de le faire au cours des prochaines années. Pour relever ces défis, améliorer la productivité et demeurer compétitif, le Québec devra miser davantage sur le développement des compétences de sa main-d'œuvre. La Loi du 1 % aurait avantage à évoluer pour devenir un véritable levier stratégique de rehaussement des compétences, de requalification et de soutien à la croissance plutôt qu'un simple exercice de conformité », affirme Manon Poirier, CRHA, directrice générale de l'Ordre.
S'appuyant sur des travaux auxquels ont notamment participé une équipe de recherche du département de gestion de l'éducation et de la formation de l'Université de Sherbrooke ainsi que plusieurs CRHA et CRIA concernés par l'application de cette loi, les changements proposés par l'Ordre se veulent à la fois pragmatiques et ambitieux.
Étendre l'admissibilité des formations pour soutenir l'employabilité
Dans un contexte d'évolution rapide des savoirs et des milieux de travail, l'Ordre propose de réviser l'admissibilité des formations selon deux approches. Dans une perspective d'apprentissage tout au long de la vie et d'employabilité, le gouvernement devrait rendre admissibles et reconnaître pour l'ensemble de la main-d'œuvre les formations sur les compétences transversales (soft skills) et dites « du futur », compétences qui sont devenues essentielles à l'agilité organisationnelle et augmentent la productivité des travailleurs et des travailleuses. Le gouvernement devrait également élargir les modes de formations admissibles, en cohérence avec l'évolution des pratiques et de la science. Par exemple, des modes de formation informelle telles que le mentorat, le coaching ou le codéveloppement ne sont pas mentionnés dans la loi, ce qui limite leur utilisation ou leur admissibilité alors qu'elles sont particulièrement efficaces dans plusieurs contextes et auprès de certaines personnes (par exemple : personnes neurodivergentes).
Pour qu'un plus grand nombre puisse bénéficier de possibilités de formation
Alors que les PME constituent 99 % du tissu économique québécois et qu'elles ont une masse salariale moyenne de 250 000 $, tout un pan de la main-d'œuvre ne bénéficie actuellement pas de l'application de la loi. Pour y remédier, l'Ordre propose d'envisager un seuil d'assujettissement basé sur un nombre minimal d'employés et employées, tout en suggérant un certain nombre de pistes de solutions pour mieux accompagner les PME dans cet exercice, incluant celles qui sont déjà assujetties à la loi.
L'Ordre est par ailleurs préoccupé par la répartition des perspectives de formation au sein même des organisations. En effet, il est fréquent que certaines catégories de travailleurs et de travailleuses soient privilégiées (ex : gestionnaires) au détriment d'autres (par exemple : personnel administratif). Or, dans un contexte où plusieurs catégories d'emplois seront appelées à se transformer pour suivre et accompagner l'évolution technologique (dont l'IA), il sera important de s'assurer que l'ensemble de la main-d'œuvre puisse bénéficier en continu d'une amélioration de ses compétences et de possibilités de requalification. L'ajout d'incitatifs financiers encourageant une ventilation plus équitable des investissements en formation ou de quotas par grandes catégories d'emplois pourrait être envisagé.
« Nous invitons toutes les parties prenantes concernées – le gouvernement, le patronat, les syndicats, les milieux de travail – à travailler de concert pour en arriver à moderniser cette loi. Toutes les organisations doivent développer une culture d'apprentissage et l'ensemble de la main-d'œuvre doit être plus et mieux formée », conclut Manon Poirier.
Document
Source : communiqué, Ordre des conseillers en ressources humaines agréés