Intitulé
Énergir et Syndicat des employés et employées d'Énergir (CSN) (Victor Pena), 2025 QCTA 86
Juridiction
Tribunal d'arbitrage (T.A.)
Type d'action
Grief contestant un congédiement. Moyen préliminaire du syndicat invoquant le non-respect de la procédure préalable. Rejeté; le grief est accueilli en partie.
Décision de
René Beaupré, arbitre
Date
12 mars 2025
Le plaignant occupait le poste d'opérateur dans une usine de liquéfaction. À la suite d'une enquête relative au climat de travail, certains salariés ont été congédiés et d'autres, dont le plaignant, se sont vu demander de signer une entente de collaboration. Devant le refus du plaignant, l'employeur l'a congédié en lui offrant un préavis de 14 semaines. Le syndicat soutient, à titre de moyen préliminaire, que l'employeur a omis de mentionner les motifs à l'appui de cette décision dans la lettre de congédiement. L'employeur fait valoir l'existence d'une transaction quant à l'entente de collaboration intervenue entre les parties mettant fin au litige, ce que nie le syndicat.
Décision
À la lumière de la convention collective, les parties n'ont pas voulu rendre impératif l'envoi de l'avis écrit indiquant les raisons qui motivent la décision d'imposer une mesure disciplinaire et, de ce fait, la non-observance des règles prévues à ce paragraphe n'entraîne pas nécessairement l'annulation de la mesure imposée. Par ailleurs, le plaignant n'a subi aucun préjudice puisque, plus de 1 mois avant le début des audiences, l'employeur a fait parvenir au syndicat des détails concernant les raisons de la fin d'emploi. Dans un tel contexte, le moyen préliminaire du syndicat doit échouer. Il en va de même de celui de l'employeur. En ce qui a trait à la prétention de ce dernier relative à l'existence d'une transaction mettant fin au litige, il est établi que des discussions ont eu lieu entre ce dernier et le syndicat concernant les reproches faits au plaignant, que l'employeur a soumis au syndicat des options qu'il entendait présenter au plaignant et que le syndicat a proposé des modifications. Cependant, rien n'indique que le syndicat a renoncé à son droit de représenter le plaignant et de déposer un grief si l'employeur mettait fin à l'emploi de ce dernier.
Quant au fond, le plaignant a souvent fait des gestes visant à ralentir le travail de ses collègues de l'entretien ou des sous-traitants, notamment en s'arrêtant à des erreurs minimes relatives aux permis de travail pour en retarder la mise en application. Il a fréquemment créé avec ses autres collègues un climat malsain dans la salle de contrôle en ignorant les visiteurs, les personnes de l'ingénierie ou les gestionnaires ou encore en barrant la porte pour rendre plus difficile l'accès à la salle. L'employeur a donc réussi à démontrer les faits à la base de ses reproches envers le plaignant. Cependant, la doctrine disciplinaire insiste sur la nécessité pour l'employeur d'avertir l'employé de ses manquements lorsqu'il les constate pour permettre à celui-ci de corriger son comportement. Or, en l'espèce, le Tribunal note l'absence totale de suivi des comportements problématiques du plaignant pendant plusieurs années, alors qu'aucune mesure disciplinaire n'a été imposée et qu'aucune rencontre formelle n'a eu lieu pour préciser les manquements reprochés et les changements exigés. Procéder comme l'a fait l'employeur — c'est-à-dire imposer ce que l'on peut qualifier d'entente de dernière chance à titre de première mesure pour sensibiliser le plaignant à ses comportements problématiques — semble démesuré. Il aurait dû imposer des mesures moins sévères avant de mettre fin à l'emploi du plaignant. La fin d'emploi n'était pas justifiée.
Il ne convient pas d'ordonner la réintégration du plaignant. Il est question d'une petite usine qui a connu des problèmes majeurs de climat de travail, lesquels ont été réglés à la suite d'une enquête exhaustive et de mesures prises par l'employeur, dont la fin d'emploi de plusieurs employés. Depuis la mise en place de ces mesures, la situation s'est améliorée et la collaboration a repris entre les employés et les gestionnaires ainsi qu'avec les autres collègues de l'usine. La réintégration du plaignant mettrait en péril le rétablissement du climat de travail, celui-ci ayant été identifié parmi les personnes qui ont contribué de façon importante à sa détérioration. Faute d'une entente sur l'indemnité à verser au plaignant, le Tribunal pourra en décider.