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Clauses restrictives d'emploi

Chapitre VII

Les autres clauses restrictives

  1. Que devrait contenir une clause de ne pas faire affaire ou de ne pas contracter ?
  2. Qu’est-ce qu’une clause de non-embauche et qu’est-ce qu’elle devrait contenir ?
  3. Qu’est-ce qu’une clause de confidentialité ou clause de non-divulgation et qu’est-ce qu’elle devrait contenir ?
  4. Ce type de clause a pour objet quelle nature de protection ?
  5. Quelle est la portée d’une telle clause ?
  6. Qu’est-ce qu’une clause d’exclusivité de service ou de fonction et qu’est-ce qu’elle devrait contenir ?
  7. Qu’est-ce qu’une clause concernant la prohibition du double emploi et qu’est-ce qu’elle devrait contenir ?
  8. Qu’est-ce qu’une clause de réserve de la propriété intellectuelle et qu’est-ce qu’elle devrait contenir ?
  9. Ces clauses s’appliquent-elles au travailleur autonome ?
  10. Quel est l’impact de l’absence d’une telle clause ?
  11. Que devrait contenir une telle clause ?

7.31 Que devrait contenir une clause de ne pas faire affaire ou de ne pas contracter ?

Avec l’insertion d’une clause de ne pas faire affaire, l’employeur cherche à empêcher l’ex-employé de faire affaire avec ses clients et fournisseurs. Ainsi, contrairement à la clause de non-sollicitation qui empêche seulement la sollicitation, cette clause interdit aux ex-employés de servir les clients de l’employeur pendant la durée prescrite. De cette façon, le fardeau de preuve de l’employeur est beaucoup moins lourd pour cette clause que pour la clause de non-sollicitation. Il n’est pas nécessaire de faire la preuve de l’élément d’insistance et de pression vis-à-vis les clients, il suffit la plupart du temps de prouver que l’ex-employé a fait affaire avec eux.

Or, les tribunaux seront plus sévères quant à l’interprétation des clauses de ne pas faire affaire, puisque cette clause enfreint de manière plus importante les libertés de l’ex-employé.

Pour ce qui est de la rédaction, cette clause doit expressément respecter les exigences de l’article 2089 C.c.Q., soit les conditions de forme (écrite et en termes exprès) et de fond (présence de limites non ambiguës et raisonnables quant à la durée, au territoire et au genre d’activités prohibées).

Voici certains exemples de ces clauses :

Exemple 1

Le Salarié s’interdit de faire affaire, directement ou indirectement, avec tout client ou fournisseur de l’Employeur, de sa société mère ou des autres sociétés qui leur sont apparentées, ou qui auront été tels client ou fournisseur dans l’année précédant la cessation du présent contrat, et ce, pendant la durée du présent contrat et pour une durée d’un (1) an à compter de la cessation du présent contrat.

Exemple 2

Le Salarié reconnaît qu’il ne peut, pendant la durée du présent contrat et pour une durée d’un (1) an à compter de la cessation du présent contrat, contracter directement ou indirectement, relativement à une assurance de dommages, avec un membre de la Société, et ce, que ce soit en son nom propre, au nom d’une personne morale dont il serait administrateur, salarié ou actionnaire, ou en qualité de salarié, représentant, agent, courtier ou mandataire d’une entreprise faisant concurrence à la Société.

7.32 Qu’est-ce qu’une clause de non-embauche et qu’est-ce qu’elle devrait contenir ?

Assez répandue, cette clause interdit à l’ex-employé d’embaucher les employés de l’employeur pendant la période visée. De la même manière que la clause de ne pas faire affaire, cette clause impose un fardeau de preuve moins lourd sur les épaules de l’employeur, puisqu’il n’y a pas besoin de prouver la sollicitation, mais seulement l’embauche.

Cette clause doit être considérée au même titre qu’une clause de non-concurrence et ainsi respecter les critères élaborés par l’article 2089 C.c.Q., soit les conditions de forme (écrite et en termes exprès) et de fond (présence de limites non ambiguës et raisonnables quant à la durée, au territoire et au genre d’activités prohibées).

Voici certains exemples de ces clauses :

Exemple 1

Durant son emploi et pour une période de deux ans après la cessation de son emploi, le Salarié s’engage à ne pas, soit seul, soit en collaboration avec d’autres personnes, directement ou indirectement, engager ou employer toute personne qui serait à l’emploi de l’Employeur.

Exemple 2

Le Salarié s’interdit d’embaucher ou de débaucher, directement ou indirectement, tout employé de la Société, de sa société mère ou des autres sociétés qui leur sont apparentées, ou qui aura été tel salarié dans l’année précédant la cessation du présent contrat, et ce, pendant la durée du présent contrat et pour une durée d’un (1) an à compter de la cessation du présent contrat.

7.33 Qu’est-ce qu’une clause de confidentialité ou clause de non-divulgation et qu’est-ce qu’elle devrait contenir ?

L’article 2088 C.c.Q. prévoit déjà l’obligation pour le salarié de ne pas faire usage de l’information à caractère confidentiel qu’il obtient dans l’exécution ou à l’occasion de son travail. L’obligation de confidentialité se prolonge au terme du contrat de travail, et ce pour un temps raisonnable en ce qui concerne les informations de nature technique, et survit en tout temps lorsque l’information réfère à la réputation et à la vie privée d’autrui. Il n’y a pas de définition ni de terme à ce que peut être un délai raisonnable. Tout est une question de circonstances qui varie selon les faits et la situation propre à chaque cas. Ce type de mesure de protection se retrouve dans bon nombre de contrats et soulève souvent des situations litigieuses, plus particulièrement à l’ère du Web et des médias sociaux où l’information circule beaucoup plus facilement et rapidement.

7.34 Ce type de clause a pour objet quelle nature de protection ?

Malgré cette obligation légale, une clause de confidentialité ou de non-divulgation est souvent incluse dans les contrats de travail, afin de protéger l’information confidentielle acquise par l’employé dans le cours de son emploi ou encore pour empêcher un salarié de divulguer publiquement une information privée, hautement stratégique, etc. Ces clauses se retrouvent habituellement dans le contrat de travail des employés-clés de l’entreprise qui ont accès à des informations hautement confidentielles, lesquelles, une fois révélées, pourraient nuire gravement à l’entreprise.

La clause de confidentialité diffère des clauses de non-concurrence, de sollicitation et de ne pas faire affaire en ce qu’elle ne constitue pas une « stipulation de non-concurrence » au sens de l’article 2089 C.c.Q. et n’a pas ainsi à respecter les conditions qui y sont édictées.

Voici des exemples de clauses :

Exemple 1

Le Salarié reconnait que toute l’information qu’il peut recevoir de l’Employeur constitue de l’information privilégiée, que cette information est strictement confidentielle et demeure la propriété exclusive de l’Employeur. Par conséquent, le Salarié s’engage envers l’Employeur à garder secrets les informations et documents qui lui sont ou seront divulgués, au sujet de l’Employeur, la Société et ses activités, et à ne pas communiquer ou transmettre, en tout ou en partie, lesdites informations et lesdits documents, et ne pas en faire usage, sauf dans le cadre de son emploi, et à prendre toutes les mesures et précautions nécessaires dans le but de maintenir le caractère secret de toutes les informations et de tous les documents que l’Employeur peut mettre à sa disposition ou lui divulguer.

Exemple 2

Le Salarié s’engage, pendant et après la durée de son emploi avec la compagnie, à être lié par une obligation de stricte et totale confidentialité à l’égard des renseignements, documents et informations confidentiels obtenus dans l’exercice de ses fonctions, à ne pas les utiliser à son profit ou au profit de toute personne morale ou physique ni à les divulguer ou à les transmettre de quelque façon que ce soit.

7.35 Quelle est la portée d’une telle clause ?

Pour préciser la portée d’une telle clause, il est possible et clairement souhaitable d’y inclure les éléments considérés à titre d’information privilégiée et confidentielle qui sont directement visés par cette clause, en ajoutant une mention semblable, par exemple à celle qui suit, en l’adaptant aux circonstances propres de l’entreprise et de chaque situation: « notamment les listes de clients, listes de prix, procédés, recettes, pratiques, méthodes, contrats, ententes, logiciels, bases de données et plans ».

7.36 Qu’est-ce qu’une clause d’exclusivité de service ou de fonction et qu’est-ce qu’elle devrait contenir ?

La clause d’exclusivité de service vise à empêcher un salarié d’occuper soit un autre emploi relié aux domaines d’activité de l’employeur ou tout autre emploi pendant la période d’emploi chez l’employeur. Une telle clause a pour objet et vise à ce que les activités extérieures exercées par le salarié ne soient pas incompatibles avec celles qu’il exécute pour le bénéfice de son employeur.

De telles clauses sont de plus en plus rares dans les contrats de travail. En effet, une clause d’exclusivité empêchant d’occuper un emploi dans le domaine d’activité de l’employeur est comprise puisqu’implicite dans le champ d’application de la clause de non-concurrence. Quant à la clause d’exclusivité empêchant d’occuper tout autre emploi, il est difficile pour un employeur de justifier le fait d’empêcher un salarié d’occuper un emploi non relié aux domaines d’activité de l’entreprise. Toutefois, dans certaines circonstances, une telle clause peut être très pertinente, voire nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l’employeur. Par exemple, l’on retrouve ce type de clause dans le cas d’un bureau d’avocat, une banque, une firme d’actuaire, etc.

Voici un exemple de ce type de clause :

Le Salarié s’engage à consacrer tout son temps, son attention et ses énergies aux affaires de l’Employeur et, pendant la durée de son emploi, à n’entreprendre aucune autre activité commerciale, que cette activité soit ou non entreprise pour en tirer des bénéfices, des gains ou tout autre avantage pécuniaire. Il n’est pas interdit au Salarié de faire des investissements personnels dans d’autres entreprises, pourvu que ces investissements n’exigent pas une participation active dans l’exploitation de ces compagnies.

7.37 Qu’est-ce qu’une clause concernant la prohibition du double emploi et qu’est-ce qu’elle devrait contenir ?

Il est possible pour un employeur de prohiber le double emploi pendant et après l’exécution de la prestation de travail du salarié. En effet, il s’agit du type de clause qui peut être nécessaire en certaines circonstances pour protéger les intérêts légitimes de l’employeur. L’on rencontre ce genre de clause périodiquement en cours d’emploi, plus souvent qu’autrement dans des domaines spécifiques. Par exemple, dans le cas des bureaux d’avocats, ou encore dans le domaine bancaire ou celui des finances. Évidemment, la prohibition du double emploi doit viser spécifiquement le fait que le salarié ne peut occuper un autre emploi pour un autre employeur dans le même domaine d’activité. Il est plus difficile de prohiber complètement et totalement le double emploi dans un tout autre domaine d’activité que l’emploi principal occupé par le salarié. Par exemple, l’on pourrait difficilement prétendre qu’un avocat ne pourrait pas travailler le week-end dans une crémerie ou un cirque. Cependant, dans certains domaines une telle prohibition est souhaitable, surtout pour éviter les conflits d’intérêts. Une telle clause doit contenir plus particulièrement l’objet précis du ou des domaines prohibés da façon explicite.

7.38 Qu’est-ce qu’une clause de réserve de la propriété intellectuelle et qu’est-ce qu’elle devrait contenir ?

Une clause de réserve de propriété intellectuelle peut, dans certaines situations, sembler inutile, mais une telle clause s’avère essentielle à inclure dans tout contrat de travail. En effet, les conséquences de l’absence de cette clause pourraient être très fâcheuses pour l’employeur. Sans cette clause, si un employé met sur pied un système révolutionnaire améliorant la productivité de l’entreprise, la propriété de cette invention ne sera pas nécessairement attribuée à l’employeur et même après des procédures longues et coûteuses, l’employé en question pourrait et risquerait d’être déclaré propriétaire de cette invention.

Ainsi, l’inclusion d’une clause indiquant notamment qu’une invention réalisée par un employé dans le cadre de ses fonctions constitue la propriété exclusive de l’employeur protégerait les intérêts de celui-ci en plus de lui permettre d’éviter des litiges sur le sujet. Autrement, l’un des seuls autres cas où l’employeur pourrait revendiquer la propriété de l’invention de son employé avec succès est le cas où l’employé a été embauché spécialement dans le but de réaliser des inventions. Cette situation n’est pas si facile à démontrer puisque de nombreux critères doivent être évalués en pareilles circonstances.

7.39 Ces clauses s’appliquent-elles au travailleur autonome ?

Quant au contrat de service du travailleur autonome, il est d’autant plus important que celui-ci contienne une clause spécifique quant à la propriété des inventions, puisque, dans ce cas, même si l’objet du contrat de service est de réaliser des inventions, la présomption de propriété de l’entreprise mentionnée ci-haut ne s’applique pas et l’entreprise n’est protégée d’aucune façon. D’où l’importance de le prévoir expressément.

7.40 Quel est l’impact de l’absence d’une telle clause ?

L’absence de clause concernant la propriété des inventions pourrait avoir un effet différent lorsqu’il s’agit d’administrateurs et de dirigeants d’entreprise, en raison de leurs fonctions particulières et de leur obligation fiduciaire envers l’entreprise. Il serait en effet particulier pour un administrateur ayant l’obligation d’agir dans le meilleur intérêt de l’entreprise de revendiquer la propriété d’une invention qu’il a réalisée au moment où il était à l’emploi de l’entreprise et avec l’argent de celle-ci. Dans une telle situation, les tribunaux ont décidé que, si le dirigeant n’était pas engagé pour réaliser des inventions et en l’absence de clause dans son contrat, le dirigeant devrait céder à l’entreprise la propriété d’une invention reliée aux activités usuelles de cette entreprise. A contrario, si l’invention réalisée s’avère non reliée aux domaines d’activité de l’entreprise, le dirigeant n’a pas alors à céder les droits de propriété à l’entreprise.

7.41 Que devrait contenir une telle clause ?

En cette matière et comme dans la plupart des cas, rien ne vaut une protection contractuelle et une telle clause pourrait être formulée de la façon suivante :

Chaque concept, méthode, produit, création, invention ou innovation élaborés par l’employé pendant la relation d’emploi et en lien avec les activités de l’entreprise constituent la propriété exclusive de l’employeur. L’employé s’engage à collaborer avec l’employeur, pendant et après la fin de l’emploi, dans toute démarche visant à assurer à l’employeur la propriété des produits ou idées développés pendant la relation d’emploi (demande de brevets, litiges devant les tribunaux, etc.).

Il faut cependant demeurer prudent dans la rédaction de cette clause, et se limiter aux inventions et innovations survenues pendant la relation d’emploi et reliées aux champs d’activités de l’entreprise. En matière de droit d’auteur toutefois, l’entreprise profite d’une protection législative puisque la Loi sur le droit d’auteur prévoit spécifiquement que le premier titulaire du droit d’auteur est l’employeur lorsque l’auteur est employé en vertu d’un contrat et que l’œuvre est exécutée dans l’exercice de cet emploi.


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