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Clauses restrictives d’emploi

Chapitre VII

La non-sollicitation

  1. Qu’est-ce qu’une clause de non-sollicitation ?
  2. Qu’est-ce que la sollicitation exactement ?
  3. Quel est le fardeau de preuve en cette matière ?
  4. Quelle est « la bonne » rédaction d’une telle clause ?
  5. Quelles sont les conditions de forme d’une telle clause ?
  6. Quelles sont les conditions de fond d’une telle clause ?
  7. Quels sont les éléments qui doivent être présents pour conclure à la validité d’une telle clause ?
  8. Comment identifier le caractère déraisonnable d’une ou de plusieurs limites ?
  9. Quelle est la durée raisonnable d’une telle clause ?
  10. Quelle est la limite territoriale raisonnable d’une telle clause ?
  11. Quelle est la limite raisonnable concernant la description des activités d’une telle clause ?
  12. Que doit-on retrouver dans de telles clauses ?

7.19 Qu’est-ce qu’une clause de non-sollicitation ?

La clause de non-sollicitation est la clause par laquelle l’employeur cherche à limiter les activités de concurrence permises à son ex-employé en prohibant uniquement la sollicitation de clients, d’anciens collègues ou de fournisseurs. Cette clause n’empêche pas l’ex-employé de faire une concurrence loyale à son ancien employeur, elle prohibe seulement la sollicitation de la clientèle, des employés et des fournisseurs de celui-ci. La clause de non-sollicitation étant moins contraignante pour l’ex-employé que la clause de non-concurrence, les tribunaux interprètent ce genre de clause moins sévèrement et ces clauses s’avèrent moins souvent annulées par ceux-ci.

7.20 Qu’est-ce que la sollicitation exactement ?

Les tribunaux définissent généralement la sollicitation comme étant «une invitation insistante, une demande instante, une démarche pressante, un effort soutenu et insistant afin d’amener une personne à agir d’une certaine façon». Cette sollicitation doit être active et il doit y avoir présence d’un élément d’insistance ou de pression auprès des clients, anciens collègues et fournisseurs. Plusieurs actes ne constituent pas de la sollicitation et ne sont donc pas prohibés en vertu d’une telle clause, notamment les suivants :

  • Le fait d’informer les clients de son départ et de leur donner ses nouvelles coordonnées;
  • Le fait d’adresser de la publicité au public en général, tant dans les journaux qu’à la radio et à la télévision;
  • Le fait d’utiliser le réseau social LinkedIn pour afficher des ouvertures de postes chez son nouvel employeur;
  • Le fait de servir des clients de l’employeur alors que ce sont les clients qui ont requis les services de l’ex-employé;
  • Le fait de solliciter des clients qui ont cessé de faire affaire avec l’employeur avant le départ de l’ex-employé.

7.21 Quel est le fardeau de preuve en cette matière ?

La preuve de la sollicitation impose un fardeau de preuve très important sur les épaules de l’employeur. Une simple présomption ne suffit pas, puisque la bonne foi se présume. L’employeur doit prouver la sollicitation par preuve directe. De cette façon, le fait pour l’employeur de prouver que ses clients ou ses fournisseurs ont fait affaire ou ont discuté avec l’ex-employé ne signifie pas nécessairement que celui-ci les a sollicités. Aussi, le fait que des employés aient quitté l’employeur pour travailler dans la nouvelle entreprise de l’ex-employé ne constitue pas une preuve suffisante de sollicitation. Toutefois, lorsque la majorité ou tous les clients de l’employeur quittent l’entreprise pour faire affaire avec l’ex-employé, cela crée une présomption de fait selon laquelle il y a eu sollicitation illégale.

En plus de la preuve de sollicitation, l’employeur doit démontrer un lien particulier avec la clientèle ou, en d’autres termes, que la clientèle lui «appartient». Dans un milieu où la clientèle n’est pas exclusive, mais au contraire, très volatile, il peut être difficile de prouver ce lien spécial et exclusif avec la clientèle, surtout si cette clientèle est quotidiennement sollicitée par les autres compétiteurs.

7.22 Quelle est «la bonne» rédaction d’une telle clause ?

Lorsqu’il s’agit de rédiger une clause de non-sollicitation, il importe de ne pas rédiger celle-ci trop largement, afin qu’elle ne soit pas considérée comme une clause de non-concurrence, laquelle est interprétée plus strictement qu’une clause de non-sollicitation. Ainsi, pour des fins de rédaction, il est plus prudent de respecter les conditions de l’article 2089 C.c.Q. dans le cas des autres clauses restrictives également, comme en l’espèce, la clause de non-sollicitation. De cette façon, c’est à l’employeur que reviendrait le fardeau de prouver que la clause de non-sollicitation est valide.

Il faut noter toutefois qu’il existerait une «controverse ou un flottement jurisprudentiel» quant à l’application des conditions de la clause de non-concurrence à la clause de non-sollicitation. En effet, l’article 2089 C.c.Q. fait référence à des «stipulations de non-concurrence». Puisque, lors de l’adoption du Code civil du Québec en 1994, les autres clauses restrictives, dont les clauses de non-sollicitation, étaient déjà présentes et même fréquentes, certains décideurs et certains auteurs y ont vu une volonté du législateur de ne pas couvrir toutes les clauses restrictives, mais seulement les clauses de non-concurrence. Or, la Cour d’appel a semblé ouvrir la porte à l’application de l’article 2089 C.c.Q. même dans le cas de clauses de non-sollicitation. En effet, selon cette dernière, la sollicitation de la clientèle de son ancien employeur constitue le «geste primitif» de la concurrence et devrait alors être considérée comme une «stipulation de non-concurrence» au sens de 2089 C.c.Q.

7.23 Quelles sont les conditions de forme d’une telle clause ?

La situation est assez simple et claire, à propos des conditions de forme de l’article 2089 C.c.Q., la clause de non-sollicitation doit obligatoirement être écrite et elle doit être formulée en termes exprès.

7.24 Quelles sont les conditions de fond d’une telle clause ?

En ce qui a trait aux conditions de fond, l’article 2089 C.c.Q. prévoit que la stipulation de non-concurrence doit avoir une limite quant à la durée, au territoire, et au genre d’activités prohibées. En ce qui concerne la clause de non-sollicitation, l’exigence de ces trois limites est discutable.

D’abord, il est évident que la clause de non-sollicitation doit comprendre obligatoirement une limite quant à la durée. Ensuite, quant à la limite territoriale, la pertinence d’une telle limite est au cœur d’une controverse jurisprudentielle concernant l’application de l’article 2089 C.c.Q., puisque cette limite semble difficilement conciliable avec la nature d’une clause de non-sollicitation. En effet, une limite quant à l’étendue territoriale s’avère superflue lorsqu’une telle limitation est directement reliée à l’identification de la clientèle. Néanmoins, par prudence, il est préférable d’inclure une limite quant au territoire, de même que d’inclure une liste de la clientèle visée par la clause de non-sollicitation. Enfin, la limite quant aux activités prohibées ne semble pas s’appliquer en matière de non-sollicitation, puisque la sollicitation n’est pas un genre de travail, mais bel et bien une activité d’expansion commerciale. Or, toujours par prudence, l’insertion d’une telle limite est également recommandée.

7.25 Quels sont les éléments qui doivent être présents pour conclure à la validité d’une telle clause ?

Tel qu’expliqué dans le cadre de la clause de non-concurrence, pour que la clause de non-sollicitation soit valide, les trois limites doivent être présentes, non ambigües et raisonnables. Les commentaires quant à la clause de non-concurrence s’appliquent à la clause de non-sollicitation en ce qui concerne l’absence et aussi l’ambiguïté d’une ou des limites.

Or, relativement à l’ambiguïté des limites, une attention particulière doit être portée aux définitions des termes «clients» et «employés». En effet, il a déjà été reconnu que la sollicitation des compagnies d’assurances ou des organismes gouvernementaux qui envoient des clients à l’employeur ne contrevient pas à la clause de non-sollicitation de la clientèle de l’employeur, puisque les véritables clients ne sont pas les compagnies d’assurance ou les organismes gouvernementaux, mais bien les clients envoyés. La même situation se produit dans le cas de médecins référant des clients à des spécialistes, les médecins n’étant pas considérés comme clients. Quant aux employés, une situation semblable peut se produire également dans le cas des agences de placement, puisque l’agence de placement n’est pas liée par un contrat d’emploi aux personnes placées chez des clients. Ainsi, et par exemple, le simple fait d’ajouter que l’ex-employé ne peut solliciter «l’ensemble des personnes qui ont travaillé pour l’entreprise» dans un tel contexte porte à confusion.

7.26 Comment identifier le caractère déraisonnable d’une ou de plusieurs limites ?

Quant au caractère raisonnable de la clause de non-sollicitation, les enjeux diffèrent légèrement, bien que la majorité des observations et commentaires faits pour les clauses de non-concurrence s’appliquent également en l’espèce. La clause doit toujours être raisonnable, soit se limiter à ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l’employeur. De cette façon, la clause de non-sollicitation ne peut aller à l’encontre du libre choix de la clientèle, de même qu’elle ne peut empêcher tout contact et toute communication entre l’ex-employé et les clients de l’employeur. De telles restrictions seraient considérées déraisonnables par les tribunaux puisque non nécessaires pour protéger les intérêts de l’employeur. Il s’agit en fait de trouver un équilibre entre le libre choix de la clientèle et l’intérêt légitime de l’employeur en tant que propriétaire de la clientèle développée au fil des ans.

Les tribunaux vont alors prendre en considération les circonstances particulières du dossier en évaluant notamment la nature de l’emploi, la nature du lien de l’ex-employé avec l’entreprise et avec la clientèle, de même que la nature de l’entreprise. Lorsqu’il s’agit d’évaluer le caractère raisonnable d’une telle clause, il ne faut pas oublier que les tribunaux sont moins sévères envers les clauses de non-sollicitation parce que celles-ci sont moins limitatives en ce qui a trait à la liberté d’emploi de l’ex-employé.

7.27 Quelle est la durée raisonnable d’une telle clause ?

En matière de durée raisonnable, les tribunaux ont presque toujours reconnu la validité des clauses de non-sollicitation d’une durée de deux ans et moins. Dans certaines circonstances, des durées de trois ans et plus ont également été reconnues valides, chaque situation étant particulière. Il faut prendre en compte les éléments déjà mentionnés dans la section concernant la clause de non-concurrence du présent ouvrage.

7.28 Quelle est la limite territoriale raisonnable d’une telle clause ?

En matière de territoire raisonnable, le territoire sur lequel l’ex-employé exerçait ses activités devrait être le territoire retenu dans la clause de non-sollicitation. De même, la clientèle directement visée par une telle clause devrait être celle avec laquelle l’ex-employé a eu des contacts directs ou celle connue par l’ex-employé, par exemple. Une formulation comme «toute la clientèle avec laquelle l’employeur fait affaire» serait ainsi jugée déraisonnable. Également, la clientèle doit être la clientèle actuelle et non la clientèle potentielle ou future, ou la clientèle de tiers, puisqu’il est alors difficile pour l’ex-employé de déterminer la portée exacte de son engagement.

7.29 Quelle est la limite raisonnable concernant la description des activités d’une telle clause ?

En matière d’activités prohibées raisonnables, les activités ne devraient pas différer de celles  exercées par le salarié lors de son emploi. Dans ce cas, il faut bien circonscrire les activités de l’entreprise, mais plus spécialement les activités précises que l’employeur veut protéger. Dans ce cas, il est donc important de clairement identifier l’objet et la nature des activités prohibées et visées.

7.30 Que doit-on retrouver dans de telles clauses ?

De la même manière que la clause de non-concurrence, il est possible de s’inspirer des clauses-modèles pour la rédaction d’une clause de non-sollicitation en prenant bien soin évidemment d’adapter les limites aux besoins de son entreprise et de son milieu. Quant aux clauses de non-sollicitation, il importe également de bien couvrir tous les angles de sollicitation possibles. En effet, une clause qui interdit à l’ex-employé de solliciter ou d’accepter des offres de services d’employés de l’entreprise n’empêche pas l’ex-employé de former une société avec un employé de l’entreprise. Il est préférable dans tous les cas de viser dans cette clause tant la sollicitation directe qu’indirecte.

Aussi, certaines clauses de non-sollicitation empêchent l’ex-salarié de «débaucher» les employés de l’employeur. Les tribunaux ont interprété ce terme comme signifiant «détourner quelqu’un d’un travail, d’une occupation», «provoquer quelqu’un à la défection», «convaincre quelqu’un de quitter son emploi pour rejoindre une autre équipe». De cette façon, les employés ayant déjà manifesté le désir de quitter leur emploi n’ont pas alors été «débauchés» par l’ex-employé.

Voici des exemples de clauses de non-sollicitation  :

Exemple 1

Le Salarié s’engage et s’oblige à ne pas, directement ou indirectement, personnellement ou par l’entremise d’un tiers, que ce dernier soit un individu, une entreprise ou une société par actions, solliciter un ou des clients de même qu’un ou des fournisseurs de l’Employeur dont il a pu connaître l’identité dans le cadre de ses fonctions dans l’entreprise de l’Employeur ni à solliciter les services ou encourager le départ d’un membre du personnel ou recommander l’un d’entre eux à une tierce personne pour fins d’emploi, et ce, pour la durée de son emploi et pour une période de deux (2) ans après la cessation de son emploi.

Exemple 2

Le Salarié s’engage à ne pas solliciter directement ou indirectement les clients, les fournisseurs et les autres employés de l’Employeur pour la disposition, l’utilisation ou la valorisation de leurs cendres, et ce, pour la durée de son emploi et pour une période de trois (3) ans après la fin de son emploi.


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