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Exercer autrement un leadership de prévention face au climat de travail

Et si la médiation prévenait mieux le harcèlement qu'une plainte formelle? Découvrez comment transformer votre approche RH pour cultiver des climats de travail harmonieux avant qu'ils ne dégénèrent.
9 décembre 2025
Ghislaine Labelle, CRHA, Distinction Fellow, Médiatrice accréditée

Cet article rédigé en 2019 a été mis à jour en novembre 2025

Comment exercer autrement un leadership

Au travail, lorsqu’une personne se sent blessée, heurtée et qu’elle vit des difficultés relationnelles avec des collègues ou même avec son supérieur immédiat, son premier réflexe sera de consulter votre politique institutionnelle portant sur la prévention du harcèlement psychologique au travail.

Quel leadership devrait être exercé par les responsables en ressources humaines en matière de prévention des conflits et du harcèlement au travail? Quelles actions doivent être mises en place pour agir précocement sur les difficultés de climat de travail et sur les risques psychosociaux? Pour éviter que les climats négatifs dégénèrent en véritable harcèlement, vous feriez quoi?

L’employeur doit faire connaître les dispositifs d’accompagnement et de résolution à tout membre de son personnel confronté à des difficultés relationnelles ou à un conflit persistant.

  Voici un aperçu des bonnes pratiques à privilégier :

  1. Assurez-vous que votre politique institutionnelle en matière de respect et de prévention du harcèlement et des violences au travail inclut les modes de résolution alternatifs (comme premier moyen d’intervention), comme la médiation, le dialogue assisté et la communication authentique, pour traiter les difficultés signalées par vos employés et que les recours pour y avoir accès sont clairement définis (personne responsable, service, numéro d’accès ou courriel confidentiel, avantages, etc.).
  2. En second lieu, communiquez cette mise à jour de votre politique à tous les représentants de votre organisation, notamment les professionnels en ressources humaines, les conseillers en relations de travail, les délégués syndicaux et les gestionnaires, et offrez-leur une formation de base sur la manière de guider une personne qui se plaint d’une mauvaise relation ou qui vit un conflit. Il faut à tout prix éviter que le discours, fréquemment utilisé face au manque de respect, soit : « tu peux porter plainte si tu ne te sens pas respecté. »
  3. ll est important que l’ensemble des représentants sache orienter de manière adéquate une demande d’aide provenant d’une personne vivant une difficulté relationnelle vers les solutions disponibles et appropriées. Trop souvent, ce rôle est en grande partie exercé presque exclusivement par la personne répondante de la politique institutionnelle. Malheureusement lorsqu’une personne la consulte, la situation en cause perdure depuis déjà un bon moment et des conduites vexatoires s’apparentant à du harcèlement se sont produites menant à la détérioration du lien de confiance.
  4. Lorsque les modes de résolution de conflits (prévention et résolution des différends) sont sous-représentés dans la politique institutionnelle en vigueur, il est fréquent d’observer que la personne se disant « harcelée » envisage de déposer une plainte pour harcèlement. Or, il serait plus opportun à ce stade de préconiser un échange libre et éclairé portant sur les démarches d’accompagnement et les parcours possibles pour l’aider à choisir la démarche de résolution la plus appropriée à sa situation. Par exemple, en prenant le temps de bien cerner ses besoins et ses intentions (souhaite-t-elle régler le différend et améliorer sa relation ou le climat de travail? Cherche-t-elle à faire cesser des conduites ou à faire reconnaître les torts auprès de son adversaire?), on peut alors avoir une bonne idée du parcours qui sera le plus favorable. Il faut également faire valoir quelle démarche mènera vraisemblablement à un soulagement et une réparation plus grande de la situation vécue.

En prenant soin de faire valoir l’approche de résolution par la médiation, en cherchant à comprendre ce que la personne vit et en s’informant auprès d’elle des tentatives précédentes pour résoudre sa difficulté, la personne se sentira écoutée, accueillie et comprise. L’employeur pourra ensuite expliquer ses droits en regard de la politique en vigueur et accueillir une plainte écrite.

Même si la personne ne semble pas trop réceptive à l’idée de la médiation, son refus peut être considéré comme une étape normale de résistance au changement. Si l’on se contente de ce premier refus et que l’on met fin à l’entretien en se conformant à sa demande initiale (le dépôt de sa plainte), on limite les chances de mettre en place une solution qui aurait pu être bénéfique.

Rappelons que la personne est libre de s’engager ou non dans ce type de résolution. Elle peut refuser, si elle ne se sent pas à l’aise ou si elle ne souhaite pas résoudre le différend par cette approche. C’est vrai. Cependant, du point de vue de l’employeur, il faut se rappeler que ce dernier a la responsabilité d’offrir un climat de travail sain à ses employés. Si la politique adoptée pour contrer le harcèlement psychologique inclut la médiation ou d’autres moyens de réconciliation pour résoudre et traiter les difficultés relationnelles, alors il est possible d’influencer l’orientation que prendra la personne pour régler son différend en lui présentant les diverses options possibles.

Par exemple, j’ai réussi plusieurs médiations dans des contextes où l’employeur obligeait une personne à participer à une démarche de médiation pour régler le conflit de fond qui durait depuis de nombreuses années, et ce, avant un retour au travail suite à une absence pour raison psychologique. Dans ces cas, ce qui fait pencher la balance, c’est l’exercice des responsabilités légales de l’employeur plutôt que le principe de volontariat.

Guider les employés dans le choix d’un mode de résolution collaboratif et constructif vous positionnera comme une personne de bon conseil faisant preuve d’un leadership préventif.

Enfin, vous devez repenser votre offre de service en matière de promotion des modes de résolution préventifs ou collaboratifs. Outre la médiation, vous pourriez inclure des activités d’accompagnement qui visent à :

  • aider les équipes de travail à se doter d’un code de civilité;
  • soutenir les employés dans leur communication au moyen de capsules sur l’art de communiquer une rétroaction constructive ou sur la façon de régler un malentendu de manière responsable;
  • favoriser l’intégration, l’inclusion et la diversité au travail; et les arrimer avec l’ensemble des procédures internes;  
  • répéter diverses activités de sensibilisation et saisir les occasions de transmettre un message clair et puissant : l’importance de préserver et de cultiver un climat de travail sain et respectueux par la contribution de tout un chacun.

Conclusion

En privilégiant des modes de résolution qui mettent l’accent sur le règlement des différends (approche collaborative) plutôt que rechercher des fautes chez une personne présumée coupable (enquête), vous valorisez les principes de respect, d’ouverture, de dialogue authentique et de responsabilisation des individus. Vous créez ainsi un environnement de travail dont les fondations sont l’harmonie et la collaboration. Plus vous serez nombreux à véhiculer ces valeurs, plus vos employés vous aideront à promouvoir la collaboration dans l’entreprise. Pensez-y, l’harmonie et la collaboration sont des vecteurs de bien-être et de sécurité psychologiques, d’accomplissement, de motivation, d’engagement et de performance. Avez-vous les moyens de vous en priver?

Ghislaine Labelle, M. Ps., CRHA, Distinction Fellow, CSP, est psychologue organisationnelle, conférencière, auteure et médiatrice accréditée pour le Groupe SCO. Les idées de ce texte sont tirées de son plus récent ouvrage Agir comme médiateur pour rétablir la paix au travail, un guide utile et pratique en médiation très apprécié des gestionnaires et des professionnels convaincus de l’importance de faire appel aux approches de prévention et de résolution de différends en milieu de travail.

Cet article rédigé en 2019 a été mis à jour en novembre 2025


Author
Ghislaine Labelle, CRHA, Distinction Fellow, Médiatrice accréditée M. Ps., CSP. auteure, conférencière, psychologue organisationnelle et médiatrice accréditée Groupe SCO inc.

Experte en matière de prévention et de gestion des situations complexes en milieu de travail (conflits, harcèlement et maladies psychologiques), présidente fondatrice de Groupe Conseil SCO, Ghislaine Labelle possède 25 ans d’expérience comme psychologue du travail et médiatrice. Conférencière professionnelle certifiée (CSP), elle a obtenu la Distinction Fellow de l’Ordre des CRHA en 2018. Elle est l’auteure de cinq ouvrages de référence sur la prévention des conflits en milieu de travail.

Ghislaine transforme les conflits en collaboration afin de rétablir la paix au travail. Ses clients l’apprécient pour son pragmatisme et sa capacité à stimuler son auditoire à créer des environnements de travail empreints de respect, de collaboration et d’harmonie.


Avis - Ce contenu relève de la responsabilité de son auteur et ne reflète pas nécessairement la position officielle de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.