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Règles pour agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires

Les auteures se penchent ici sur le régime de permis et les obligations prévues au Règlement sur les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires pour les entreprises ayant de telles activités.
9 décembre 2025
Me Valérie Leroux, CRHA | Me Mélanie Morin, CRHA

Cet article rédigé en 2019 a été mis à jour en novembre 2025

Dans le cadre de modifications à la Loi sur les normes du travail (la « LNT ») en vigueur depuis le 1er janvier 2020, le législateur québécois encadre plus particulièrement les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires (l’« Agence » ou collectivement les « Agences »). Parmi ces dispositions, on retrouve :

  • L’obligation pour l’Agence de ne pas accorder à un salarié un taux de salaire moindre que celui des salariés de l’entreprise cliente uniquement en raison de son statut d’emploi;
  • L’exigence pour l’Agence de détenir un permis délivré par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST »), de même qu’une attestation valide de Revenu Québec;
  • L’obligation pour l’employeur embauchant un travailleur étranger de consigner dans ses registres et de communiquer à la CNESST certains renseignements;
  • La responsabilité solidaire de l’agence de placement de personnel et de l’entreprise cliente relativement aux obligations pécuniaires prévues à la LNT ou aux règlements[1].

Les modalités relatives au permis que doit détenir l’Agence sont prévues au Règlement sur les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires (le « Règlement ») également en vigueur depuis le 1er janvier 2020. Nous en présentons ci-après les grandes lignes.

Champ d’application

L’agence de placement de personnel est définie comme étant une personne, une société ou une autre entité dont au moins l’une des activités consiste à offrir des services de location de personnel en fournissant des salariés à une personne, à une société ou à une autre entité (« entreprise cliente ») afin de combler ses besoins en main-d’œuvre[2].

Quant à l’agence de recrutement de travailleurs étrangers temporaires, elle est définie comme étant une personne, une société ou une autre entité dont au moins l’une des activités consiste à offrir des services de recrutement de travailleurs étrangers temporaires pour une entreprise cliente ou à l’assister dans ses démarches pour les recruter[3].

Permis

Pour obtenir un permis, l’Agence doit fournir une série de renseignements et de documents au moyen d’un formulaire en plus de :

  • Payer les droits exigibles;
  • Ne pas avoir fait cession de ses biens ni être sous le coup d’une ordonnance de séquestre en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité;
  • Ne pas être en défaut de respecter une décision ou une ordonnance d’un tribunal en application de la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles, la Loi sur l’équité salariale, la Loi sur la Fête nationale, la LNT et la Loi sur la santé et la sécurité du travail ou leurs règlements (collectivement les « Lois du travail ») (cette exigence s’applique aussi aux membres de la direction de l’Agence);
  • Ne pas servir de prête-nom pour autrui (cette exigence s’applique aussi aux membres de la direction);
  • Ne pas avoir faussement déclaré ou dénaturé des faits relatifs à une demande de permis ni omis de fournir un renseignement dans le but d’obtenir un tel permis;
  • Si le permis demandé l’est pour une agence de placement de personnel, fournir un cautionnement de 15 000 $ au moyen d’une police de cautionnement ou d’un chèque visé ou d’une traite afin de garantir l’exécution des obligations pécuniaires de l’Agence à l’endroit des salariés[4].

Même si une Agence satisfait à ces exigences, la CNESST pourrait tout de même refuser d’émettre un permis dans les cas suivants :

  • L’Agence est en défaut d’acquitter une somme exigible en vertu des Lois du travail, à moins d’une entente de paiement qu’elle respecte;
  • Au cours des cinq années précédant la demande de permis, l’Agence a fait l’objet d’une condamnation en matière de discrimination, de harcèlement psychologique ou de représailles;
  • Au cours des cinq années précédant la demande de permis, l’Agence, ou l’un des membres de son équipe de direction, a fait l’objet d’une déclaration de culpabilité pour une infraction pénale ou criminelle au Canada ou à l’étranger relativement à l’exercice des activités visées par le permis;
  • Au cours des deux années précédant la demande, l’Agence, ou l’un des membres de son équipe de direction, a été sous le coup d’une ordonnance de séquestre en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité ou d’une ordonnance de mise en liquidation pour cause d’insolvabilité en vertu de la Loi sur les liquidations et les restructurations;
  • L’un des membres de la direction de l’Agence a fait cession de ses biens ou est sous le coup d’une ordonnance de séquestre en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[5]

Dans les cinq jours qui suivront la date où le permis est émis, l’Agence devra en aviser toute entreprise cliente, de même que ses salariés qui y sont déjà affectés, et leur remettre une copie des documents préparés à leur intention par la CNESST[6].

Le permis est délivré sans terme, sujet au paiement annuel des droits de maintien et dans la mesure où il n’est pas suspendu ou révoqué en raison du fait que les conditions ne sont plus remplies ou que l’Agence ne respecte pas ses obligations prévues au Règlement[7].

Si la CNESST prévoit refuser d’émettre un permis ou si elle compte le suspendre ou le révoquer, elle doit d’abord en aviser l’Agence qui peut présenter des observations. La CNESST rend ensuite une décision écrite motivée qui précise, le cas échéant, la date où le permis cesse d’avoir effet[8].

L’Agence qui se voit refuser un permis ou qui reçoit une décision de suspension ou de révocation doit en aviser les salariés affectés auprès des entreprises clientes[9]. En outre, l’Agence ne pourra pas présenter une nouvelle demande pendant deux ans suivant la décision défavorable, à moins de présenter des faits nouveaux susceptibles de justifier une décision différente[10].

Par ailleurs, la suspension ou la révocation du permis ont pour conséquence de rendre sans effet toute mesure restrictive qui empêcherait les salariés affectés auprès des entreprises clientes d’être embauchés par ces dernières [11].

Obligations du titulaire de permis

Le Règlement prévoit des obligations communes à tous les titulaires de permis :

  • Aviser sans délai la CNESST de toute modification à sa situation;
  • Répondre à toute demande de renseignement de la CNESST;
  • Afficher son permis, ou une reproduction de celui-ci, dans chacun de ses établissements;
  • Indiquer le numéro du permis sur tout document utilisé couramment dans le cadre de ses activités ou pour fins publicitaires (factures, contrats, site Internet, etc.);
  • Remettre au salarié affecté auprès d’une entreprise cliente ou au travailleur étranger un document décrivant ses conditions de travail et les documents d’information rendus disponibles par la CNESST concernant les droits des salariés et les obligations des employeurs en matière de travail;
  • Conserver pendant au moins six ans les contrats conclus avec les entreprises clientes, les factures afférentes et les renseignements prescrits relatifs aux salariés affectés auprès des entreprises clientes ou aux travailleurs étrangers recrutés[12].

En plus de ces obligations communes, l’agence de placement de personnel doit rappeler aux entreprises clientes auprès de qui elle affecte du personnel ses obligations en matière de santé et sécurité du travail[13]. En outre, elle ne peut pas exiger des salariés des frais relativement à leur affectation ou pour toute assistance relative à des entrevues d’embauche. Elle ne peut pas non plus leur imposer des mesures restrictives qui les empêcheraient d’être embauchés par l’entreprise cliente au-delà d’une période de six mois suivant le début de l’affectation[14].

En plus des obligations communes, l’agence de recrutement de travailleurs étrangers ne peut pas exiger de ceux-ci qu’ils lui confient la garde de documents personnels ou de biens leur appartenant (passeport original, permis de travail, etc.)ni leur exiger des frais autres que ceux autorisés en vertu d’un programme gouvernemental canadien[15]. Des obligations similaires sont aussi imposées aux employeurs qui les embaucheront[16].

Conclusion

Considérant les conséquences importantes que peuvent avoir le refus de délivrance d’un permis, de même que sa suspension ou sa révocation sur les activités des Agences, il est donc important que celles-ci soient conscientes des obligations qui leur sont imposées en vertu du régime de permis prévu au Règlement.


Author
Me Valérie Leroux, CRHA Avocate Morin Pelletier Avocats

Valérie Leroux, CRHA est avocate recherchiste-rédactrice au cabinet de Morin Pelletier Avocats. Elle fournit principalement des services de recherche et de préparation de dossiers en droit du travail et de l’emploi, de droit professionnel et de droit disciplinaire à l’intention des avocats plaideurs du cabinet. En outre, elle apporte assistance aux employeurs dans la gestion quotidienne des ressources humaines, notamment dans le cadre de l’application de la législation du travail, des droits de la personne, de la Charte de la langue française et des conventions collectives, de même qu’en matière de régimes de retraite et d’avantages sociaux. Elle assiste aussi les employeurs et leurs employés en matière d’immigration des travailleurs qualifiés, notamment pour l’obtention de visas de résidents temporaires, de permis de travail et de résidences permanentes.


Author
Me Mélanie Morin, CRHA Associée Morin Pelletier Avocats

Me Mélanie Morin est associée au cabinet Morin Pelletier Avocats. Mélanie axe sa pratique principalement en droit du travail et de l’emploi. Elle s’occupe également de dossiers de litige civil et de droit professionnel.

Me Morin représente les employeurs tant du secteur privé (petites, moyennes et grandes entreprises) que du secteur public. Elle est appelée à représenter ses clients devant les tribunaux civils et administratifs en matière d’arbitrage de griefs, de relations de travail, d’accréditation, de congédiement et de santé et sécurité au travail. Elle axe également sa pratique sur les recours extraordinaires, tels que la révision judiciaire et l’injonction.

Me Morin agit à titre de conseillère en relations de travail, en plus de s’occuper de la négociation de conventions collectives.

Elle est conférencière en matière de relations de travail, de gestion d'employés et des enjeux reliés à l’utilisation des réseaux sociaux. Son expertise est plus particulièrement mise à contribution en matière de rapports collectifs et individuels de travail ainsi qu’en matière santé et sécurité au travail. Elle conseille également sa clientèle en matière de droit administratif, de Charte des droits et libertés et en matière d’immigration pour la clientèle d’affaires.


Source : VigieRT, décembre 2025

1 Articles 41.2, 92.5, 92.6, 92.7.1, 92,9 et 95 al. 2 de la LNT.
2 Article 1 du Règlement.
3 Article 1 du Règlement.
4 Articles 4 à 10, 19 et 27 à 39 du Règlement.
5 Article 11 du Règlement.
6 Articles 46 et 48 du Règlement.
7 Articles 19 et 40 du Règlement.
8 Articles 13 et 41 du Règlement.
9 Articles 41 et 47 du Règlement.
10 Articles 12 et 42 du Règlement.
11 Articles 45 du Règlement.
12 Articles 21, 22 et 24 du Règlement.
13 Article 22 du Règlement.
14 Article 23 du Règlement.
15 Article 25 du Règlement.
16 Articles 92.11 et 92.12 de la LNT.

Avis - Ce contenu relève de la responsabilité de son auteur et ne reflète pas nécessairement la position officielle de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.