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Assurer la transition : quelles compétences pour la relève intérimaire?

Expérience de passage ou premiers pas vers la gestion, l’organisation doit adopter des stratégies gagnantes pour faciliter la transition et assurer ses activités sans heurt.
8 octobre 2024
Marie-Noëlle Godin, CRHA

Le départ inattendu d’une ou d’un membre de la direction peut déstabiliser les organisations les mieux établies. Lors d’un arrêt maladie soudain, d’un congé de maternité, ou en attendant de pourvoir un poste de direction laissé vacant, il n’est pas rare que l’employeur fasse temporairement appel à une personne à l’interne afin d’assurer la continuité des opérations courantes. Qu’il s’agisse d’une expérience de passage ou de ses premiers pas vers une carrière en gestion, l’intérimaire doit acquérir rapidement les compétences nécessaires afin d’assurer son rôle et évoluer durant cette transition.

En peu de temps et pour le bien de la continuité des activités, cette personne devra en effet absorber une importante quantité d’informations et apprivoiser un système managérial qui lui était jusqu’alors inconnu. Aussi imputable que la personne précédemment en poste, mais n’ayant souvent pas les mêmes connaissances ni le même recul[1], la ou le gestionnaire en formation verra chacune de ses décisions susceptibles d’influencer la productivité et l’engagement de l’équipe, laissant peu de place à l’erreur. Dans un contexte où l’intérimaire doit diriger en même temps qu’apprendre à le faire, comment optimiser l’apprentissage tout en minimisant son effet sur l’organisation?

Évaluer les besoins de formation

À l'inverse de la dirigeante ou du dirigeant en place, qui a été sélectionné pour ses compétences en administration, l’intérimaire interne est souvent un membre du personnel performant dans son poste, mais sans expérience de gestion stratégique significative. Cela peut donner lieu à des écarts de compétences importants[1].

La création d’une feuille de route est une excellente façon de documenter et de prioriser les compétences à développer dans les semaines à venir, tout en assurant un suivi régulier du parcours de l’intérimaire. Un plan développé en collaboration avec la direction et l‘intérimaire devrait comprendre :

  • Les priorités et les actions immédiates à effectuer en fonction des besoins de l’organisation.
  • Les étapes nécessaires pour les réaliser.
  • Les connaissances ou compétences à acquérir pour y parvenir.
  • Les ressources, formations et outils qui soutiendront l’intérimaire dans cet apprentissage (ou un membre du personnel qui pourra temporairement assurer ces tâches durant l’intérim).
  • Des échéances réalistes pour chacun des points d’action.
  • Les indicateurs de succès qui permettront d’évaluer l’évolution et l’atteinte de chacun des objectifs.

Ce plan de développement personnalisé permettra de concentrer les efforts sur l’essentiel, de moduler les attentes de l’organisation en fonction des capacités de l’intérimaire et du temps alloué, et de rattacher les actions prioritaires à la vision à long terme d’entreprise. C’est aussi une bonne occasion de départager les compétences qui peuvent réalistement être acquises par l’intérim et les responsabilités que l’on doit déléguer.

Des stratégies de formation adaptées

Il y a fort à parier que la nouvelle personne en poste devra rapidement démystifier le système de gestion des payes, assurer les approvisionnements et naviguer entre les conventions collectives avant même de pouvoir penser à développer son leadership. À plus forte raison lorsqu’il s’agit d’un intérim non planifié, ses activités se résument souvent plus à résoudre les urgences du quotidien qu’à développer des compétences à long terme. On s’éloignera donc dans un premier temps des programmes conventionnels de relève aux cadres pour privilégier des stratégies de formation juste à temps qui cibleront des besoins précis, au moment où ils surgiront.

Un style d’apprentissage dit « dans le flux de travail », par exemple, s’intègre directement à la tâche pour faciliter l’accès aux informations critiques. L’utilisateur est ainsi guidé à même ses activités, sans avoir à quitter son environnement de travail[2]. On pense par exemple à des tutoriels intégrés aux logiciels de gestion utilisés, à des explications disponibles au clic dans les champs des formulaires administratifs, à un espace de clavardage pour les questions ponctuelles, à une check-list envoyée avant une demande d’approvisionnement, etc.

De son côté, le microapprentissage, qui consiste à diviser l’information à apprendre en courtes unités centrées sur un objectif précis, est également une stratégie pédagogique avantageuse dans un contexte où le temps de formation est compté. Limitée à des activités de quelques minutes et disponibles à la demande, la formule a l’avantage de maintenir l’attention et de favoriser la mémorisation tout en offrant une facilité de consultation[3]. Le microapprentissage peut prendre la forme d’extraits audio, de démonstrations vidéo répertoriées dans une plateforme de gestion de l’apprentissage LMS, de schémas explicatifs, de courtes activités interactives portant sur une compétence de gestion, etc.

Finalement, l’apprentissage par les collègues comme les activités de codéveloppement, le jumelage à un compagnon d’intégration ou le mentorat par une ressource d’expérience sont autant de stratégies qui mettent à profit le savoir collectif de l’organisation, réduisent les chances d’erreur et favorisent la socialisation de l’intérimaire au sein du nouveau palier hiérarchique.

L’apport indispensable des ressources humaines

Les professionnelles et professionnels RH assurent un rôle déterminant dans la planification de la relève temporaire des cadres. Ils soutiennent non seulement la personne en intérim et son équipe durant cette période de transition du leadership, mais aident l’organisation à anticiper les besoins en matière de main-d'œuvre et à bâtir une culture apprenante et résiliente.

Après tout, on ne devrait pas attendre la survenue d’un poste vacant pour planifier un intérim de gestion. Définir et capter dès maintenant les compétences stratégiques, en déterminer les transmetteurs potentiels, développer des programmes de relève aux cadres, tout comme favoriser l’accès à des stratégies d’apprentissage variées et en contexte, sont autant de façons de garantir une réponse rapide et adaptée lors des transitions de personnel et d’assurer le développement continu du leadership au sein de l’organisation.

Pour aller plus loin 

L’apprentissage dans le flux de travail : https://pedagogienumerique.chaire.ulaval.ca/blogues/apprendre-en-travaillant-quelques-notions-sur-lapprentissage-dans-le-flux-de-travail/

Intégration des nouveaux gestionnaires : https://carrefourrh.org/ressources/partenaires-contenu/brh/2023/10/processus-integration-gestionnaires-cle-maximiser


Author
Marie-Noëlle Godin, CRHA Chargée de projet - chef d'équipe Centre universitaire de santé McGill

Marie-Noëlle détient un MBA en conseil et management et compte plus de 15 ans d’expérience en développement des compétences auprès d’entreprises publiques et privées.


Références

[1] FARRELL, Maggie. « Interim Leadership », Journal of Library Administration, 2016. 56:8, 990-1000.

[2] TREMBLAY, Véronique. « Apprendre en travaillant : Quelques notions sur l’apprentissage dans le flux de travail » dans le blogue de la Chaire de leadership en enseignement sur les pratiques pédagogiques innovantes en contexte numérique (Université Laval), [En ligne], 12 avril 2021.

[https://pedagogienumerique.chaire.ulaval.ca/blogues/apprendre-en-travaillant-quelques-notions-sur-lapprentissage-dans-le-flux-de-travail/] (Consulté le 23 août 2024).

[3] SOUKAYNA, Handaj. « Le microlearning : modalité de formation adaptée à nos capacités de concentration » dans École branchée, [En ligne], 18 septembre 2019. [https://ecolebranchee.com/le-micro-learning-modalite-de-formation-adaptee-a-la-nos-capacites-de-concentration/] (Consulté le 23 août 2024).