Infidèles, indépendants, paresseux, égoïstes, trop gâtés, élevés dans la ouate, pensent tout connaître, veulent tout avoir tout de suite... On parle souvent du choc des générations, mais si les attentes au travail étaient davantage liées à la situation personnelle des gens plutôt qu’à leur année de naissance?
À titre de gestionnaire ou de professionnel en ressources humaines, il est important de bien cerner ce qui caractérise un environnement de travail enviable aux yeux des gens et d’adapter ses interventions en conséquence afin de maximiser l’engagement au travail dans un environnement multigénérationnel.
Quelles sont les attentes des différentes générations?
Sans vouloir mettre tout le monde dans le même panier, on peut constater que selon leur génération, les gens ont des attentes différentes face au travail.
À l’aide d’une enquête en ligne effectuée de septembre 2019 à août 2023, on a demandé à 3 125 personnes de prioriser leurs attentes pour un travail satisfaisant et l'on remarque des différences entre les anciennes et les nouvelles générations.
Principales attentes pour un travail satisfaisant
Baby-boomers (1946-1963)
- L’organisation adopte des valeurs qui me rejoignent.
- Localisation géographique
- Les tâches correspondent à mes compétences et à mes habiletés.
- L’encadrement respectueux de mon supérieur immédiat
- Un horaire adapté à ma réalité (équilibre travail/vie personnelle)
Génération X (1964-1978)
- Les tâches correspondent à mes compétences et à mes habiletés.
- L’organisation adopte des valeurs qui me rejoignent.
- L’encadrement respectueux de mon supérieur immédiat
- Localisation géographique
- Un horaire adapté à ma réalité (équilibre travail/vie personnelle)
Génération Y (1979-1994)
- Un horaire adapté à ma réalité (équilibre travail/vie personnelle)
- La possibilité d’avancement ou d’obtenir des responsabilités plus importantes
- L’organisation adopte des valeurs qui me rejoignent.
- L’encadrement respectueux de mon supérieur immédiat
- La possibilité d’apprentissage, de formation
Génération Z (1995-2012)
- Un horaire adapté à ma réalité (équilibre travail/vie personnelle)
- La possibilité d’avancement ou d’obtenir des responsabilités plus importantes
- La possibilité d’apprentissage, de formation
- La stabilité d’emploi
- Le programme de rémunération (salaire, primes, avantages, etc.)
Source : www.enviAB.ca
Ainsi, parmi un choix de vingt réponses, les baby-boomers (1946-1963) et les membres de la génération X (1964-1978) priorisent les mêmes cinq choix alors que les répondants des générations Y (1979-1994) et Z (1995-2012) ont des attentes différentes (en gras). La possibilité d’avoir un horaire adapté à sa réalité est la seule attente qui figure parmi le TOP 5 pour toutes les générations.
Comment les attentes face au travail évoluent-elles?
On associe souvent un changement de génération à des événements sociaux majeurs comme la fin de la Seconde Guerre mondiale, la fin de la Guerre froide, l’attentat du World Trade Center ou la pandémie de COVID-19. Parfois, on lie aussi l’arrivée d’une nouvelle cohorte à l’arrivée d’une nouvelle technologie comme le téléviseur, les micro-ordinateurs, l’Internet ou les téléphones intelligents. Cependant, il est difficile d’affirmer que ces changements affectent une génération plus qu’une autre. Oui, les jeunes nés avec un téléphone intelligent dans leurs mains sont peut-être plus habiles que les plus vieux, mais nous nous sommes tous adaptés.
En fait, c’est davantage la situation personnelle et professionnelle qui a une influence sur les attentes au travail (vivre en couple, attendre un enfant, contracter une première hypothèque, etc.). Ainsi, il semble normal d’espérer davantage de possibilités d’avancement et d’occasions d’apprentissage en début de carrière, tout comme on s’attend à pouvoir effectuer plus de tâches qui correspondent à nos habiletés lorsqu’on est plus expérimenté.
Comment s’adapter aux nouvelles générations?
La première étape consiste à demander carrément aux employés de prioriser leurs attentes face à leur travail. C’est encore plus important de le faire avec les plus jeunes qui sont confrontés à beaucoup d’options et de modèles et dont 95 % se disent influencés par les autres dans leur choix d’employeur selon l’enquête Génération Z effectuée par le biais d’un sondage en ligne au printemps 2023 auprès de 230 personnes nées en 1995 et après.
La deuxième étape est de comprendre ce qui se cache derrière ces attentes. Par exemple, si une personne valorise la possibilité d’avoir un horaire adapté à sa réalité, ça ne veut pas nécessairement dire qu’elle veut travailler seulement quand ça lui tente. Peut-être désire-t-elle plus de prévisibilité et de flexibilité afin de diminuer son degré de stress face à des imprévus? Surtout que 68 % des jeunes Québécois se disent stressés dans leur vie de tous les jours selon Le code Québec paru en 2021.
Ce n’est qu’une fois les attentes connues et comprises, qu’on peut envisager de s’adapter aux différences et aux circonstances individuelles. L’objectif est de personnaliser le plus possible les communications, les formes de reconnaissance ainsi que les possibilités d’apprentissage et de développement aux besoins de chaque individu.
Sur le plan des communications, il faut choisir le bon canal selon l’émotion provoquée par le message, la complexité des informations partagées de même que la qualité et la rapidité des interactions souhaitées. Ainsi, un jeune peut préférer un message texte à un courriel pour confirmer une réunion, mais il va privilégier une rencontre face à face (en personne ou à distance) pour aborder un sujet plus délicat.
Sur le plan de la reconnaissance, il faut avoir le même souci de personnalisation. Par exemple, une personne pourrait être très fière qu’on souligne son bon travail devant tous ses collègues alors que pour une autre, cela pourrait causer un malaise. Aussi, même si la majorité des jeunes préfèrent les reconnaissances pécuniaires, certains pourraient apprécier davantage les encouragements, les cadeaux ou les privilèges.
En conclusion
Dans un monde idéal, tout gestionnaire ou professionnel en ressources humaines devrait connaître les attentes individuelles de ses employés, mais à défaut d’avoir le temps de le faire, on peut s’inspirer de grandes tendances tout en évitant de mettre tout le monde dans le même panier, car les différences sont davantage individuelles que générationnelles et que si l'on se limite à des généralités générationnelles, on risque de passer à côté de ce qui est vraiment important aux yeux des gens.
Pour aller plus loin :
ENVIAB. [En ligne]. [www.enviab.ca].
LÉGER, Jean-Marc, Jacques NANTEL, Pierre DUHAMEL et Philippe LÉGER. Le code Québec, Les sept différences qui font de nous un peuple unique au monde, Montréal, Les éditions de l’homme, 2021.
TWENGE, Jean M. Generations, The Real Difference Between Gen Z, Millenials, Gen X, Boomers, and Silents – and What They Mean for America’s Future, New-York, Atria Books, 2023.
SIMARD, Stéphane. Génération Z, Attirer, mobiliser et fidéliser la nouvelle génération, [En ligne]. [www.stephanesimard.com] (Consulté le 25 août 2023).