Alors que la pandémie a permis de déconstruire le concept de présence absolue au bureau, les enjeux de la main-d’œuvre continuent de préoccuper de nombreux dirigeants et gestionnaires en ressources humaines. L’un est-il lié à l’autre? Assurément. Et si l’une des clés était dans l’accessibilité de part et d’autre?
Pour plusieurs personnes candidates qualifiées ayant un handicap, les freins sont trop souvent nombreux, et ce dès le début d’un processus de recrutement. Mais parfois, le frein est clair et tangible et ce sont l’accessibilité et l’adaptabilité au bureau ou à un espace de travail. Mais justement, cette déconstruction de la nécessité de se présenter au bureau chaque jour n’aurait-elle pas dû avoir un effet de levier positif sur l’embauche de personnes handicapées? Force est d’admettre que le résultat n’est pas à la hauteur.
Alors où est-ce que cela bloque?
Il faut dire que des efforts soutenus ont été déployés au cours des dernières années pour mettre en place les conditions gagnantes permettant aux personnes issues de la diversité de joindre les différentes organisations. Ce combat n’est toujours pas gagné, pas plus que celui de la parité salariale. Mais a-t-on faussement cru que le « dossier » des personnes en situation de handicap était, quant à lui, réglé?
Car oui, il y a des mesures gouvernementales en place, notamment au sein de la fonction publique, mais les idées préconçues et les biais restent trop présents encore aujourd’hui. Et ceci, parce que les personnes handicapées demeurent le groupe minoritaire le moins représenté au sein des instances décisionnelles. Et pour opérer des changements structurels, il faut une représentativité à tous les paliers de l’organisation – la preuve n’est plus à démontrer.
Mais d’ici là, que faire?
Pour passer de l’intention à l’action – et bénéficier de ce bassin de main-d’œuvre – il faut agir à la fois stratégiquement et opérationnellement. Voici donc quelques pistes d’influences comme CRHA :
- Convier les leaders de votre organisation à prendre un engagement concret sur la diversité et l’inclusion, notamment auprès des personnes handicapées, comme en se joignant au mouvement Ensemble inc. Plusieurs entreprises se sont déjà commises à poser des gestes tangibles en ce sens.
- Se renseigner davantage sur le Contrat d’intégration au travail – une mesure intéressante encore trop méconnue. Cette dernière permet notamment d’obtenir du soutien financier pour le salaire, l’accessibilité au bureau et le poste de travail, mais également un précieux accompagnement franchement pratique lorsque l’on fait face à ces situations particulières.
- Développer le réflexe d’aller chercher les talents dans d’autres bassins de candidatures. Dans le cas des personnes handicapées, vous pourriez communiquer avec le ROSEPH qui peut vous aider dans vos stratégies et vous permettre d’accéder à des talents qualifiés.
- Faire évoluer la culture organisationnelle, rien de moins. Malgré toutes les stratégies que vous pourriez développer, si la culture, les valeurs, les gestes et la cohérence ne sont pas au rendez-vous, vous risquez de voir peu de changements s’opérer. Comme disait Peter Drucker : « Culture eats strategy for breakfast ».
Les personnes handicapées et le milieu du travail en chiffres[1]
- Alors que 75 % des personnes âgées de 15 à 64 ans sans incapacité occupent un emploi, ce taux baisse à 55 % lorsqu’il y a une présence d’incapacité.
- 51 % des personnes avec incapacité en emploi mentionnent avoir déjà vécu des limitations au travail à cause de leur état.
- 21 % des personnes avec incapacité et ayant occupé un emploi croient qu’une entrevue, une promotion ou un emploi leur ont été refusés en raison de leur état.
- 62 % des personnes avec incapacités inactives ont rencontré des obstacles qui les ont découragées de chercher du travail.
Nous avons tous un rôle à jouer
D’ici à ce que les personnes handicapées aient plus de visibilité et de pouvoir décisionnel, nous avons tous un rôle à jouer pour influencer des changements systémiques et culturels dans nos organisations. Et comme la pandémie nous a démontré que la performance pouvait être au rendez-vous, même à distance, il serait bête de se priver de ces talents disponibles!
Personne handicapée ou en situation de handicap?
La question revient continuellement et va au-delà d’un exercice sémantique. Pour illustrer la différence, prenons mon exemple. Je suis amputé d’une partie de la jambe droite, je suis ainsi une personne handicapée. Mais disposant d’une prothèse, je me trouve généralement peu souvent en situation de handicap dans les différents environnements où j’évolue. Par contre, mon amie en fauteuil fait face à de nombreuses situations de handicap, notamment quand une série de marches s’impose devant elle.
Pour aller plus loin
- Ensemble inc. - https://ensembleinc.ca/
- Contrat d’intégration au travail - https://www.quebec.ca/emploi/embauche-et-gestion-de-personnel/recruter/contrat-integration-travail
- Regroupement des organismes spécialisés pour l’emploi des personnes handicapées (ROSEPH) - https://roseph.ca/
[1] Office des personnes handicapées du Québec (2021). Les personnes handicapées avec incapacité au Québec : un portrait à partir des données de l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2017 : activité sur le marché du travail : volume 8, Drummondville, Secrétariat général, communications et affaires juridiques, L’Office, 56 p. https://www.ophq.gouv.qc.ca/fileadmin/centre_documentaire/Enquetes/Internes/V08_Portrait_incapacite_Qc_ECI2017.pdf