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Vers une culture de bienveillance

La prévention des risques psychosociaux permet de favoriser le bien-être collectif et individuel en entreprise. Et pour implanter une véritable culture de bienveillance, il existe des pratiques de gestion adaptées à chacun de ces risques.
5 septembre 2023
Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

Tendre vers le bien-être collectif et individuel au sein de l’organisation est fondamental, selon l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur affaires sociales (ASSTSAS). « Il s’agit d’une démarche collective qui implique de considérer les risques psychosociaux », lance Radia Balafrej, CRHA, conseillère en santé et sécurité du travail à l’ASSTSAS.

Ces risques sont définis par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) comme des « facteurs qui sont liés à l’organisation du travail, aux pratiques de gestion, aux conditions d’emploi et aux relations sociales et qui augmentent la probabilité d’engendrer des effets néfastes sur la santé physique et psychologique [des personnes exposées] ».

Pour que l’environnement de travail soit propice au bien-être, il doit répondre à trois besoins psychologiques fondamentaux, innés et universels[1]. Le premier est la compétence, c’est-à-dire que les personnes doivent se sentir efficaces, capables de faire face aux défis et de les surmonter. Elles doivent aussi avoir accès à un certain degré d’autonomie, qui est de percevoir une possibilité de faire des choix à l’intérieur de certaines règles et en accord avec leurs valeurs. Enfin, l’affiliation. S’il est comblé, ce besoin que les personnes ont de ressentir qu’elles font partie d’un groupe ou d’une entité augmente grandement la satisfaction au travail.

Pourquoi s’y intéresser?

Se préoccuper des risques psychosociaux au travail permet de prévenir et de réduire les incidences néfastes sur la santé psychologique du personnel, comme la détresse, la dépression et le trouble anxieux, de même que sur sa santé physique. Cela peut aussi favoriser la diminution des coûts, des absences, des accidents du travail, du roulement de personnel ainsi qu’une meilleure attractivité et une meilleure rétention.

La nouvelle loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) est aussi un argument de choix, puisqu’elle entraîne de nouvelles obligations en matière de prévention et inclut désormais la notion d’intégrité psychique. Il est obligatoire, pour une entreprise qui emploie 20 personnes ou plus, d’établir un programme de prévention qui comprend les risques psychiques. En présence d’un personnel en dessous de ce nombre, c’est un plan d’action qu’il faut mettre en place.

Comment s’y prendre?

  • Recenser les facteurs de risque

    Il faut d’abord connaître les différents facteurs de risque psychosociaux. Les principaux sont la charge de travail, l’autonomie décisionnelle, la reconnaissance, le soutien social du ou de la gestionnaire et des collègues, le harcèlement psychologique ainsi que l’information et la communication.

  • Analyser

    Une fois les facteurs de risque recensés, il est judicieux, dans un premier temps, de prioriser deux ou trois risques selon leur fréquence, leur gravité, le nombre de personnes exposées dans l’organisation et les obligations légales, notamment en ce qui concerne le harcèlement. « Dans un deuxième temps, on peut revérifier auprès de l’équipe concernée que le choix des risques prioritaires convient », ajoute Radia Balafrej. Les autres risques pourront être pris en considération plus tard.

  • Agir

    « C’est le nerf de la guerre », poursuit Radia Balafrej. Lorsque les risques sont consignés, c’est le moment d’établir des moyens de prévention clairs et réalistes selon un échéancier. Il est important de s’assurer de l’engagement des gestionnaires, de nommer une personne responsable du projet d’intervention et d’encourager la participation des travailleuses et travailleurs. Par la suite, reconnaître les actions mises en place, bien communiquer les étapes du plan et réaliser un suivi régulier font partie des conditions du succès.

Intégration des solutions

À chacun des facteurs de risque correspondent un ou plusieurs moyens de prévention.

  • Mauvais climat de travail

    Une formation est offerte par l’ASSTSAS pour remédier aux climats de travail tendus. « Il faut se demander quelles sont les causes des tensions et former les gestionnaires à intervenir sur ces questions, estime Josianne Brouillard, conseillère en santé et sécurité du travail à l’ASSTSAS. On a tort de penser que le temps va toujours arranger les choses. Il faut agir le plus vite possible pour faciliter la communication entre les personnes. » La bonne diffusion de l’information permet de diminuer l’incertitude et l’anxiété.

  • Charge de travail élevée

    Selon l’INSPQ, la charge de travail réfère à « la quantité de travail à accomplir, aux exigences intellectuelles requises et aux contraintes de temps à respecter dans la réalisation du travail ». Par ailleurs, la charge de travail ressentie ou perçue est aussi importante que la charge de travail demandée. S’il n’est pas possible d’ajouter plus de personnel, peut-on organiser différemment le travail? Les personnes sont-elles suffisamment outillées? Ont-elles de l’intérêt pour les tâches à accomplir? Dans certains cas, il peut être utile de redéfinir les rôles et les responsabilités des membres de son personnel.

  • Manque de reconnaissance

    Il existe deux dimensions à la reconnaissance : la gratitude et la considération[2]. « La gratitude, c’est prendre le temps au quotidien de saluer ses collègues, se féliciter, illustre Josianne Brouillard. La considération, c’est prendre le temps d’écouter la personne, la respecter et faire preuve de bienveillance. » Dans ce contexte, une idée pourrait être de s’assurer que les bons coups sont soulignés à chaque rencontre d’équipe.

  • Absence de soutien

    L’absence de soutien social de la direction ou des collègues peut avoir des effets délétères importants, comme la détresse psychologique. Il est donc avisé de reconnaître les besoins et de favoriser un climat d’entraide entre les collègues. Un moyen de prévention efficace est la mise en place du compagnonnage, qui repose sur la transmission des savoirs techniques et des connaissances par une personne plus expérimentée.

  • Faible autonomie décisionnelle

    « L’autonomie, c’est sentir qu’on n’est pas juste là pour faire du 8 à 4, mais qu’on peut mettre nos connaissances à profit et qu’on a accès à des perspectives de développement professionnel », indique Josianne Brouillard. Peut-on choisir l’outil que l’on souhaite utiliser et le temps consacré à telle ou telle étape? Peut-on participer aux discussions qui concernent l’organisation de son travail? Une bonne idée est de demander régulièrement l’avis des employés et employées lorsque des changements surviennent.

Objectif bien-être

Ultimement, l’intégration des risques psychosociaux aux plans d’action ou programmes de prévention vise à agir sur le bien-être des membres du personnel, des gestionnaires et des membres de la direction. Il s’agit de trouver un équilibre au sein de l’équipe pour que tout le monde se sente plus engagé et se connaisse mieux. « On veut construire une culture de bienveillance dans l’entreprise », souligne Josianne Brouillard.

L’INSPQ propose d’ailleurs de dresser un diagnostic des risques psychosociaux à l’aide d’un questionnaire d’évaluation. Elle a également créé une grille permettant de déterminer des actions ou des orientations pour améliorer la santé des travailleurs et des travailleuses.

Sur le plan individuel, les personnes qui travaillent pour l’organisation peuvent nommer leurs besoins et prendre conscience de ce qui peut être contrôlé et de ce qui ne peut pas l’être. Il est fondamental qu’elles reconnaissent leurs forces et leurs limites et aient des projets qui correspondent à leurs champs d’intérêt. Elles peuvent aussi se questionner sur leurs valeurs et le sens, à savoir pourquoi elles ont choisi ce poste et si les tâches cadrent avec ce qui est important pour elles. Elles peuvent en outre s’informer sur les outils et les services offerts par l’entreprise et participer aux différents comités.

Enfin, il faut inciter chacun et chacune à dégager du temps pour soi. Une marche de 20 minutes par jour, de la méditation, de l’exercice physique ou encore des habitudes d’alimentation saines sont tout autant de petits gestes à adopter pour améliorer son bien-être.


Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

[1] Cet extrait fait référence aux travaux de Jacques Forest professeur titulaire au Département d’organisation et des ressources humaines à l’ESG UQAM, auteur de Libérez la motivation (éditions Édito).

[2] Cet extrait fait référence aux travaux de Jean-Pierre Brun : Brun, Jean Pierre. (2012). La reconnaissance au travail : de la gratitude à l’intégration. Carrefour RH, février 2012.