Dans un contexte de marché du travail difficile, les employeurs en région se tournent vers les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires (TET) afin de pourvoir leurs besoins en main-d’œuvre. Cependant, l’obtention d’un visa fermé ne garantit pas le maintien en poste, car un autre employeur peut être prêt à payer les frais de transfert de visa. Pour éviter la perte de ces talents, les entreprises ont besoin d’un programme d’accueil stratégique, c’est-à-dire des pratiques visant à intégrer et à fidéliser les nouvelles recrues (Van Maanen & Schein, 1979). L’importance de ces pratiques ne doit pas être sous-estimée, comme en témoigne un TET participant à mon étude sur les stratégies d’accueil dans les PME manufacturières en région, qui a refusé une offre non sollicitée avec un salaire de 50 % supérieur au sien grâce au programme d’accueil qui était adapté à la réalité des régions. Pourtant, les connaissances relatives aux programmes d’accueil conçus pour les immigrants (Wang & Jing, 2018), les TET et les régions sont un sujet méconnu (Piechowiak, 2023) qui s’arrête à la porte des entreprises.
C'est la raison pour laquelle, dans le cadre de ma recherche, je me suis interrogée sur la possibilité d'ouvrir les portes des PME manufacturières québécoises en région, et de comprendre les défis et les stratégies d'accueil gagnantes mises en place du point de vue des employées et employés de tout échelon, québécois et issus de l'immigration. Parmi les constats, il apparaît tout d'abord que les PME n'arrivent pas à rivaliser avec les offres des grandes entreprises pour attirer les immigrants et immigrantes des grandes villes. De plus, les PME manufacturières en région considèrent les TET comme une source permanente de main-d'œuvre et comme de futurs résidents et citoyens qu'elles souhaitent ancrer dans la communauté. Cependant, elles ne sont pas certaines des stratégies et de l’information qu’elles doivent prévoir et apporter aux TET, ni de la manière dont elles doivent préparer leurs employées et employés actuels à contribuer à l’intégration des nouvelles recrues. Par ailleurs, les personnes issues de l'immigration et les TET soulignent l’importance d’avoir accès à des repères clairs sur la culture et les pratiques locales, ainsi que d’être accompagnés sur les plans financier et juridique dans le cadre de leur parcours d’immigration familiale. Sur le lieu de travail, ils souhaitent également pouvoir compter sur un programme d'accueil structuré afin de s'approprier les méthodes internes, de mieux comprendre la culture organisationnelle et les attentes en matière d'évaluation. Pour ces raisons, les PME agiles sont celles qui préparent les employées et employés actuels et les nouveaux, qui proposent une culture de développement continu et un style de gestion favorisant la communication et le travail d'équipe. Ce dernier est important, car il facilite l’apprentissage du français, d'autant que ces personnes passent une grande partie de leur semaine au travail.
Ces constats et les témoignages ont permis de concevoir « Bienvenue Onboard », un modèle d’accueil en sept étapes, et de déterminer des stratégies importantes pour fidéliser les équipes, dont quelques stratégies sont publiées ici[1]. À l’étape de l’intégration en emploi, les pratiques mises en place par les CRHA et les CRIA revêtent une grande importance. En premier lieu, les entreprises doivent créer un environnement accueillant en priorisant le développement continu, de même que communiquer régulièrement le plan d’affaires avec l’ensemble de leur personnel.
Lors des entretiens, il faut inclure les employées et employés immigrants et les TET afin de faire le pont entre les différences de comportement culturel qui peuvent survenir lors d'un entretien. Avant l'arrivée des TET, il faut nommer et former les marraines et parrains, c'est-à-dire des employés expérimentés responsables de soutenir une nouvelle recrue dans une nouvelle fonction. Il faut également communiquer régulièrement avec les TET à l'aide d'applications de messagerie et de visioconférence pour les sensibiliser à la vie locale (le système fiscal, le système de santé, les droits et responsabilités d'un locataire, etc.), à la culture de travail (les politiques de l'entreprise, les déductions sur leur salaire, etc.) et pour répondre à leurs questions. Par la suite, établir un programme d’orientation structuré sur plusieurs semaines, offrant un aperçu de l’entreprise, expliquant le poste, les critères et la fréquence des évaluations, les formations à suivre, ainsi qu'une période d’observation sur le lieu de travail avec un parrain ou une marraine. Il faut également encadrer la gestion en offrant aux gestionnaires et aux parrains une liste de contrôle avec des activités d’accueil réparties sur trois à six mois, tout en continuant de faire le point régulièrement pendant la première année avec les parrains, les gestionnaires et les nouvelles recrues pour évaluer l’efficacité du programme et adapter les stratégies en fonction de l’évolution de l’entreprise et des employés.
Les personnes issues de l’immigration et les TET soulignent l'importance
- d’avoir accès à des repères clairs sur la culture et les pratiques locales
- d’être accompagnés sur les plans financier et juridique
- de pouvoir compter sur un programme d’accueil structuré
À la lumière de ces résultats, la suite de la recherche est de documenter les besoins d’accueil des TET et leur famille à différents moments dans le processus d’immigration, mettre en œuvre le modèle « Bienvenue Onboard » et d’en évaluer l’efficacité. Pour ce faire, la recherche se poursuit en partenariat avec le Chantier Davie Canada inc., le plus grand chantier naval au Canada, qui doit tripler sa masse salariale pour répondre aux 8,5 $ milliards en contrats dans le cadre de la stratégie nationale de construction navale du Canada (Services publics et Approvisionnement Canada, 2024). Les premiers résultats sont prometteurs et montrent qu’il est important de transmettre aux TET, lors du recrutement, le coût de vie détaillé, ainsi que leur salaire net et brut. Il est également recommandé d’offrir aux TET et à leur conjoint ou conjointe des cours de français avant leur arrivée. La préoccupation principale des travailleuses et travailleurs nés au Québec est que les TET soient bien formés pour le milieu de travailleur et dans leur poste.[2]
Bibliographie
- Piechowiak, A. (2023). Immigrant onboarding in non-gateway Quebec small to medium enterprises. [Mémoire de maîtrise non publié]. Université Concordia.
- Piechowiak, A. & Carliner S. (2023, 30 mai). Guide d’accueil d’un nouvel employé issu de l’immigration. Consulté sur https://bienvenue-onboard.com/fr/
- Services publics et Approvisionnement Canada. (2024, 26 mars). Gouvernement du Canada. Government of Canada awards initial contract for program icebreakers to Chantier Davie. Consulté sur https://www.canada.ca/en/public-services-procurement/news/2024/03/government-of-canada-awards-initial-contract-for-program-icebreakers-to-chantier-davie.html
- Wang, Z. & Jing, X. (2018). Job satisfaction among immigrant workers: A review of determinants. Social Indicators Research,139(1), 381-401. https://doi.org/10.1007/s11205-017-1708-z
- Van Maanen, J., & Schein, E. H. (1979). Toward a theory of organizational socialization. In B. M. Staw (Ed.), Research in organizational behavior (pp. 209-264). JAI.
- Le guide détaillé est accessible dans les références de cet article.
- Le projet « Analyse des programmes d’accueil des talents issus d’immigration par les PME manufacturières québécoises en région » a été financé par le Centre des Compétences futures (CCF) du Gouvernement du Canada. Merci à mes partenaires de diffusion : Chantier Davie Canada inc., Groupe Engram et les Chambres de commerce et d’industrie de Québec, Lévis, Sept-Îles et Française au Canada — Québec ainsi que toutes les entreprises et tous les employés qui y ont participé.
Le projet « Brisons la glace : Programme d’accueil pour les nouveaux employés de Davie dans le cadre de la stratégie nationale de construction navale du Canada » est financé par le MITACS du Gouvernement du Canada.