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Virage vers la productivité et la performance : accompagner la direction et les gestionnaires lors d'une transformation organisationnelle

Comment créer un environnement de travail productif, innovant, performant, stimulant et profondément humain, dans un contexte de grande turbulence? L’accompagnement de la direction et des gestionnaires constitue un défi passionnant pour les spécialistes des ressources humaines.
14 novembre 2025
Céline Bareil

Trois pistes sont proposées aux CRHA | CRIA pour accompagner une transformation : adopter un rôle-conseil, mesurer la performance durable et faciliter l’action auprès de la direction, des gestionnaires et leurs équipes.

Adopter une posture de rôle-conseil

Pour atteindre les résultats et les bénéfices d’une transformation, adopter un rôle-conseil est souvent préférable au rôle expert trop souvent joué par les CRHA | CRIA. Une posture de rôle-conseil permet d’intervenir en amont des décisions et de développer une relation de confiance auprès des équipes de direction et des gestionnaires. Prendre le temps de clarifier les attentes, le mandat (sa portée, son envergure), le rythme, les rôles respectifs, les modes de fonctionnement, les livrables anticipés et les résultats attendus facilite la création de relations professionnelles efficaces.

Mesurer la performance durable

Une démarche évaluative de la performance durable peut être envisagée comme catalyseur auprès de différentes parties prenantes (haute direction, gestionnaires, équipes, syndicats et clientèles). Elle permet d’évaluer la performance actuelle et souhaitée dans le but d’offrir un portrait clair des zones d’amélioration et ainsi, créer de la valeur. Dans un article très récent (2025), deux professeurs titulaires, Estelle Morin, Ph. D., psychologue (HEC Montréal) et Bruce Lagrange, Ph. D., comptable professionnel agréé (UQAR), proposent un tableau de bord de la performance durable incluant quatre dimensions complémentaires : la pérennité organisationnelle (satisfaction des parties prenantes, dont la clientèle, les propriétaires et les créanciers), la qualité de vie au travail (sécurité et bien-être, engagement et équilibre travail – vie privée), l’efficience technique (rentabilité financière, productivité, économie des ressources) et la responsabilité sociale et environnementale (pratiques durables et inclusives et consommation d’énergie). La mise en place d’un tel tableau de bord peut non seulement créer l’ouverture des parties prenantes à des pistes d’amélioration en matière de productivité et d’innovation, mais aussi orienter l’ampleur des changements nécessaires : changement incrémental (en continuité avec la performance actuelle) ou transformation organisationnelle (en rupture visant un accroissement drastique de la performance).

Accompagner la direction et les gestionnaires en fonction de trois niveaux de défis

Inspirés des trois logiques d’action de Rondeau (2008), trois niveaux de défis (stratégique, systémique et humain) permettent « d’impliquer différents groupes d’acteurs, de la haute direction aux destinataires » (Rondeau et Lemieux, 2018 : 20) dans leur appropriation d’une transformation. Le défi stratégique consiste à faciliter les conversations au sein de l’équipe dirigeante sur la capacité de l’organisation à réussir la transformation. Le défi systémique vise à déterminer et à faciliter les projets organisationnels nécessaires à une organisation efficiente, en cohérence avec la transformation alors que le défi humain cherche à préparer les gestionnaires et leurs équipes à adopter les nouveaux comportements tout en créant un environnement de travail de qualité. La fluidité entre ces trois niveaux de défis reste fondamentale.

Faciliter le passage à l’action

La direction tend trop souvent à sous-estimer les efforts requis et à surestimer la capacité des équipes à absorber la transformation (Carucci, 2021); ce qui génère du cynisme et du désengagement. L’accompagnement stratégique permet d’évaluer le potentiel organisationnel et humain à changer et d’accepter que parfois, le rythme puisse varier d’un secteur à l’autre. En plus de s’assurer de pratiques adéquates en gestion de projet et de dégager une vision commune, des ateliers réflexifs sur les risques permettent d’agir sur la suffisance des ressources accordées (ex. : priorités claires, ressources humaines et budgétaires adéquates, capacité d’absorption des équipes, rythme respectueux des personnes, conditions de succès favorables) en fonction des demandes de la transformation (ex. : maintien des opérations courantes en même temps que les apprentissages requis). Au niveau systémique, l’accompagnement passe par une réflexion des cadres intermédiaires sur la cohérence des processus, des systèmes, des technologies, des politiques, des formes d’organisation du travail et d’espaces de travail. Cela permet un déploiement efficace et en douceur de la transformation. Les CRHA | CRIA ont aussi intérêt à poursuivre leur rôle conseil auprès de leurs propres équipes RH et des gestionnaires administratifs sur la pertinence des systèmes et des pratiques de gestion des ressources humaines face aux comportements souhaités (ex. : attraction, rétention, reconnaissance, développement des compétences, appréciation de la performance, négociations préventives, pratiques inclusives, etc.). L’accompagnement au niveau humain consiste à offrir aux cadres de proximité des espaces de réflexion pour collaborer et discuter entre eux de leurs enjeux, leurs défis et leurs préoccupations. La mise en place de zones d’échanges facilite l’adhésion en permettant de faire émerger les réactions et de clarifier les effets (ce qui change et ce qui ne change pas), dans un climat de sécurité psychologique (Edmondson, 2019). Le diagnostic de leur capacité d’absorption (temps disponible à l’apprentissage, clarté des priorités et des objectifs, charge de travail, fatigue du changement, rythme d’implantation, etc.) favorise les décisions concertées sur l’amélioration de leurs compétences, leur qualité de vie, leurs méthodes et leurs outils de travail. Créer un réseau d’ambassadeurs, mener un projet pilote et adapter le rythme de la transformation à la capacité des équipes s’avèrent des stratégies gagnantes.

En conclusion, accompagner, c’est permettre aux parties prenantes de réfléchir à la transformation à l’aide de questions puissantes, posées au bon moment, et de prendre des décisions éclairées pour créer, en douceur, un environnement plus humain et plus performant.

Le virage vers la productivité est donc possible en alliant performance, transformation, potentiel humain et accompagnement, en cette ère de grands défis!

Références

  • Carucci, R. (2021, 30 avril). How Leaders Get in the Way of Organizational Change. Harvard Business Review Digital Articles, 1-8. https://hbr.org/2021/04/how-leaders-get-in-the-way-of-organizational-change 
  • Deslauriers, J., Gagné, R. et Paré, J. (2025). Productivité et prospérité au Québec – Bilan édition 2025. Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) – Fondation Walter J. Somers, HEC Montréal. Mai. https://cpp.hec.ca/wp-content/uploads/2025/05/PP-2024-01.pdf 
  • Edmondson, A. (2019). The fearless organization: creating psychological safety in the workplace for learning, innovation, and growth. John Wiley & Sons, Inc. 
  • Morin, E. M. et Lagrange, B. (2025). Performance durable : le secret des organisations qui traversent le temps. Gestion, 50(2), 100-105.  
  • OCDE (2025). Études économiques de l’OCDE : Canada 2025, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/d806a81d-fr 
  • Rondeau, A. (2008). L’évolution de la pensée en gestion du changement : leçons pour la mise en œuvre de changements complexes. Télescope, 14(3), 1-12. 
  • Rondeau, A. et Lemieux, N. (2018). Des réflexions sur l’évolution de la connaissance en changement organisationnel. Dans M. Lauzier et N. Lemieux (dir.). Améliorer la gestion du changement dans les organisations : vers de nouvelles connaissances, stratégies et expériences. Presses de l’Université du Québec. 

Author
Céline Bareil Professeure titulaire HEC Montréal