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Flexibilité : activer les facteurs protecteurs de la santé et stimuler la performance

Misez sur la flexibilité! En personnalisant la contribution individuelle et en adaptant les modes de fonctionnement, vous activez trois facteurs protecteurs de la santé pour une performance optimale.
14 novembre 2025
Julie Cousineau, CRHA | Nadia Boucher, CRHA | Valérie Herbeuval, CRHA

Créer des environnements de travail performants capables de résoudre des enjeux complexes est un grand défi de gestion. Dans un contexte où les risques psychosociaux (CNESST, 2025) augmentent et où seulement 41 % des talents atteignent une performance optimale et durable (Gartner, 2023), comment renforcer l’équilibre santé-performance?

Pour y arriver, certaines organisations misent sur la flexibilité en repensant leurs politiques RH et y intégrant le choix du lieu et de l’horaire de travail, l’achat de vacances supplémentaires, l’accès à des comptes santé et mieux-être ou la possibilité de retraite progressive.  

Et si la notion de flexibilité s’élargissait à la manière dont on organise le travail au quotidien?

Cet article propose deux exemples de flexibilité élargie activant les facteurs protecteurs de la santé tout en stimulant la performance : favoriser la contribution individuelle personnalisée et repenser les modes de fonctionnement au travail.

  1. Favoriser la contribution individuelle personnalisée

    Premier facteur protecteur : la gestion par les forces

    Une force naturelle est une « capacité de penser, ressentir ou se comporter, qui est authentique et énergisante pour une personne, et qui entraîne son fonctionnement optimal, son développement et sa performance » (Forest, 2024). Ce constat renforce les observations de Shawn Achor (2010) : miser sur ses forces augmente la capacité d’une personne à percevoir les possibilités, à être plus réfléchie, créative et ouverte.

    Alors que 71 % des personnes dépassent les attentes de leur description de poste (Deloitte Insight, 2022), personnaliser leur contribution en considérant les exigences du poste et les forces naturelles encourage une performance optimale (une contribution exprimant le plein potentiel des talents) et durable (une contribution soutenue dans le temps).

    Par où commencer?

    Données

    • 71 % des personnes dépassent les attentes de leur description
      de poste
    • 40 % la portion de leur temps que les personnes employées passent à interrompre une tâche pour en effectuer une autre

    Connaître son équipe

    Gérer par les forces, c’est s’assurer qu’une personne est sur son X à 80 % du temps. Il s’agit d’organiser le travail pour privilégier les compétences alignées aux forces naturelles. Si mesurer la maîtrise des compétences est une pratique courante, s’intéresser à celles qui augmentent ou réduisent le niveau d’énergie renforce le sens au travail et l’excellence (H. Olafsen et al., 2024).

    Il est donc essentiel de s’intéresser autant à la maîtrise des compétences requises qu’aux forces naturelles individuelles identifiables par des tests psychométriques, ou par les réussites individuelles (ex. qu’est-ce que cette réussite révèle sur toi?) ou la rétroaction (ex. qu’est-ce que tes collègues reconnaissent en toi?).

    Définir et clarifier les attentes de performance

    Préciser la performance attendue demeure incontournable. Avec des attentes définies, bien comprises et adaptées aux forces individuelles, les personnes ont le potentiel de se sentir autonomes, compétentes et affiliées (Forest et al., 2022). À l’inverse, des attentes floues peuvent créer une pression inutile, freiner la prise d’initiatives ou pousser les efforts au-delà des attentes.

    Gérer par les forces, c’est avoir la flexibilité de passer des attentes à l’entente. Plus les personnes façonnent leur manière de travailler, tout en respectant les objectifs d’équipe, plus leurs besoins psychologiques sont satisfaits, et plus elles sont proactives à résoudre des problématiques avant même qu’elles ne surviennent (Forest et al., 2022).

  2. Repenser les modes de fonctionnement au travail

    Les modes de fonctionnement structurent le travail. Il s’agit de s’intéresser à comment sont abordées les rencontres individuelles et d’équipe, les prises de décisions et l’organisation des livrables.

    Favoriser la flexibilité des modes de fonctionnement, c’est agir avec intentionnalité en distinguant ce qui soutient réellement les besoins de l’équipe.

    Sur quoi devrait-on agir?

    Deuxième facteur protecteur : réduire les interruptions au travail

    Être toujours disponible et répondre rapidement aux différentes sollicitations (ex. : courriels, textos, appels) correspondent à des attentes organisationnelles implicites. Or, selon Lupien (2023) : « les personnes employées passent plus de 40 % de leur temps à interrompre une tâche pour en effectuer une autre (…) alors que ce manque de temps pour terminer une tâche augmente de manière importante les marqueurs biologiques de stress ». Cette donnée ouvre un espace d’échange encore peu abordé sur les répercussions des interruptions au travail.

    Dans un contexte où tout s’accélère, observer ses habitudes de travail et en discuter ouvertement en équipe, c’est agir positivement sur le stress de chacun. C’est aussi la possibilité de déconstruire les apparences de performance trop souvent liées à la disponibilité, aux réponses rapides. L’objectif sera de discerner :

    1. l’urgent vs l’important
    2. la nécessité d’une rencontre vs un courriel
    3. le délai de réponse anticipé

    Adapter en continu ses habitudes de travail, c’est préserver la performance.

    Troisième facteur protecteur : valoriser le temps de concentration optimal

    Les gestionnaires ont tout intérêt à distinguer l’efficacité de la productivité : « lorsqu’on effectue un travail de surface, on est efficace. On fait plusieurs tâches à la fois, même si chacune d’entre elles n’est pas parfaitement réalisée. Lorsqu’on effectue un travail de profondeur, on est productif. On ne fait qu’une seule tâche à la fois et cette tâche est effectuée au maximum de nos capacités » (Lupien, 2023). Les modes de fonctionnement doivent se moduler selon les tâches à réaliser : lorsque l’échéancier est serré et la collaboration essentielle, multiplier les rencontres peut être une bonne stratégie. L’important est d’éviter de maintenir ces réunions inutilement dans le temps et de veiller à offrir des moments et des espaces physiques propices au travail en profondeur lorsque le besoin de concentration est nécessaire.

    Privilégier la flexibilité des modes de fonctionnement, c’est générer une performance optimale et durable. Comprendre la nature du travail à effectuer (efficacité ou productivité) et adapter les habitudes de travail, c’est agir concrètement sur l’équilibre santé-performance.

    En conclusion, adopter une vision élargie de la flexibilité intégrant la contribution individuelle personnalisée et les modes de fonctionnement au travail renforce la création et le maintien d’environnements de travail performants. Les gestionnaires dotés d’une compréhension claire du talent requis, conscients des forces constituant leur équipe et des besoins liés à la nature du travail à effectuer pourront organiser le travail de façon à soutenir les facteurs protecteurs de la santé tout en stimulant la performance.

Bibliographie


Author
Julie Cousineau, CRHA Associée et cheffe de pratique, Santé Normandin Beaudry

Author
Nadia Boucher, CRHA Conseillère principale, Performance Normandin Beaudry

Author
Valérie Herbeuval, CRHA Conseillère principale, Santé et performance Normandin Beaudry

Source : Revue RH, volume 28, numéro 4 ─ Octobre/Novembre/Décembre 2025