ressources / revue-rh / volume-28-no-4

Pris entre l’arbre et l’écorce : quand les demandes du client vont à l’encontre du code de déontologie

Il peut arriver que la façon envisagée par un client ou employeur pour remédier à un problème ne soit pas en adéquation avec les exigences du code de déontologie, voire illégale, discriminatoire ou frauduleuse.
14 novembre 2025
Ginette Morin, CRHA

En tant que professionnel agréé, vous devez conseiller votre client ou employeur, à concevoir et mettre en œuvre les plans d’intervention qui s’imposent. Vous êtes en tout temps, responsable des gestes professionnels que vous posez 

Quand la solution que vous proposez diverge de celle que préconise votre client, vous pouvez vous sentir pris entre la loyauté envers celui-ci et vos obligations déontologiques.

Le cycle d'intervention en RH | RI

Le Code de déontologie des CRHA et CRIA est clair à cet égard : 

Art. 12 On doit éviter toute attitude ou méthode susceptibles de nuire à la réputation de la profession et à son aptitude à servir l’intérêt public. On doit éviter d’avoir recours à des pratiques discriminatoires, frauduleuses ou illégales et refuser de participer à de telles pratiques.

Art. 31 Le membre doit engager pleinement sa responsabilité civile. Il lui est interdit d’insérer dans un contrat de services professionnels une clause excluant directement ou indirectement, en totalité ou en partie, sa responsabilité civile personnelle. Il ne peut signer un contrat contenant une telle clause.

Votre client ou votre employeur tente de vous influencer pour utiliser sa méthode pour arriver à ses fins? En tant que professionnels agréés, vous devez conserver votre indépendance professionnelle. Pour vous guider, l’Ordre a élaboré un cycle d’intervention qui détaille les étapes essentielles d’une démarche professionnelle tout en respectant votre code de déontologie.

Établir un diagnostic

  1. La collecte rigoureuse des données

    Art. 38 Le membre doit s’abstenir de donner au client des avis ou des conseils contradictoires. Avant de donner des avis ou des conseils au client, le membre doit chercher à avoir une connaissance complète des faits.

    Pour bien cerner le besoin, il faut avoir une bonne compréhension de la situation, avoir les faits, les précédents, la jurisprudence, politiques d’entreprise, articles de convention collective, textes de loi, etc., et utiliser des données probantes afin d’avoir une vue globale du problème.

  2. Évaluer la situation

    • Qualité de l’interprétation
    • Évaluation des risques

      Art. 39 : Le membre doit exposer au client, d’une façon complète et objective la nature et la portée du problème qui, à son avis, ressort de l’ensemble des faits qui sont portés à sa connaissance par le client.

      Il doit, de plus, informer le client des risques inhérents et prévisibles associés à une solution une solution envisagée pour solutionner un problème. 

      En s’appuyant sur les données recueillies, il devient plus facile de présenter un portrait objectif de la situation, de démontrer à l’aide de la jurisprudence, textes de lois ou précédents, les risques auxquels devra faire face l’employeur ou le client s’il décide de mettre en œuvre le plan d’action qu’il a proposé initialement.

  3. Émettre des recommandations

    • Adéquation des pistes avec la situation

    Art. 40 : Le membre doit, le cas échéant, faire au client les recommandations pertinentes relativement aux sujets énumérés à l’article 6.

    Une fois qu’on a exposé au client les risques associés avec la solution qu’il a envisagée, on doit faire les recommandations qui s’imposent, basées sur les données recueillies et l’évaluation objective que nous en avons faite.

    Art. 41: En plus des avis et des conseils, le membre doit fournir au client les explications nécessaires à l’appréciation et à la compréhension des services professionnels qu’il fournit.

    Les professionnels agréés doivent fournir au client des documents qui permettent au client de mieux comprendre les bases de sa réflexion et analyse afin qu’il puisse apprécier et comprendre les conseil donnés. Il peut s’agir d’articles professionnels, de rapports, textes de loi, etc.

    Les recommandations faites au client sont l’essence même du service professionnel rendu. Dans ce contexte, il est indispensable d’ouvrir un dossier et d’y conserver une trace des éléments qui ont guidé votre réflexion et qui donnent pleinement son sens à votre conseil professionnel. Tel que prévu au Règlement sur la tenue de dossiers, il est primordial de bien documenter la démarche et les recommandations qui ont été faites.

Tous les éléments ayant servi à bâtir la réflexion permettant de prodiguer un conseil professionnel doivent être conservés. Il peut s’agir de notes de discussions, de recherches en jurisprudence, de lectures sur les meilleures pratiques ou de recherches dans l’historique de l’organisation.

Il est possible que votre client ou employeur ne soit pas d’accord avec vos recommandations. Si la façon de faire préconisée par votre client n’est pas illégale ou contraire aux principes déontologiques, vous pouvez vous rallier à la décision du client. Si ce n’est pas le cas, en tant que CRHA | CRIA  vous devez respecter les bonnes pratiques, la législation et les principes déontologiques, vous devez donc vous retirer du dossier.

Vous avez subi un préjudice ou des dommages, engagé des dépenses, perdu votre emploi, ou êtes victime d’une sanction à la suite de votre refus d’enfreindre l’un ou l’autre des devoirs prévus à votre Code de déontologie? L’Ordre a mis en place un Fonds de défense en matière déontologique pour soutenir les professionnels confrontés à des représailles lorsqu’ils agissent selon les règles de l’art.

Finalement, si votre client ou employeur refuse de suivre vos recommandations qui sont basées sur des faits et une démarche structurée et qui respectent les règles de l’art, en tant que professionnel agréé, le temps est peut-être venu de faire une réflexion éthique afin de décider si vous désirez continuer d’évoluer dans un contexte qui compromet votre devoir de protection du public.

Références

  • Code de déontologie
  • Site Web de ORHRI
  • Cycle d’intervention
  • Règlement sur la tenue de dossiers

https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/rc/C-26,%20r.%2090%20/ 


Ginette Morin, CRHA spécialiste en déontologie, responsable de la ligne INFO-DÉONTO

Source : Revue RH, volume 28, numéro 4 ─ Octobre/Novembre/Décembre 2025