Cette étude est basée sur les données de la phase 2 d’un vaste projet longitudinal de recherche mené par CIRANO1. Les résultats préliminaires ont été publiés dans la Revue RH 27.1 de l’Ordre des CRHA en février 2024. L’autrice et l’auteur remercient la Fondation CRHA ainsi que les autres organisations participantes pour leur appui financier.
Après avoir été imposé lors de la pandémie, le travail à distance semble être là pour de bon dans certains secteurs d’activité et pour les emplois où il est possible. Pour miser sur les effets positifs du travail à distance (équilibre travail-famille, flexibilité, concentration, réduction des coûts, etc.) ou contrer les effets négatifs (culture, innovation, apprentissage, etc.), des employeurs se demandent s’ils doivent réduire, maintenir ou augmenter le nombre de journées de travail à distance. Ces divergences de positions sont alimentées, entre autres, par des résultats d’études ou d’enquêtes dont il est difficile de tirer des conclusions comme elles ne tiennent pas compte de « l’intensité du travail à distance », ce que nous mesurons dans notre étude.
Notre étude a été menée durant la période mars-avril 2023. Elle compte 3900 personnes répondantes (questionnaire envoyé à 9916 employées et employés) œuvrant pour 11 organisations, incluant l’Ordre des CRHA.
Nous avons mesuré l’intensité du travail à distance (1 jour, 2 jours, « 3 ou 4 » jours et 5 jours) ainsi que trois types d’engagement et de soutien (voir Encadré 1).
Encadré 1 : Exemples d’énoncés pour mesurer les types d’engagement et de soutien
« Je suis fier du travail que je fais »,
« Je suis investi dans mon travail ».
« Mon organisation se soucie de mon bien-être »,
« … se montre ouverte à m’aider lorsque j’exprime des besoins particuliers »
« Je ressens un fort sentiment d’appartenance à mon organisation »,
« Je me sens attaché émotionnellement à mon organisation ».
« Ma supervision immédiate encourage les membres de l’équipe à échanger leurs opinions et idées »,
« … à développer de nouvelles façons de faire ».
« Même si cela était à mon avantage, je ne crois pas
qu’il serait correct de quitter mon employeur »,
« Je me sentirais coupable de quitter mon employeur maintenant ».
« Mes collègues se montrent compréhensifs
lorsque j’ai une mauvaise journée »,
« … m’aident lorsque j’en ai besoin ».
Nos résultats montrent que :
- Plus l’intensité du travail à distance augmente, plus le personnel exprime des engagements en comparaison au personnel qui ne travaille pas du tout à distance.
- L’augmentation est observée pour les trois types d’engagements et elle est plus marquée après 2 jours de travail à distance.
- Il y a toutefois une baisse significative de l’engagement affectif en passant de « 3 ou 4 jours » à 5 jours de travail à distance.
- Plus l’intensité du travail à distance augmente, plus le personnel exprime recevoir du soutien, particulièrement en passant de 2 jours à « 3 ou 4 » jours par semaine.
- Lorsque le personnel passe de 2 jours à « 3 ou 4 » jours de travail à distance, leur perception de soutien augmente, ce qui augmente leur engagement.
- Lorsque le personnel passe de « 3 ou 4 » jours à 5 jours de travail à distance, leur perception de soutien diminue (surtout celui de la supervision immédiate), ce qui diminue leur engagement affectif. Ceci signifie qu’en passant à 5 jours, les appuis reçus ne permettent plus autant d’améliorer les engagements. Toutefois, à 5 jours à distance, les engagements restent plus élevés qu’à 0 jour.
En conclusion, nos résultats confirment l’importance d’offrir du soutien aux employées et employés en contexte hybride de diverses sources et sous diverses formes (voir Encadré 2).
Encadré 2 : Appuis à offrir au personnel en contexte de travail en mode hybride
• la confiance interpersonnelle, autonomie, collaboration et responsabilisation ;
• le partage des tâches en présentiel (équipe) et à distance (concentration) ;
• l’inclusion des personnes à distance et en présentiel : accès semblable aux réunions, informations, récompenses, etc.