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Créer de la valeur grâce à l’équité, la diversité et l’inclusion : Quelle est la responsabilité des professionnels RH?

En 2023, l’Étude nationale sur l’EDI à laquelle l’Ordre des CRHA a collaboré a conclu que la plupart des professionnels et professionnelles RH estiment que la responsabilité ultime de l’EDI incombe à la haute direction (82 %), plutôt qu’au service des RH (61 %).
20 octobre 2023
Julie Sylvestre, CRHA

En 2023 est parue l'Étude nationale sur l’EDI, étude à laquelle l’Ordre des CRHA a collaboré. L’objectif de cette étude était de se pencher sur les avantages et les risques d’adopter une stratégie globale ou fragmentée en matière d’EDI. Cela a aussi permis de réaliser un portrait de l’analyse que font les professionnels RH sur le sujet. Cette étude conclut que la plupart des professionnels RH estiment que la responsabilité ultime de l’EDI incombe à la haute direction (82 %), plutôt qu’au service des RH (61 %). Finalement, les répondants jugent que la responsabilité incombe à l’ensemble du personnel dans une moindre mesure (49 %).

Pendant ce temps, encore trop d’organisations n’ont pas une main-d’œuvre qui soit pleinement représentative des talents qui composent la main-d’œuvre disponible. Le rapport triennal 2016-2019, à savoir les plus récentes données publiées par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), démontrent que le taux de représentation de tous les groupes visés (femmes, autochtones, minorités visibles, minorités ethniques et personnes handicapées) est inférieur au taux de disponibilité de ces groupes visés. C’est-à-dire le bassin de personnes compétentes ou aptes à acquérir la compétence dans un délai raisonnable pour un type d’emploi à l‘intérieur de la zone appropriée de recrutement. Bien que ces données correspondent à une moyenne des cibles à atteindre, donc seulement un indicateur qui oriente quant au pourcentage à atteindre, elles sont tout de même révélatrices d’un état de fait pour les organismes publics qui sont assujettis à la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi. De plus, il est possible que cet état de fait soit applicable aux organisations qui ne sont pas assujetties à la Loi. 

De façon complémentaire à cette constatation sur la sous-représentation actuelle des groupes visés dans la main-d’œuvre des organisations, l’échelle de Bennett peut nous permettre de formuler une hypothèse sur le difficile virage vers l’inclusion, au-delà de celui de la diversité. Cette échelle de Bennett mesure le degré de sensibilité interculturelle; en ce sens sa capacité d’adaptation aux autres cultures. Elle représente les degrés à franchir au fil des expériences interculturelles. Elle va du déni à l’intégration. Si encore trop d’organisations peinent à avoir une main-d’œuvre diversifiée, ou tout simplement représentative de la main-d’œuvre disponible, il est probable d’émettre l’hypothèse qu’encore moins d’organisations ont réussi à prendre ce virage de l’inclusion et de l’équité.

Pourtant, les coûts liés à l’absence de diversité en organisation sont réels. Il n’y a qu’à prendre pour exemple le risque de la pensée de groupe ou la perte de l’accès aux meilleurs talents (Saba, 2019), la perte des bons employés actuels, le risque de réputation et la perte de clients (Étude nationale sur l'EDI).

Donc d’un côté, on sait qu’il reste encore beaucoup à faire pour rendre les organisations plus diversifiées et inclusives. En même temps, on sait que présentement environ seulement 61 % des professionnels en ressources humaines ont conscience qu’ils ont un rôle à jouer pour soutenir des efforts en EDI. Comment interpréter cette donnée? Le travail de Henein & Morissette (2007), sur la compréhension du fonctionnement du leadership, apporte un éclairage intéressant pour réfléchir à la question et surtout définir des pistes d’actions. Selon leurs travaux, le leader inné, qui représente environ le tiers des leaders, a tendance à sauter dans la mêlée de façon instinctive et confiante. Alors que le leader occasionnel, qui représente environ le deux tiers des leaders, amorce son expérience de leadership de façon fortuite. Il vit de la surprise de se retrouver dans une situation de leadership.

Passer à l’action : trois suggestions

Accompagner la direction

Selon les professionnels RH qui proviennent des entreprises les plus diversifiées, la première mesure avec laquelle aller de l’avant est de soutenir la haute direction à l’initiative EDI (81 %) (étude nationale sur l’EDI, 2023). C’est donc dire qu’ils estiment plus porteur d’investir temps et ressources dans l’adhésion des hauts dirigeants, que de démarrer avec la mise en œuvre de mesures plus spécifiques. Par exemple, utiliser l’écriture épicène dans les affichages de poste ou dans la formation de l’ensemble des employés en réponse aux biais inconscients.

Ancrer vos actions avec l’obligation déontologique des CRHA

Les obligations déontologiques des CRHA sont aussi un outil précieux qui permet aux professionnels RH d’ancrer avec confiance, leurs actions professionnelles. À cet égard, l’obligation de chercher une connaissance complète des faits, d’exposer à notre client la nature et la portée d’un problème, d’informer des risques et d’émettre des recommandations pertinentes (article 38 du Code de déontologie) est précieuse pour tout professionnel RH. Bien que le Code ait comme objectif premier de protéger le public, le professionnel RH pourrait aussi s’en inspirer pour poser des gestes de façon proactive. Comme prendre l’initiative d’investir du temps dans l’analyse du contexte pour ensuite le communiquer à la haute direction. Dans l’objectif de convenir d’un mandat avec la haute direction pour favoriser une culture organisationnelle plus inclusive. Un mandat qui a avantage à définir la participation de la haute direction elle-même dans ce changement de culture.

Développer un plan d’action qui propulse votre élan

Finalement, la troisième suggestion consiste à s’appuyer sur les particularités du type de leadership qui est propre à chaque professionnel RH pour préparer un plan d’action. Être un professionnel RH qui est du type leader inné ou du type leader acquis importe peu. Ce qui fera la différence, ce sera de prendre la décision consciente d’aller de l’avant pour jouer un rôle d’influence. Une personne qui a le profil d’un leader inné préférera probablement développer un plan d’action en se basant sur son intuition comme point de départ. Et ensuite, aller rassembler les données probantes pertinentes. Pour les professionnels RH ayant un profil de leadership acquis, donc des personnes qui éprouvent souvent le besoin d’analyser longuement avant de prendre une décision réfléchie, le message est tout simplement de se lancer! De rassembler les faits et données qui existent pour faire vivre l’EDI. Et ce, en demeurant cohérent avec l’article 38 du Code de déontologie.

En somme, après avoir proposé une lecture de la responsabilité et du rôle des professionnels RH dans l’implantation de mesures qui visent l’EDI en organisation, un dernier point est utile à inclure dans votre préparation. Celui des répercussions des biais inconscients des gens auxquels vous vous adresserez. Puisque ces biais sont inconscients, les gens ne réalisent pas qu’ils réagissent sous leur emprise. Vous avez donc avantage à considérer que les gens à qui vous vous adresserez ne se sentiront probablement pas concernés par l’enjeu dont vous allez leur parler. Voire même, avoir une réaction de déni ou de positivisme quant à l’état de la situation. Lorsque vous rencontrerez ces réactions, l’approche du questionnement est précieuse. Par exemple : « À quelles activités avez-vous participé, depuis les deux dernières années, pour diminuer les conséquences des biais inconscients dans votre prise de décision? » ou « Selon votre analyse actuelle, quels sont les points forts, ceux à travailler et les angles morts des pratiques pour amener plus loin l’EDI dans l’organisation? »

Bibliographie


Author
Julie Sylvestre, CRHA conseillère en gestion de changement

Source : Revue RH, volume 26, numéro 4  ─ SEPTEMBRE OCTOBRE 2023