Entrevue avec Matthieu Bister, facilitateur d’expériences d’apprentissage chez Boostalab
Superflu, le gestionnaire RH? La pandémie a montré que non, avec le professionnel des ressources humaines agissant souvent comme référent incontournable pour la réorganisation du travail. « Dans de nombreuses entreprises durant la pandémie, les intervenants RH étaient les seuls à travailler encore du bureau, pour assurer une présence essentielle et coordonner les changements et la cohabitation entre le travail en personne et à distance », observe Matthieu Bister.
Aux yeux de ce spécialiste du développement de compétences et ex-consultant en développement organisationnel, titulaire d’une maîtrise en sciences humaines appliquées de l’Université Concordia, le rôle stratégique du professionnel RH s’est accru considérablement. Et cette tendance ira en grandissant.
Virage technologique et bien-être au travail
Alors que le télétravail s’impose pour durer, le gestionnaire doit non seulement fournir de bons outils de travail collaboratifs, mais également développer de nouvelles manières d’être à l’écoute de ses employés, selon Matthieu Bister. Plus possible de détecter leur état d’esprit à travers le non verbal au bureau ou l’observation du travail quotidien : il faut davantage de communication et davantage d’empathie (encore plus à travers l’écran que sur les lieux de travail physiques).
Comment faire de bons suivis à distance? Comment motiver à distance? Comment inspirer à distance? Le professionnel RH est là pour fournir une panoplie de réponses à ces questions et pour accompagner ce changement de mœurs. Il a aussi le devoir de mettre à la disposition des équipes des outils pour favoriser une meilleure santé mentale dans ces contextes de travail. « L’une des leçons que nous tirons des deux dernières années est que la conversation sur la santé mentale au travail est primordiale, indique Matthieu Bister. Un dialogue fécond s’est ouvert à ce sujet, et c’est tant mieux! »
Autonomie, encore et encore…
En télétravail, l’employé gère seul son organisation du travail et du temps. Plus que jamais, il est autonome et travaille d’une manière qui s’apparente à celui d’un pigiste : il livre un travail final de qualité, mais ne désire pas l’intervention soutenue de son gestionnaire au fil du processus. Les adeptes de la microgestion doivent adapter leur approche.
« On est passés de la gestion par les efforts à la gestion par les résultats, précise Matthieu Bister. C’est vraiment nécessaire de faire confiance, de laisser tomber toute volonté de contrôle, et d’autonomiser son équipe. Les spécialistes RH peuvent proposer des outils pour faciliter le processus et considérer l’autonomie parmi les critères fondamentaux de recrutement. »
Heureusement, ce mouvement était déjà bien enclenché depuis plusieurs années au sein des organisations. « Les recherches actuelles en psychologie du travail montrent que les humains ont trois besoins fondamentaux au travail : l’autonomie, le sentiment de compétence, et le sentiment d’affiliation sociale. Les compétences managériales doivent s’articuler autour de ces trois piliers. »
Apprentissage autonome, la nouvelle norme
Dans cette nouvelle ère du travail, comment favoriser un développement efficace des compétences de chacun? Les employés doivent être un peu plus proactifs : chaque individu est en charge de voir à son propre développement. Cela inclut d’identifier ses objectifs d’apprentissage, et d’activement travailler à les réaliser. « Les conseillers RH doivent accompagner les équipes dans le développement de stratégies efficaces d’apprentissage », pense Matthieu Bister.
Ce qui ne veut pas dire que la responsabilité du gestionnaire s’efface. Il doit dialoguer avec chaque employé, confirmer avec lui ses objectifs d’apprentissage ou de développement de compétences, fournir des outils, des ressources et des occasions pour apprendre, et vérifier de temps en temps comment le tout évolue. « Et, même loin du bureau et de l’équipe, il ne faut pas négliger l’apprentissage par les pairs, ajoute Matthieu Bister. Les interactions virtuelles avec le reste de l’équipe sont de toute façon nombreuses et doivent aussi servir à des moments de transmission de savoirs et de savoir-faire. »
Il est d’ailleurs prouvé que la prise de responsabilité par rapport à ses propres apprentissages « augmente le niveau de motivation et de mobilisation des employés », ajoute notre expert.
Le travail du gestionnaire ne sera plus jamais le même. Celui du professionnel RH non plus! « La période actuelle en est vraiment une de révolution », conclut Matthieu Bister.