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Le management par la confiance : une approche cohérente avec la gestion en mode hybride

Si le travail hybride peut être perçu comme un passage obligé par bon nombre d’entreprises, il se trouve qu'il s’intègre parfaitement dans une approche globale de gestion axée sur l’humain : le management par la confiance.

1 décembre 2021

Le travail en mode hybride est en voie de devenir un incontournable en raison de la pression énorme exercée par les travailleurs. Si cette pratique peut être perçue comme un passage obligé par bon nombre d’entreprises, il se trouve qu’elle s’intègre parfaitement dans une approche globale de gestion axée sur l’humain : le management par la confiance.

Diriger sur la base de valeurs humaines, c’est ce qu’on attend des leaders d’aujourd’hui. Le management par la confiance est une philosophie de gestion qui répond en tous points aux nouvelles attentes des travailleurs et s’avère l’approche idéale pour soutenir l’intégration d’une gestion hybride.

De façon naturelle, le contexte hybride force les organisations vers une gestion basée sur la confiance. Toutefois, l’efficience du mode hybride ne peut reposer uniquement sur une politique vouée à encadrer sa pratique. En fait, le mode hybride bouscule au passage tout l’écosystème organisationnel : il sollicite de nouvelles compétences, oblige certains rajustements aux processus, aux procédures et aux politiques, engendre le déplacement du pouvoir informel, etc. C’est plutôt la manière dont il est intégré et géré dans l’organisation qui en fait une pratique porteuse. En ce sens, le management par la confiance propose de devenir l’écosystème intégrateur qui le permettra.

Son appellation un peu réductrice peut faire croire qu’elle se limite à encourager les gestionnaires à « faire confiance » aux employés pour accomplir leurs tâches et atteindre les objectifs, mais loin d’être simpliste, elle implique en fait une redéfinition en profondeur du fonctionnement de l’organisation autour de cette vision de la gestion. 

Le management par la confiance prend sa source dans le concept « d’entreprise libérée », dont les origines remontent aux années 60. Philosophie de gestion révolutionnaire, l’entreprise libérée implique le passage d’un mode traditionnel de gestion axée sur le travail et prônant l’individualisme, l’utilitarisme, le rationalisme et la productivité vers un mode de gestion axée sur les personnes, valorisant la relation à l’autre, la gestion de soi, la création, l’intelligence collective et la transparence.

Dans le management par la confiance :

  • Tout ce qui place les employés en posture de simples exécutants est retiré des pratiques de l’organisation.
  • Les conditions et le but des actions entourant l’autonomie des employés sont définis, connus et acceptés de tous.
  • Le soutien et la formation permettant le déploiement de l’autonomie des employés sont mis en place.

Ainsi, on s’assure que les compétences de gestion, les processus (décisionnels et autres) et procédures, en passant par l’organisation du travail sont revues de manière à fournir aux employés toute l’autonomie souhaitée pour assumer leurs responsabilités. Les systèmes et les politiques sont, pour leur part, orientés sur la régulation et l’encadrement des comportements. 

Confiance et engagement 

Certaines études, notamment celles de Legood et coll. (2021) et de Campoy et Neveu (2007) apportent un regard intéressant sur le concept de confiance au point de vue organisationnel. En effet, les chercheurs ont réussi à établir de façon empirique un lien entre la confiance que porte l’employé envers son organisation et son degré de complicité et d’engagement.

Dans cette étude, la « confiance organisationnelle » est définie comme étant celle qu’accorde l’employé envers les dirigeants et son supérieur hiérarchique et qui se bâtit autour d’un ensemble de comportements venant des dirigeants :

  • Respect et considération des employés 
  • Communication régulière et transparente
  • Maintien des compétences et de l’intégrité des gestionnaires

Et des supérieurs hiérarchiques :

  • Disponibilité
  • Ouverture d’esprit
  • Intérêt pour la personne derrière l’employé 
  • Intégrité
  • Compétence 
  • Respect des promesses et cohérence

Les résultats de l’étude ont permis de confirmer plusieurs hypothèses : 

  • La confiance est préalable à l’engagement.
  • La présence de comportements adéquats influence positivement le degré d’engagement, de complicité fonctionnelle et de respect des consignes et règlements chez l’employé puisqu’il a l’impression d’être « payé en retour ». 
  • L’absence de confiance organisationnelle a un effet prédicteur important sur la prestation de travail et la collaboration avec les autres. 

Le parallèle entre cette étude et le management par la confiance est très intéressant. D’une part, le management par la confiance propose de décentraliser le pouvoir à l’ensemble des employés en leur accordant plus d’autonomie et, d’autre part, l’étude met en valeur des comportements de gestion suscitant l’engagement et la complicité. On peut donc penser que, si les dirigeants et les gestionnaires adoptent les comportements adéquats, le sentiment de confiance des employés se renforcera et ils seront plus enclins à s’engager affectivement et fonctionnellement. Du coup, leur engagement pourra servir de levier pour élever leur degré d’autonomie (et de responsabilités), ce qui favoriserait le succès du travail hybride.

La fonction RH, au cœur de l’évolution culturelle

Soyons honnêtes. Si le management par la confiance semble une avenue prometteuse, son application s’avère complexe. Une transformation culturelle n’est jamais simple et pour certaines organisations, le changement peut être grand, voire très grand.

C’est pourquoi la première étape sera de valider la volonté de changer de l’organisation. D’abord, une volonté consciente et assumée pour les gestionnaires et les dirigeants de lâcher prise face au contrôle traditionnellement valorisé en gestion et le courage d’un engagement sur le chemin de l’autonomie et de l’imputabilité pour les employés. 

La volonté organisationnelle émerge lorsque les gens conçoivent que les avantages de changer sont plus grands que le statu quo. C’est ici qu’entre en scène la fonction ressources humaines, par sa participation à cette réflexion stratégique qui se fait sur tous les plans : équipe de direction, gestionnaires et employés. Au terme de cette réflexion, on pourra envisager le changement si un ensemble de personnes influentes et mobilisées est convaincu que les avantages d’un virage vers un management par la confiance valent l’investissement.

Cette volonté organisationnelle se convertira alors en projet structuré qui débouchera sur la mise en place de pratiques de gestion, de politiques et de programmes. Le mode de travail hybride pourra être intégré dans cette foulée en toute cohérence avec l’ensemble des autres pratiques.

Conclusion

Le management par la confiance n’est pas un modèle de gestion fermé qui s’implante de la même façon dans toutes les entreprises et toutes les activités. Bien qu’il regorge d’avantages, il est essentiel de déterminer un but à atteindre et définir les étapes pour y arriver, sans laisser la culture de l’entreprise de côté. La patience, le droit à l’erreur et la bienveillance sont de mise tant de la part des dirigeants, des gestionnaires que des employés parce que la confiance, ça se gagne et ça se bâtit sur du long terme. 
 

Références

  • Alison Legood, Lisa Van der Werff, Allan Lee & Deanne Den Hartog (2021). A meta-analysis of the role of trust in the leadership- performance relationship. In European Journal of
  • Work and Organizational Psychology, 30:1, 1-22
  • Campoy, Eric, et Valérie Neveu. (2007). Confiance et performance au travail. L'influence de la confiance sur l'implication et la citoyenneté du salarié. In Revue française de gestion, vol. 175, no. 6, 2007, p. 139-153.