La pandémie a entraîné de nombreux changements dans le monde. Cette crise sanitaire sans précédent a non seulement forcé les organisations à réinventer leurs façons de faire, mais elle a également modifié la manière dont les travailleurs collaborent entre eux. Récemment, de nombreuses entreprises ont annoncé et opérationnalisé un retour en présentiel sous la forme « hybride ». Cette nouvelle forme d’organisation du travail est considérée comme inédite pour bien des établissements. Elle génère aussi son lot de défis, notamment en ce qui concerne la santé mentale au travail, le soutien social, la créativité et l’innovation.
Le monde du travail en pleine mutation
Dans les derniers mois, de nombreuses études et sondages ont démontré que la situation actuelle affecte autant la santé mentale des travailleurs, incluant les gestionnaires, que la performance organisationnelle. Ainsi, un sondage du SFPQ a démontré que 37 % des fonctionnaires ressentent plus de stress en télétravail qu’auparavant, alors que la professeure Caroline Biron de l’Université Laval a constaté que 49 % des travailleurs souffrent de détresse psychologique. Par ailleurs, le sondage réalisé par la firme Léger auprès de gestionnaires indique que 72 % d’entre eux considèrent que les télétravailleurs sont maintenant autant, sinon plus efficaces qu’en présentiel.
Si le télétravail avait fait grimper l'efficacité de certains employés, pour d’autres, cette dernière s’est bâtie au détriment de leur santé mentale. En tout état de cause, il est toujours avantageux d’agir en prévention primaire face à ces enjeux. Cela est aussi vrai pour l’organisation du point de vue de la performance et de l’innovation, mais également pour la protection de la santé mentale des travailleurs.
Avec l’arrivée de la pandémie, nos relations interpersonnelles se sont transformées jusqu’à modifier nos façons de collaborer, de se soutenir et de s’entraider entre collègues. En plus de renforcer le soutien social, de nouvelles idées émergeaient à travers ces courtes discussions autour de la machine à café, dans le stationnement à la fin de la journée, ou en se rendant ensemble à une réunion. Or, ces occasions d’échanges se sont amenuisées en télétravail. En distanciel, l’esprit d’équipe, la collaboration, l’entraide et le soutien sont parfois mis à rude épreuve. Ces échanges informels et inter équipes seraient pourtant essentiels à la créativité, à l’innovation et à l’intelligence collective dans le monde du travail, selon plusieurs études. C’est la sérendipité.
Les nouveaux modes d’organisation du travail : télétravail et travail hybride
Ainsi, notre capacité d’adaptation a été ébranlée au mois de mars 2020, lorsque le télétravail est entré massivement dans nos vies. De nouveaux risques psychosociaux sont alors apparus dans les organisations, en plus de ceux qui étaient déjà présents auparavant.
Pour certains, c’est la charge de travail qui a été modifiée. Quelques-uns se retrouvaient avec un surplus de travail dû à la nature de leurs tâches, au manque de personnel et à l’absentéisme, sans mentionner la charge émotionnelle plus grande compte tenu du contexte anxiogène. D’autres voyaient leurs tâches se complexifier en raison des nouveaux outils technologiques et des nouvelles procédures de travail imposées.
Étant surchargés, ayant l’impression de ne plus avoir de marge de manœuvre ou percevant un manque de reconnaissance, le temps accordé aux échanges informels et les occasions d’offrir notre soutien à nos collègues et envers leurs préoccupations se raréfient. Ces contrecoups ne sont bons ni pour l’organisation sur les plans de la performance et de l’innovation ni pour la santé mentale des travailleurs.
Si nous n’avons pas été en mesure de planifier l’arrivée massive du télétravail dans les organisations, il en va autrement pour le travail hybride. Nous avons présentement une opportunité unique pour planifier la mise en œuvre de cette nouvelle forme d’organisation du travail et ainsi, agir réellement en prévention primaire à l’avantage de l’ensemble des parties prenantes.
Des solutions à portée de main!
Le soutien social est un facteur essentiel de protection pour prévenir les problèmes en santé psychologique au travail. Dans le contexte du travail en mode hybride, il faut penser à des moyens pour renouer avec ces moments informels de socialisation afin de retrouver cette cohésion d’équipe qui est essentielle au bon climat de travail ainsi qu’à l’émergence d’idées nouvelles, à la créativité et à l’innovation. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe de nombreuses solutions pour y parvenir.
L’APSSAP accompagne de nombreuses équipes de travail dans la mise en place de mesures préventives en santé psychologique. En atelier, les travailleurs sont amenés à proposer des solutions réalistes pour eux-mêmes et pour l’équipe de travail. En réfléchissant ainsi en équipe « naturelle » de travail, on constate d’abord qu’il n’y a pas de solution universelle. Cela dépend réellement de la culture organisationnelle et de la réalité propre à chacun des milieux de travail.
Ainsi, cet informel à « recréer » est souvent l’une des premières préoccupations exprimées par les participants. Pour y parvenir, plusieurs idées ont été mises de l’avant, notamment celle de créer une conversation informelle sur une plateforme de communication collaborative, par exemple Teams, afin de continuer à échanger sur ses champs d’intérêt et ses passions.
Une autre idée fréquemment formulée par les participants aux ateliers est celle de communiquer avec les collègues au sein des autres équipes de travail. Plusieurs se sont ainsi donné le défi de contacter, une fois par semaine environ, un collaborateur d’un autre service afin de continuer à communiquer, de prendre des nouvelles et de discuter du travail, évidemment.
D’autres solutions concernent surtout l’équipe de travail, en tant que collectif. L’une des idées les plus populaires et prometteuses est de laisser du temps au début et à la fin de chacune des rencontres d’équipe afin de parler de tout et de rien. Il s’agit d’une pratique qui était la norme avant la pandémie, lors des rencontres en présentiel. Celles-ci permettaient effectivement de réseauter, de trouver des solutions à différents problèmes et de faire émerger de nouvelles idées.
Les gestionnaires, par ailleurs, ne sont pas en reste. L’ensemble des participants aux ateliers ont mentionné souhaiter une grande disponibilité des gestionnaires. Si, concrètement, la politique de la porte ouverte prend un visage différent d’une organisation à l’autre, l’idée de base se rapproche de ce que Geneviève Desautels nomme les rituels de gestion. Par exemple, une mêlée quotidienne (« scrum ») permet notamment de donner de la reconnaissance, de briser les silos et de s’entendre sur les priorités de la journée.
En conclusion, si les organisations souhaitent nourrir l’agilité, la créativité, l’innovation et par le fait même, la sérendipité, elles doivent encourager les rencontres impromptues et les conversations informelles. Celles-ci permettront de renforcer le soutien social, favoriseront un climat de travail sain et auront un impact positif sur la santé mentale des travailleurs. Dirigeants, gestionnaires, travailleurs et partenaires syndicaux doivent contribuer à cette co-construction de solutions puisque chacun peut faire une différence!