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Une démarche organisationnelle pour favoriser la cohérence en santé et mieux-être : le cas du CISSS de Chaudière Appalaches 

La norme « Entreprise en santé »[1] est apparue au Québec en 2008. Ce cadre de référence, préparé à l’initiative du Groupe entreprises en santé, vise à permettre aux organisations la mise en place d’une démarche structurée et structurante pour protéger la santé et le mieux-être des employés au travail.
24 septembre 2021

La prémisse sous-jacente à cette norme est que les entreprises peuvent contribuer à la santé et au mieux-être des travailleurs : 1) en maintenant un environnement de travail sain et sécuritaire; 2) en favorisant l’accès à des mesures de conciliation travail-vie personnelle; 3) en renforçant ou développant des pratiques de gestion qui contribuent au mieux-être; 4) en facilitant l’accès à des programmes et des mesures qui contribuent à l’adoption de saines habitudes de vie.

Dès 2008, plusieurs établissements du réseau de la Santé et des Services sociaux du Québec ont décidé d’implanter cette approche. Parmi ceux-ci, trois établissements de la région de Chaudière-Appalaches se sont lancés dans l’aventure et ont reçu une certification entre 2011 et 2014. Lors des fusions des établissements du réseau en 2015, le nouveau Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Chaudière-Appalaches a vu, dans une telle démarche, une opportunité d’uniformiser ses pratiques et d’actualiser sa mission en prenant aussi soin de celles et ceux qui se soucient du bien-être de la population.

Le CISSS profite de l’expertise de plus de 12 000 employés, dont 400 cadres et 800 médecins répartis dans plus de 100 installations. En lien avec ses valeurs que sont l’humanisme, la collaboration et l’équité, le CISSS reconnaît la valeur première des personnes qui composent l’organisation, et il contribue par ses actions à favoriser leur santé et leur mieux-être.

Faire d’une pierre plusieurs coups : un souci de cohérence, d’efficacité et de performance

Rapidement, le CISSS a saisi non seulement l’opportunité d’uniformiser ses pratiques internes, mais aussi de répondre, avec ce geste, à un ensemble d’orientations, de cibles, de politiques, de plans d’action, etc. On a qu’à penser  : 1) aux trois grandes orientations du MSSS dans son plan 2015-2020, 2) à la politique gouvernementale de prévention en santé, 3) au plan d’action en santé mentale du MSSS : Faire ensemble et autrement, 4) au plan d’action national visant la prévention des risques en milieu de travail et la promotion de la santé globale (2019-2023), pour ne nommer que ceux-là.

Aussi, en lien avec la volonté du CISSS d’assurer le mieux-être de ses employés, une politique de gestion intégrée de la prévention, de la présence et de la qualité de vie au travail a été développée. Cette politique est un geste concret de la direction qui contribue à la mise en place d’une culture de prévention, de promotion de la santé et du bien-être des personnes au travail dans le respect de leur intégrité physique et psychologique et de la performance de l’organisation. En lien avec de nombreuses études qui soulignent le rôle des différentes parties prenantes au regard de la santé (Nielsen et al, 2017), elle définit aussi spécifiquement les rôles et responsabilités de l’ensemble des acteurs du CISSS (p.ex. conseil d’administration, direction générale, comité de direction, chefs médicaux et gestionnaires, personnes, etc.).

Le cadre d’implantation de la norme Entreprise en santé exige aussi d’une organisation qu’il y ait formation d’un comité santé mieux-être (CSME). Au CISSS de Chaudière-Appalaches, le comité est sous la coresponsabilité de la Direction des ressources humaines, des communications et des affaires juridiques ainsi que de la Direction générale adjointe. Son mandat est défini dans la politique de gestion intégrée de la prévention. Le CSME participe ainsi à l’identification, à l’élaboration, à la planification et à l’organisation des initiatives et des interventions relatives à la santé et au mieux-être de l’ensemble du personnel. Il déploie et assure le maintien de la démarche, la programmation et la mise en œuvre des mesures relatives à Entreprise en santé en cohérence avec les valeurs organisationnelles.

Également, le Comité paritaire en santé et sécurité du travail (CPSST) a, lui aussi, un mandat important pour contribuer à la santé et au bien-être au sein de l’organisation. Il analyse et identifie les grands enjeux potentiels ou réels des accidents de travail et assure un rôle stratégique dans la détermination des priorités organisationnelles en matière de santé et de sécurité au travail.

De plus, avec l’arrivée du Plan d’action national[2] visant la prévention des risques en milieu de travail et la promotion de la santé globale 2019-2023, un volet particulier lié à l’identification et l’intervention pour la gestion des risques psychosociaux a été confié au service de la prévention, santé et sécurité au travail. Ces interventions sont développées et déployées en collaboration avec le Centre d’expertise en développement organisationnel du CISSS.

Le plan d’action, déployé au sein du CISSS de Chaudière-Appalaches, vise une prise en charge systématique de tous les risques inhérents dans l’organisation, mais également du développement d’une culture de prévention. Ce plan vient camper officiellement les assises de la prise en charge de la personne et de son bien-être, en pleine cohérence avec la démarche Entreprise en santé.

Enfin, pour assurer un réel engagement des différentes parties prenantes, un réseau d’ambassadeurs volontaires a été créé au sein de l’organisation. Au quotidien, une cinquantaine d’ambassadeurs participent au développement de la culture de prévention et de mieux-être auprès de leurs collègues de travail en étant des agents mobilisateurs de la démarche Entreprise en santé. Ils portent cette vision et sont source d’informations concrètes des situations vécues dans les équipes de travail.  

Conclusion

Il va sans dire qu’une telle structure de gouvernance et d’engagement peut sembler lourde à priori. Cependant, si l’engagement et la participation des parties prenantes du milieu sont réels et souhaités, une telle stratégie permet de faciliter le changement espéré[3] et d’obtenir des impacts positifs pour l’organisation.

Enfin, parlant d’impacts, au regard des indicateurs RH suivis dans le réseau, la performance du CISSS de Chaudière-Appalaches se compare favorablement à celle d’autres établissements aux caractéristiques similaires. On peut notamment nommer la durée moyenne des absences qui est considérablement réduite.. On a aussi observé une amélioration du ratio de présence au travail dans les trois dernières années. Sans pouvoir démontrer une entière causalité entre l’implantation et les améliorations observées, il est possible de croire que l’adoption d’un cadre intégrateur et structurant (CDC, 2016; OMS 2013) comme la norme Entreprise en santé a eu des effets bénéfiques pour le CISSS de Chaudière-Appalaches, d’autres études réalisées auprès de différentes organisations tendent à le soutenir (Letellier et al., 2018).