ressources / revue-rh / volume-24-no-1

Façonner la culture organisationnelle : comment l’intégrer à la nouvelle vision stratégique

Et si l'on tirait des leçons de la pandémie pour intégrer la culture organisationnelle à une nouvelle vision stratégique de l’entreprise? 

Il a longtemps été considéré que changer drastiquement une culture organisationnelle prend plusieurs années (Smith, 2003). Toutefois, avec la pandémie mondiale de la COVID-19 et les bouleversements rapides qu’elle a apportés dans les entreprises, il est pertinent de se poser la question à savoir si cette tendance est appelée à s’écourter. L’année qui vient de se terminer a mené vers plusieurs apprentissages qui ont eu lieu à la vitesse de l’éclair. Les besoins des employés ont changé et les priorités de l’entreprise doivent suivre ce mouvement afin d’arrimer le tout. Et si l'on tirait des leçons de la pandémie pour intégrer la culture organisationnelle à une nouvelle vision stratégique de l’entreprise? 

Les apprentissages de 2020 envers la culture organisationnelle 

Cette année, les différentes équipes de travail ont dû faire preuve de résilience, de sang-froid et d’adaptabilité, alors qu’elles étaient vulnérables. Les équipes RH ont fait partie de la gestion de crise, elles ont fourni des efforts soutenus afin de clarifier la situation, de gérer les procédures et d’ajuster les plans de match. Jongler avec les changements de directives ainsi que l’inconnu n’a pas été de tout repos. Se rendre à l’évidence que l’on n’a pas toujours toutes les réponses en main pose tout un défi. Nommer cet inconfort devant les employés a été l’un des facteurs de succès de la gestion de crise (Brown, 2014). Après avoir effectué plusieurs changements incrémentaux de toutes formes, grandeurs et tous rythmes, que peut-on retenir de ce tourbillon énergivore?

D’abord, que le sens, la contribution et l’innovation sont des éléments fondamentaux afin de favoriser une meilleure satisfaction du travail ! Il a été démontré que pour assurer un bien-être individuel et d’équipe, l’appréciation des petites victoires et du progrès réalisé sont des facteurs de succès (Amabil & Kramer, 2011).

En tant qu’équipe de direction ou équipe RH, il faut considérer qu’intégrer ces fondements peut représenter un changement de vision stratégique. Et ce genre de changement doit être traité comme un nouveau modèle d’affaires. Autrement dit, une nouvelle culture d’entreprise devra être établie afin de faciliter l’adhésion des employés à la vision stratégique. Une culture d’entreprise est l’ensemble des façons de faire, des non-dits, des habitudes, des rituels ralliant le tangible et l’intangible qui personnalisent une entreprise (Cameron & Quinn, 2011). 

La culture d’entreprise ne s’impose pas; elle peut toutefois être influencée, tant par la direction que par les équipes de travail et ce, tant positivement que négativement (Katzenbach, Steffen & Kronley, 2012). Ceci implique donc un travail d’équipe de la part de l’ensemble de l’organisation. Chacun y trouve sa voix. Voici des axes de réflexion qui peuvent faciliter l’arrimage de la culture d’entreprise et de la vision stratégique.

Axe 1 : Déterminer les changements nécessaires à apporter 

La première étape est de mettre au défi les biais cognitifs des membres de la direction. L’évaluation d’une culture d’entreprise est possible en posant des questions telles que : quelles sont les forces de l’entreprise? Quelles sont les forces distinctives des équipes? Pour quelles raisons les employés démissionnent-ils? Que pourrait-il être amélioré dès maintenant et quels aspects fondamentaux demanderont plus de temps à aborder? Dans certains cas, une simple adaptation est possible, mais dans d’autres, il faut faire table rase du passé

Quand l’entreprise Tesla a décidé de se différencier des autres fabricants de voitures, elle est restée alignée avec sa vision. Une vision différente, certes, mais qui rallie son équipe et qui perpétue les comportements souhaités. Elle a établi ce qui deviendrait ses standards, habitudes et façons de faire.

Dans l’entreprise actuellement, quels sont les comportements à valoriser et lesquels doivent cesser afin de permettre à votre vision de se déployer?

Axe 2 : Communiquer régulièrement la vision stratégique

Une fois la vision clarifiée et les comportements favorables définis, il faut communiquer cette nouvelle identité. Plus un message sera diffusé, partagé et vu, plus il a de chances d’être compris. On ne peut jamais « trop » communiquer un même message. Adapter la stratégie de diffusion à l’entreprise et aux personnes qui la composent est essentiel. Les méthodes utilisées doivent donc être variées et multiples. 

Les gestionnaires et cadres intermédiaires ont un rôle important à jouer à ce stade-ci : ils doivent comprendre et s’imprégner de la vision afin de la communiquer adéquatement au reste de l’équipe. Ils sont, en quelque sorte, les porte-parole. La nouvelle vision doit être engageante pour les membres de l’organisation. 

Quant aux employés, ils ont le rôle de comprendre le changement, de le questionner et de s’assurer qu’il semble cohérent afin de le vivre au quotidien. Un employé dont les besoins sont satisfaits est un employé qui sera plus engagé envers le changement. L’entreprise doit s’assurer d’avoir les processus nécessaires en place afin que le personnel puisse lever la main, parler et exercer leur voix si cela n’est pas clair pour eux.

Axe 3 : Adapter les processus à la vision stratégique

Afin d’assurer le succès de l’arrimage de la culture organisationnelle à la vision stratégique, il faut également penser à revoir les processus reliés aux ressources humaines telles que le recrutement, la rémunération, la formation, l’appréciation de la contribution (évaluation du rendement) et toutes les autres politiques en fonction de la nouvelle vision stratégique.

La cohérence entre les processus et la vision est la clé du succès.

Axe 4 : Mesurer pour confirmer un changement concret

Mesurer l’évolution permet d’entamer d’importants changements sur le plan de la culture d’entreprise. Ces changements passent d’abord par la refonte du système de mesure. En se référant aux comportements souhaités, il est plus facile d’identifier ce qui doit être mesuré afin de le mettre en lumière. Par exemple, une transition vers une culture de collaboration doit mettre de l’avant l’atteinte d’objectifs d’équipe plutôt que de contributions individuelles. En somme, il vaut mieux changer les unités de mesure pour s’assurer de l’évolution des comportements, sinon, il ne sera pas valorisé. (Napier, Libert & de Vries, 2020) 

En conclusion

Amorcer un changement de culture nécessite de s’entourer de gens qui sont prêts à revoir les façons de faire, incluant les leurs. Challenger la vision stratégique de l’organisation en équipe permet de mettre en lumière les comportements qui sont à modifier et surtout ceux qui doivent être valorisés. Avoir une vision stratégique claire est primordial afin de bien communiquer la culture organisationnelle souhaitée. Cette communication doit être mise de l’avant puisqu’elle représente un nouveau modèle d’affaires et les employés doivent le comprendre pour y adhérer. Une culture d’entreprise s’influence, mais ne s’impose pas, chaque personne a un rôle à jouer dans le déploiement de celle-ci. Enfin, la cohérence dans les pratiques ainsi que dans les mesures de performance est essentielle à l’arrimage de la culture et de la vision stratégique.

AUTEUR_Alexandra_Bourgeois-Guerin_NB.jpg

Alexandra Bourgeois-Guérin, CRHA, M. Sc. spécialiste culture et innovation, Kolegz

Source : Revue RH, volume 24, numéro 1 ─ JANVIER FÉVRIER 2021