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Banque Nationale : le jeu au service de la transformation culturelle d’une grande entreprise

Recourir au jeu pour faire évoluer les équipes, mais aussi pour dévoiler les talents peut contribuer à faire réussir les changements organisationnels. C’est en offrant des conditions stimulantes que le potentiel émerge. Voici un exemple concret. 

Par : NATHALIE LA ROCHELLE, CRHA, conseillère principale, Expérience Employé, à la Banque Nationale  
SANDRA GUILLEMETTE, directrice principale, Gestion privée 1859, et leader de l’escouade Pouvoir d’agir à la Banque Nationale 
SIMON-CARL DUNBERRY, conseiller principal à la Banque Nationale 

En contexte de rareté de main-d’œuvre et d’accélération des changements technologiques, il est possible de faire autrement pour piloter des changements. On peut utiliser le jeu sérieux pour faire évoluer les équipes, mais aussi pour dévoiler les talents. C’est en offrant des conditions stimulantes que le potentiel émerge. Voici un exemple concret.

D'une équipe formée d’employés se connaissant peu ou pas à un concept inédit de compétition réunissant plus de cent participants répartis dans toutes les grandes villes canadiennes, tout un chemin a été parcouru! 

Voici l’histoire d’une escouade déterminée à avoir un impact positif sur tous les employés de son secteur pour accélérer la transformation culturelle.

Genèse d’une métamorphose 

Dans le cadre d’une priorisation stratégique visant à renforcer la transformation culturelle, l’équipe de direction de la Banque Nationale Gestion de patrimoine a eu l’audace de confier à une escouade le mandat d’accroître le pouvoir d’agir de ses employés. 

La mission commune de la Banque Nationale met de l’avant « l’humain d’abord » et les valeurs de complicité, d’agilité et de pouvoir d’agir. Ainsi, la création d’une escouade « Pouvoir d’agir » composée de quinze employés volontaires provenant de multiples secteurs était en pleine adéquation avec cette mission. 

Au début, les membres de l’escouade ont travaillé en collégialité en soulignant les difficultés qui les touchaient dans leur quotidien pour concrétiser ce qu’est le pouvoir d’agir. Rapidement, il est devenu impératif de comprendre les problèmes à plus grande échelle afin de définir un plan d’action concret pour encourager les employés à exercer leur pouvoir d’agir et à jouer un rôle actif dans la transformation culturelle. 

Première étape : mesurer efficacement les préoccupations

À cette fin, l’escouade a réalisé un sondage interne dans le but de connaître les préoccupations des employés et leur perception du pouvoir d’agir. Cette approche a permis de bien cerner les  difficultés. Près de 1000 employés ont répondu au sondage, ce qui représente un taux de participation supérieur à 50 %.

Plus impressionnant encore, ce sont les quelques 600 commentaires émis, mettant ainsi en lumière les réelles sources d’insatisfaction des employés, de même que les freins au pouvoir d’agir : peur de l’erreur, charge de travail importante, manque de connaissance et d’expertise, lourdeur des processus et des systèmes, manque de soutien hiérarchique, résistance au changement, contraintes budgétaires.

Deuxième étape : concrétiser la notion de pouvoir d’agir

À la lumière des conclusions du sondage, l’escouade se met à l’œuvre pour répondre aux besoins soulignés par les employés en se concentrant sur quatre dimensions : clarifier l’espace décisionnel, encourager le droit à l’apprentissage, reconnaître les comportements orientés sur le pouvoir d’agir et encourager le leadership au quotidien.

Au cours des mois qui ont suivi, l’escouade réalise des entrevues exclusives avec les membres de la direction, développe des outils de référence démystifiant la notion de pouvoir d’agir, informe les employés en continu et publie photoromans, articles et vidéos en lien avec le sujet. 

Malgré l’intérêt exprimé par la quantité impressionnante de « J’aime », de vues et de partages de ses publications, force est de constater que les employés tardent à s’approprier leur pouvoir d’agir. Le sondage sectoriel réalisé quelques mois plus tard confirme ce que l’escouade redoutait : le pouvoir d’agir stagne.

Troisième étape : l’humain au cœur des préoccupations

Avec le recul, nous réalisons que le nombre élevé de commentaires au sondage révélait le désir des employés de se faire entendre et de participer à la transformation. Dès le départ, l'escouade aurait dû trouver une manière de canaliser cette énergie. Il était donc nécessaire de recadrer l’approche avec cette perspective en tête.

L’humain demeurait le point commun de nos interventions et le potentiel de cet axe devait être développé davantage. Pour y parvenir, l’escouade a eu une idée qui allait faire du chemin : une compétition, basée sur les préoccupations des employés, et que l’on nommerait la « Coupe Pouvoir d’agir ».

« Il fallait encourager davantage les employés à se rencontrer et à s’engager dans la démarche. Nous avons spécialement pensé à la collaboration entre les lignes d’affaires, un défi qui existe dans toutes les grandes organisations. Et nous avons eu l’idée de créer la Coupe Pouvoir d’agir, pour ajouter l’élément humain à nos efforts! », affirme Simon-Carl Dunberry, membre de l’escouade Pouvoir d’agir.

S’inspirant des hackathons, le concept de la compétition est fort simple. Il repose sur les principes de ludification et utilise la référence identitaire populaire qu’est une saison de hockey avec toutes les étapes s’y rattachant : du repêchage à la grande finale de la Coupe, en passant par la saison régulière et les séries éliminatoires. 

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Quatrième étape : création de la Coupe Pouvoir d’agir

Afin de maximiser les chances de succès de la compétition, quelques critères devaient être pris en compte :

  1. Former des équipes multisectorielles avec des employés de tous les paliers hiérarchiques, et ce, à travers le Canada.
  2. Créer un environnement où les employés devraient rapidement travailler ensemble et former un « esprit de corps ».
  3. Permettre aux équipes de choisir leur coach parmi les membres du comité exécutif pour allier la voix des employés aux objectifs stratégiques de la Banque. 

Notre intuition sur le désir des employés de participer à la transformation culturelle était juste, le nombre de participants ayant largement dépassé notre objectif initial.

La compétition s’est déroulée sur une période de cinq semaines, au cours de laquelle les équipes ont travaillé sur la conception de leur solution. Les participants ont osé prendre leur pouvoir d’agir et sortir de leur zone de confort pour résoudre des problèmes qui les affectent tous, en sachant qu’ils pouvaient réellement faire une différence.

Outre l’annonce de l’équipe gagnante, plusieurs moments forts sont survenus pendant le déroulement de la Coupe, le plus important étant la présentation des solutions devant les membres du comité exécutif. Ceux-ci ont pu constater l’innovation, le talent et l’énergie déployés par l’ensemble des participants. 

L’impact positif de l’approche 

L’engouement suscité par la Coupe Pouvoir d’agir en a surpris plus d’un. La Coupe est un concept innovateur, entièrement réalisé par les employés, ayant su mettre l’humain au cœur de la transformation culturelle de la banque :

  • Le concept était développé par les employés pour répondre à leurs préoccupations. 
  • Les problèmes étaient choisis et solutionnés par les employés. 
  • Le gagnant était déterminé par le vote des employés.

« L’impact positif de la Coupe Pouvoir d’agir est indéniable. La Coupe s’est démarquée et a été reconnue dans l’organisation tant par son originalité, son esprit de collaboration intersectorielle que par le dévouement et l’enthousiasme des participants. Les solutions mises de l’avant par les équipes participantes ont été tout aussi inspirantes. Plus important encore, les employés et les cadres ont eu l’occasion de jouer un rôle actif dans la transformation culturelle de la banque en travaillant ensemble à trouver des solutions aux défis du pouvoir d’agir. C’était donc un scénario gagnant pour tous, indépendamment des résultats », résume Sandra Guillemette, leader de l’escouade Pouvoir d’agir.

L’expérience a été extrêmement positive pour tous et, comme en font foi les commentaires post-compétition, les avantages ont largement dépassé les attentes : 

  • L’accroissement du taux d’engagement des employés
  • La découverte de nouveaux talents
  • Le renforcement de la collaboration entre les secteurs d’affaires
  • La qualité des solutions présentées
  • L’intérêt élevé de l’organisation envers le concept innovateur

Dans un contexte de guerre des talents, non exempt de complexité, la Coupe Pouvoir d’agir a mis l’humain au cœur des préoccupations en adoptant une perspective nouvelle de l’expérience employé qui met l’accent sur l’engagement, la mobilisation, l'inclusion et la complicité des employés. Participants, coachs et organisateurs, tous ont contribué à faire de ce projet original un grand succès, que nous souhaitons répéter dans le futur à l’échelle de la banque. 

TÉMOIGNAGES

« Je suis une personne qui observe et écoute (surtout dans l’inconnu) et j’ai pris conscience que je dois prendre ma place. La très belle et grande collaboration que nous avons eue entre nous m’a donné beaucoup de confiance. »

« J’ai l’impression d’avoir contribué concrètement à la transformation. Mais avant tout, j’ai pris conscience de mon propre rôle de transformateur. Tout part de soi! »

« J’ai adoré l’expérience. J’ai beaucoup aimé que l’équipe soit formée de personnes issues de différents secteurs. J’ai trouvé très formatrice la dynamique de travailler en équipe, où les niveaux de compétences et de postes variaient. Pourtant, je sentais que nous étions tous sur le même pied d’égalité. C’était enrichissant. »

« Je me suis rendu compte que nous avons beaucoup d’enjeux en commun (les employés), mais nous avons aussi les solutions. »

« C’est rare dans une vie professionnelle de pouvoir participer concrètement à la transformation de la culture d’une organisation. La Coupe nous a donc permis de prendre conscience que nous pouvons et devons tous agir pour transformer positivement notre organisation. »

« Le nombre de personnes impliquées et motivées m’a beaucoup impressionné. Chacun était prêt à remettre en question beaucoup d’idées préconçues et à chercher des solutions originales après s’être informé de la réalité des autres. Les comportements banque étaient appliqués de A à Z. »

« J’ai rencontré des personnes aux talents incroyables que je n’aurais pas eu l’occasion de rencontrer. »


Source : Revue RH, volume 23, numéro 4 ─ NOVEMBRE DÉCEMBRE 2020