À l’embauche ou en cours d’emploi, nombreux sont les contextes où l’employeur désire obtenir des renseignements sur la condition médicale d’un salarié. S’il n’existe pas d’index des questions à proscrire, une approche individualisée fondée sur la pertinence et la nécessité peut guider le praticien dans cette démarche épineuse.
La meilleure question est celle qu’on ne pose pas
Toute question posée relativement à la condition médicale est susceptible de porter atteinte aux droits à la dignité, à la vie privée et à la protection contre la discrimination fondée sur le handicap en emploi. Ces droits garantis ne sont toutefois pas absolus, ceux-ci devant se concilier avec les intérêts légitimes de l’employeur[1].
Une démarche pour obtenir des renseignements médicaux doit donc avant tout reposer sur des intérêts légitimes de l’employeur qui justifient une atteinte aux droits garantis du salarié. À ce titre, la jurisprudence reconnaît notamment :
- L’exercice des droits de gérance pour la bonne marche de l’organisation (p. ex., le contrôle des absences pour cause de maladie);
- L’évaluation de la capacité du salarié à fournir la prestation de travail (p. ex., la vérification des aptitudes physiques nécessaires à un poste);
- L’obligation de protéger la santé et la sécurité (p. ex., la connaissance des limitations fonctionnelles concernant une condition connue).
Il faut ensuite s’assurer que les informations recherchées sont véritablement pertinentes à la fin poursuivie, en se limitant à ce qui est strictement nécessaire. Chacune des questions posées – que ce soit dans un questionnaire, un formulaire, une entrevue avec un professionnel ou autre – doit être individuellement pertinente et nécessaire.
En matière de dotation, une question portant sur un handicap est généralement permise lorsqu’il existe un lien direct avec les aptitudes requises du poste. En matière d’invalidité, il a été reconnu qu’un employeur est en droit de demander le diagnostic et la date du retour[2].
En revanche, les tribunaux ont jugé illégales des questions concernant :
- Les antécédents de toxicomanie non reliés à la capacité actuelle[3];
- La vie familiale et des problèmes émotifs non reliés à l’invalidité[4];
- L’historique complet de toute hospitalisation antérieure[5].
En somme, toute démarche de collecte de renseignements médicaux devrait être individualisée, en tenant compte de ce qui est strictement nécessaire et pertinent selon la situation spécifique du poste occupé.
Le statut du médecin traitant
On dit qu’il n’est souvent pas possible de faire indirectement ce qui interdit directement. Cela est vrai pour la personne qui serait tentée d’obtenir des renseignements médicaux du médecin d’entreprise qui s’avère être le médecin traitant des salariés.
Il faut savoir que l’information médicale détenue par le médecin traitant du salarié est protégée par le secret professionnel. Ce privilège empêche toute communication de renseignements de la part du médecin à des tiers, y compris à l’employeur.
Ce n’est que lorsque le médecin traitant est également celui qui évalue le salarié à la demande de l’employeur que ce dernier peut lui demander des informations médicales. En ce cas, le médecin revêt le chapeau d’expert et est autorisé à partager les informations colligées dans le cadre de son mandat[6].
Que faire avec les renseignements médicaux?
Les renseignements médicaux constituent des renseignements personnels au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. La collecte, la conservation ainsi que la communication des informations médicales sont donc soumises aux exigences de cette Loi.
Le fait de détenir une information légitimement est à distinguer du droit à son accès. En effet, l’employeur qui détient un dossier médical ne peut y accéder librement. Seuls certains représentants de l’employeur peuvent avoir accès au dossier médical d’un salarié sans son consentement, à la condition que l’information soit nécessaire à l’exercice de leurs fonctions[7].
Ainsi, une personne responsable des ressources humaines assignée à un dossier spécifique impliquant la santé d’un salarié pourra accéder aux informations nécessaires à la prise de décision, alors que d’autres intervenants de l’entreprise (p. ex., superviseurs, représentants syndicaux) auront un accès limité.
De nouvelles dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels entreront en vigueur en septembre 2023. La nouvelle mouture introduira la notion de « renseignement sensible » qui comprend les renseignements médicaux, de même qu’une série de nouvelles obligations auxquelles nous vous invitons à vous référer.
Pour aller plus loin :
- Grégoire, G. et Jolicoeur, M. (2019), Les enjeux légaux et médicaux en matière d’emploi : que devrait-on investiguer et à quel(s) moment(s)? Dans Barreau du Québec, Service de la formation continue, Développements récents en droit du travail (454). Yvon Blais. URL
- Gouvernement du Québec (2022, 22 septembre), Modernisation de la protection des renseignements personnels. URL
Documents de référence :
Les documents qui devraient se trouver dans un dossier de sélection
Création et conservation d'un dossier d'employé
1 | Syndicat des employé-e-s de métiers d’Hydro-Québec, section locale 1500 c. Hydro-Québec, 2015 CanLII 31053 (QC SAT), par. 82. |
2 | Syndicat des professionnelles en soins du Centre de santé et de services sociaux de La Montagne c Centre de santé et de services sociaux de La Montagne (Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal), 2020 CanLII 73209 (QC SAT), par. 70-71. |
3 | Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (M.R.) c. Société de transport de Montréal (STM), 2021 QCTDP 35. |
4 | Alliance des professeures et professeurs de Montréal et Commission scolaire de Montréal, 2016 QCTA 857. |
5 | Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Samson-Thibault) c. Ville de Québec, 2023 QCTDP 2. |
6 | Art. 65 du Code de déontologie des médecins; Syndicat des chauffeurs d’autobus, opérateurs de métro et employés des services connexes au transport de la STM, section locale 1983, S.C.F.P. c. Société de transport de Montréal, 2011 CanLII 17029 (QC SAT), par. 58. |
7 | Art. 20 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. |