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Le télétravail : une question d’équité!

Depuis plus d’un an, le télétravail a pris une autre tournure. Cet article nous propose une définition du télétravail pour ensuite voir qui peut en bénéficier et quels sont ses avantages avant de conclure sur des conseils pour les employeurs.
5 mai 2021
Me Philippe Desrosiers, CRIA

En pleine crise sanitaire et alors qu’une troisième vague bat son plein, les gestionnaires en ressources humaines ont énormément de travail à abattre pour satisfaire les organisations pour lesquelles ils travaillent.

Les décisions se prennent souvent rapidement avec très peu de précédents pour s’orienter et aligner le tout sur les objectifs identifiés.

Il est cependant certain que la durée de cette crise accentuera diverses problématiques liées aux modalités entourant le télétravail. Dans ce texte, nous nous attarderons spécifiquement à l’équité entre les travailleurs.

La définition du télétravail

Moins populaire avant la pandémie et souvent réservé à une certaine catégorie de travailleurs, le télétravail se définit comme un privilège accordé à un travailleur d’effectuer en tout ou en partie ses tâches à l’extérieur de son milieu de travail, et ce, pour l’ensemble ou une partie de son horaire.

Bien souvent, le télétravail s’effectue au domicile du travailleur alors que son employeur lui a fourni les équipements technologiques et informatiques nécessaires pour réaliser ses mandats. Dans certains cas, l’employeur s’assurera de fournir le mobilier nécessaire à son employé et acquittera en tout ou en partie les frais liés à une connexion Internet haute vitesse.

Le télétravail est particulièrement axé sur des résultats en raison de l’absence d’un contrôle direct sur le travail de l’employé. Il va sans dire que le lien de confiance doit être absolu et que la loyauté envers l’employeur ne doit pas être mise en doute.

Enfin, il est reconnu qu’un nombre important de travailleurs apprécient le télétravail sur une base récurrente, mais en assurant également une présence au travail.

Qui peut en bénéficier?

Dans le contexte actuel, la situation est plutôt simple. Le gouvernement demande aux employeurs de permettre le télétravail à tous les employés dont la présence dans le milieu de travail n’est pas nécessaire pour maintenir les activités de leurs organisations.

Comment un employeur doit-il se comporter lorsqu’une partie seulement d’un groupe de travailleurs doit être sur les lieux physiques? Qui doit-il choisir? Sous réserve de règles conventionnelles existantes, aucun cadre législatif n’assure une équité parmi les travailleurs. Selon ses droits de direction, l’employeur peut identifier les travailleurs dont la présence est requise au travail, et il n’a pas à justifier sa décision.

Ainsi, l’employeur pourra préférer la présence d’un commis comptable de 30 ans d’ancienneté plutôt que celle d’un autre commis comptable de 10 ans de service, sans que le premier puisse opposer ses années de service pour obtenir le télétravail.

Il va sans dire que ce genre de décision amènera une insatisfaction grandissante chez les employés et occasionnera des enjeux de relations du travail dans l’organisation. Il est souhaitable qu’un employeur puisse exercer ses droits de gestion avec prudence et qu’il puisse les justifier de façon raisonnable. Un employeur soucieux de ses employés fera preuve de sagesse et évitera d’abuser de ses droits.

Les avantages

Le télétravail apporte de nombreux avantages aux employés. Commençons par l’économie de temps. Un travailleur à la maison est avantagé par les nombreuses heures hebdomadaires qu’il ne consacre plus au temps de transport et qu’il peut investir dans une meilleure qualité de vie. Nous n’avons qu’à penser aux activités familiales, sportives, ménagères et sociales qui s’en trouveront améliorées. Bien sûr, ce statut ne constitue pas un apport financier direct, mais vaut sans nul doute de l’or pour plusieurs.

Il y a, par la suite, l’économie en argent. Un travailleur à la maison n’a pas à dépenser autant pour son transport, son stationnement, ses repas et son habillement. Dans ce cas précis, il est possible pour chaque travailleur d’en identifier le montant exact pour réaliser le bénéfice qu’il en retire contrairement à son collègue dont la présence au travail est requise. Ajoutons à cela l’avantage fiscal qu’un employé peut réaliser annuellement.

Il y a enfin l’équilibre mental qui se trouve renforcé par une diminution du stress lié à différents facteurs lorsque la présence au travail est récurrente. Mentionnons les embouteillages sur les routes, la météo, les relations interpersonnelles difficiles, les dérangements impromptus, etc.

À la lumière de ces avantages, il s’avère clair qu’un déséquilibre s’installe entre les employés ayant droit au télétravail et ceux qui n’y ont pas accès. Encore là, aucune règle législative n’existe à ce jour pour mieux encadrer la situation, et le tout est laissé au domaine conventionnel. Un employeur jouira de la plénitude de ses droits de gestion dans ce contexte.

La voie à suivre

Comment l’employeur devrait-il se comporter? Comme un employeur soucieux de maintenir une équité relative entre ses employés pour éviter de nuire au climat de travail, mais aussi à l’organisation tout entière. Pour ce faire, il devrait instaurer des règles claires de partage du télétravail et éviter ainsi l’arbitraire. Un système de rotation parmi les membres d’un service est une voie intéressante. Aussi, dans l’élaboration des conditions de travail de ses employés, l’employeur devrait considérer les avantages découlant du télétravail pour favoriser son employabilité et la rétention de sa main-d’œuvre.

Toutefois, il ne pourrait rester muet face aux employés n’ayant pas accès au télétravail. À l’égard de ce groupe, il est souhaitable que l’employeur tende vers l’équité en instaurant des conditions leur étant propres. Ce faisant, il s’assurera de conserver l’équilibre des forces et la satisfaction de son personnel.

À l’heure actuelle, la très grande majorité des professionnels et des cols blancs sont en télétravail, et la situation sanitaire occulte bien des enjeux. En revanche, il ne faut pas être devin pour comprendre que prochainement, il y aura un défi à relever, car le télétravail est là pour rester. Aussi bien s’y préparer dès maintenant!

Il est fortement recommandé à tout employeur de prévoir une politique de retour au travail dans laquelle seront intégrées les modalités du télétravail. Plusieurs éléments doivent s’y retrouver, dont notamment les postes admissibles, le mécanisme pour y avoir droit, les horaires définis, les situations d’exception et bien sûr les modalités favorisant l’équité pour l’ensemble des travailleurs. Sur ce dernier point, l’employeur a devant lui une feuille blanche qu’il pourra remplir selon ses besoins opérationnels et en tenant compte de sa situation financière. Le but est d’assurer la cohésion du groupe et son adhésion à l’organisation.


Author
Me Philippe Desrosiers, CRIA Avocat et conseiller en relations du travail Étude légale Philippe Desrosiers Inc.

Source : VigieRT : avril 2021