Ces dernières années, le dicton « plus personne ne veut être gestionnaire » semble avoir remplacé l’adage « plus personne ne veut travailler ». En effet, une proportion substantielle d’employés affirme ne pas souhaiter devenir gestionnaire (entre le tiers et la moitié, selon les sondages). À l’échelle mondiale, 40 % des nouveaux gestionnaires cherchent rapidement à changer de rôle, qu’il soit ou non de nature managériale[1]. Au Québec, les organisations rencontrent les mêmes défis : recruter ou promouvoir des cadres est une épreuve et les maintenir en poste représente un défi tout aussi grand.
Ces résultats soulèvent des questions profondes sur la stratégie de rémunération et la gestion des talents. Nous proposons ici une analyse des facteurs qui influencent l’attraction et la rétention des nouveaux gestionnaires, ainsi que des solutions concrètes pour aborder ce problème.
Les obstacles à l’attraction et à la rétention des nouveaux gestionnaires
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Un rôle perçu comme peu attrayant
Les nouveaux gestionnaires font souvent face à une augmentation substantielle de leurs responsabilités : charge de travail accrue, attentes ambiguës, interactions multipliées avec différentes parties prenantes et interruptions fréquentes. Pourtant, ces exigences supplémentaires ne sont pas toujours compensées par une rémunération proportionnellement plus élevée. Dans certains cas, les gestionnaires de premier niveau peuvent même recevoir une rémunération en espèces inférieure à celle de leurs subalternes, qui bénéficient notamment de primes de quart ou de la compensation des heures supplémentaires.
Par ailleurs, devenir gestionnaire peut impliquer des sacrifices personnels : une distance accrue avec d’anciens collègues et des répercussions potentielles sur l’équilibre entre la vie personnelle et le travail. Pour beaucoup, ces inconvénients surpassent les avantages perçus du rôle.
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Des motivations redéfinies et des plans de carrière défaillants
Aujourd’hui, les personnes qui aspirent à devenir gestionnaire semblent valoriser davantage leur qualité de vie et la santé psychologique, de concert avec l’occasion de développer leur carrière. Le prestige et la reconnaissance sociale, qui constituaient peut-être jadis des moteurs de progression, ont été supplantés par des priorités comme le temps passé avec les proches et la préservation du bien-être personnel. D’autre part, certains talents sont poussés vers des postes de gestion qu’ils ne souhaitent pas occuper ou pour lesquels ils ne sont pas prêts.
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Une formation et un soutien insuffisants
Les nouveaux gestionnaires sont souvent promus sans recevoir la formation et l’accompagnement nécessaires. Ils doivent acquérir « sur le tas » des compétences en gestion de personnel, en résolution de conflits, en leadership et en gestion de stress. Cette lacune en matière de formation et de soutien, combinée à la pression du rôle, mène souvent à une surcharge cognitive et émotionnelle. Le stress qui résulte de ce déséquilibre favorise l’épuisement, ce qui rend les nouveaux gestionnaires plus enclins à quitter leur poste.
Ainsi, une rémunération inadéquate, des conditions de travail trop exigeantes ou un manque de flexibilité risquent de décourager les talents les plus prometteurs.
Les solutions pour améliorer l’attraction et la rétention
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Amélioration de la rémunération globale
Il est nécessaire de s’assurer que la rémunération globale reflète les efforts et les responsabilités associés au rôle de gestionnaire. Cela peut passer par la mise en place de régimes d’intéressement liés au rendement et d’avantages sociaux supplémentaires ou encore l’établissement de mesures permettant une meilleure conciliation travail-vie personnelle. De plus, il est essentiel de positionner adéquatement les emplois de cadres dans la structure salariale de l’organisation et leurs titulaires dans les échelles salariales.
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Clarification des parcours de carrière et évaluation et reconnaissance du potentiel
Il est essentiel de communiquer clairement les possibilités de progression au sein de l’organisation. Les employés doivent comprendre les cheminements de carrière offerts, y compris ceux qui ne nécessitent pas de passer par un rôle managérial. Par ailleurs, plutôt que de se fier uniquement au rendement antérieur et au désir de progression des candidats, les organisations doivent évaluer les compétences et le potentiel des employés à exceller dans des rôles de gestion. Enfin, mettre en lumière le potentiel d’un employé peut être un facteur de motivation puissant... à condition de se donner la peine de le lui communiquer.
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Formation en gestion
Il est essentiel d’investir dans la formation pour développer les compétences en matière de leadership, de gestion de projet, d’intelligence émotionnelle et de résilience. La formation peut être un investissement particulièrement payant auprès des représentants de la nouvelle génération, qui ont souvent connu des freins à leur intégration relationnelle au cours des dernières années par rapport aux générations précédentes et qui peuvent vivre davantage d’isolement et de craintes face au risque d’échec dans leur nouveau rôle. La formation fournit les outils et les ressources nécessaires pour faire face aux nouvelles demandes du rôle.
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Mentorat et coaching
Les nouveaux gestionnaires peuvent grandement bénéficier d’un accompagnement par des mentors ou des coachs. Ces relations fournissent un soutien pratique et psychologique crucial lors de la transition vers des rôles à responsabilités accrues.
En conclusion, attirer et fidéliser les nouveaux gestionnaires exige une approche globale qui mise non seulement sur l’aspect financier, mais également sur une culture organisationnelle qui promeut un environnement de travail sain, des parcours de carrière clairs et diversifiés, ainsi qu’un soutien proactif.
- How HR Can Help the Overworked, Underappreciated Middle Manager, Capterra, 13 février 2024.