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PL 59 : vos nouvelles obligations pour protéger la santé psychologique de vos employés

La protection de l’intégrité psychologique des employés est l'une des avancées apportées par la PL 59 aux dispositions de la LSST. Les employeurs auront désormais l’obligation de protéger leurs employés des risques psychosociaux au même titre que les risques physiques, ergonomiques, chimiques ou biologiques.
2 mai 2022
Kariane Lebel, avocate | Sophie Tremblay, associée et cheffe de l’exploitation, Novalex

Le 30 septembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi 59 (PL 59), lequel est officiellement entré en vigueur le 6 octobre 2021. Celui-ci apporte d’importantes modifications aux lois en matière de santé et de sécurité du travail, à savoir la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) et la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP).

Le travail à distance, l’utilisation d’outils technologiques, les réalités pandémiques, ainsi que la pénurie de main-d’œuvre, ont des impacts majeurs sur les politiques de travail des entreprises. Il y a aussi certaines prises de conscience sociétales et une grande sensibilité entourant l’importance de la santé mentale au travail. La modernisation de ces deux lois était donc attendue depuis longtemps afin de mieux arrimer le cadre légal aux nouvelles réalités du marché du travail et aux préoccupations des employés.

Risques psychosociaux

Parmi les nombreuses avancées apportées par le PL 59, notons l’ajout de la protection de l’intégrité psychologique des employé.es aux dispositions de la LSST. En effet, les employeurs auront désormais l’obligation de protéger leurs employé.es des risques psychosociaux au sein de leur entreprise, au même titre que les risques physiques, ergonomiques, chimiques ou biologiques. 

Selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)[1], il existe sept principaux facteurs de risques psychosociaux susceptibles d’augmenter la probabilité d’engendrer des effets néfastes sur la santé psychologique (détresse, dépression, trouble anxieux, etc.) :

  • Une charge de travail élevée et des contraintes de temps
  • Une faible reconnaissance des efforts et des résultats
  • Peu d’autonomie et d’influence dans le travail
  • L’insécurité d’emploi
  • Le soutien, la collaboration et l’aide insuffisants des collègues ou du supérieur
  • Le harcèlement psychologique
  • Peu de justice organisationnelle

De son côté, la CNESST mentionne comme autres facteurs de risques psychosociaux, un environnement de travail malsain, le manque de respect ou l’incivilité et l’exposition à des événements traumatiques[2].

Ayant en tête ces différents facteurs, l’employeur aura le devoir de cerner, d’analyser et de prioriser les risques présents au sein de son entreprise, en vue de mettre en place des mesures de prévention de la santé psychologique de ses employé.es et des mesures de correction des risques existants. Ces mesures pourront prendre plusieurs formes, incluant l’élimination à la source, l’adoption de nouveaux processus, la sensibilisation et la formation des employé.es et gestionnaires, la modification des horaires ou des méthodes de travail et l’établissement de politiques concernant l’organisation du travail et l’affectation des tâches.
 

L’obligation des employeurs de prendre en compte les risques psychosociaux dans leurs plans de prévention ou plans d’action entrera en vigueur par règlement, au plus tard d’ici le 6 octobre 2025. Cela dit, les entreprises gagneront à préparer graduellement à la mise en application de ce programme de prévention en modernisant leurs politiques et processus internes dès maintenant et ce afin d’être fins prêtes lorsque l’obligation entrera en vigueur.

Pour plus d’informations sur le Régime intérimaire des mécanismes de prévention et de participation, veuillez consulter cette adresse : https://www.cnesst.gouv.qc.ca/

Risques liés à la violence

Suivant les récents amendements à la LSST, les employeurs, depuis le 6 octobre 2021, ont aussi désormais l’obligation d’offrir une protection à leurs employé.es lorsqu’ils savent ou devraient raisonnablement savoir que leurs employé.es sont exposé.es sur les lieux du travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel.

Cet ajout répond à des enjeux tout à fait contemporains, particulièrement dans la nouvelle réalité pandémique et post pandémique, où plusieurs employé.es exercent leur prestation en télétravail ou en mode hybride. En effet, rappelons que l’employeur a l’obligation d’assurer la santé et sécurité de ses employé.es sur les lieux du travail. Les amendements récents à la LSST et à la LATMP confirment que lorsque les employé.es exercent leur prestation en télétravail, leur domicile est considéré comme leur lieu de travail et les obligations en matière de santé et sécurité s’y appliquent. Ainsi, l’employeur sera tenu de prendre les mesures nécessaires afin de protéger l’employé.e qui est exposé.e à des risques de violence au sein de sa résidence. Dans un contexte de violence conjugale ou familiale, une solution pourrait être d’offrir à l’employé.e un lieu de travail à l’extérieur de son domicile pour assurer sa sécurité.

Arrimage des dispositions concernant les risques psychosociaux et les risques de violence avec les autres dispositions législatives existantes

Les nouvelles dispositions s’ajoutent à celles déjà existantes, notamment en lien avec harcèlement psychologique. Tout.e salarié.e a droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique, et il va de l’obligation de l’employeur de prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique. Lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, l’employeur doit mettre en place les mesures pour la faire cesser. À cette fin, il incombe notamment à l’employeur de rendre disponible à ses salarié.es une politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaintes, incluant un volet concernant les conduites qui se manifestent par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel.[3]

Le harcèlement psychologique fait partie des facteurs de risques psychosociaux qui devront désormais être pris en compte par l’employeur en vertu de la LSST. En cas de non-respect de ces obligations en matière de prévention du harcèlement psychologique, l’employeur s’exposera, non seulement à une plainte vertu de la LNT, mais également à des pénalités et sanctions en vertu de la LSST. L’employé.e victime de harcèlement psychologique pourra désormais faire valoir ses droits à la fois par le biais de la LNT[4] et de la LSST, par exemple en exerçant son droit de refus de travail, mais aussi son droit à des services de formation, d’information et de conseil, et son droit de bénéficier de services de santé préventifs et curatifs[5].

Conseils pratiques

Afin de se conformer aux nouvelles dispositions, il sera nécessaire pour les employeurs de mettre à jour leurs politiques internes et de mettre en place diverses mesures. Voici quelques pistes d’actions :

  • Revoyez vos programmes de prévention en santé et sécurité afin d’y ajouter les nouvelles dimensions des risques psychosociaux et des risques de violence.
  • Prévoyez un système de valorisation des efforts de vos employés.
  • Offrez à vos employé.es la possibilité de réduire leur charge de travail lorsque cela s’avère nécessaire.
  • Offrez de la formation à vos employé.es et aux gestionnaires en prévention des risques psychosociaux (par ex. : ateliers sur la gestion du temps, formation sur la gestion du stress, etc.).
  • Établissez ou bonifiez votre programme d’aide aux employé.es.
  • Mettez en place une politique de retour au travail, de télétravail, et/ou de travail en mode hybride.
  • Communiquez à vos employé.es des ressources à consulter lorsque nécessaire (aide psychologique, ligne d’appel, etc.).

Les entreprises traitent actuellement plusieurs dossiers de front. La diversité, l’équité et l’inclusion de même que la responsabilité sociale des entreprises sont au cœur des conversations quotidiennes qui auront un impact sur les politiques de travail. Les pratiques de prévention des risques psychosociaux et de violence devront aussi être mises en tête de liste des sujets à prioriser par les entreprises. La manière dont ces ajouts seront vérifiés ou le type de déclaration que les entreprises devront transmettre aux instances gouvernementales pour s’assurer qu’elles respectent les normes établies demeurent à préciser, mais pourront vraisemblablement inclure des inspections de la CNESST ou encore un contrôle par l’entremise du comité de santé et sécurité, pour les entreprises ayant l’obligation d’en constituer un. Nous vous recommandons de consulter des professionnels afin de vous assurer que vos politiques et mesures mises en place sont conformes aux dispositions législatives applicables et sont adaptées à vos besoins.


Kariane Lebel, avocate Novalex

Sophie Tremblay, associée et cheffe de l’exploitation, Novalex

  1. Voir https://www.inspq.qc.ca/publications/2373
  2. Voir https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/prevention-securite/organiser-prevention/faire-un-programme-prevention/identifier-risques-dans-milieu-travail
  3. Art. 81.19 LNT.
  4. Les mesures de redressement prévues à l’article 123.15 LNT sont les suivantes, de manière non limitative.
  5. Art. 10 et ss. LSST.