Si 28 % des entreprises avouent ne pas avoir défini d’approche efficace de gestion du changement et de la transformation, un environnement de travail en changement est l’occasion pour les gestionnaires RH de combler les écarts entre la technologie, les personnes et les entreprises.
En tant que CRHA, comment pouvons-nous nous adapter à la transformation de notre organisation? Quelles compétences et quel style de leadership sont nécessaires? Bruno Collet, MBA, conseiller en transformation organisationnelle, leadership et agilité chez Agile Leader Academy, et Nizar Chaari, Ph. D., leader de pratique en transformation organisationnelle au Mouvement Desjardins, expliquent comment opérer une transformation efficace au sein de notre milieu de travail.
Avant toute chose, « changement » et « transformation » sont-ils synonymes? Pas tout à fait! Même si ce sont des mots qui réfèrent à une évolution, le changement se situe dans un continuum et dans la linéarité, alors que la transformation est transversale. Par exemple, le changement dans une organisation pourrait avoir trait à une nouvelle responsabilité pour les personnes occupant un rôle dans la vente, tandis que la transformation pourrait se rapporter à l’entrée de votre organisation dans un nouveau marché. « Le changement et la transformation sont en fait complémentaires », explique Nizar Chaari.
Quel leader être en période de transformation?
« L’effet de levier pour transformer une organisation, c’est à travers le leadership », exprime d’emblée Bruno Collet. S’il insiste comme son collègue sur la complémentarité de la gestion du changement et de celle de la transformation, Bruno Collet estime que la boîte à outils du gestionnaire RH devrait s’adapter au contexte de transformation. C’est le leadership qui va permettre de gérer adéquatement un changement qui s’accélère et qui prend de l’ampleur, soit une transformation.
La première posture d’un ou d’une leader dans un contexte de transformation devrait être le leadership centré sur l’humain. Sa première composante est l’authenticité. La deuxième est l’empathie, soit la capacité à ressentir ce que ressentent les autres. « Attention, ce n’est pas de la sympathie! L’empathie, c’est diriger un de mes employés qui vient de me parler de la difficulté à faire un deuil vers une ressource qui pourra l’aider. La sympathie, c’est pleurer avec lui », différencie Nizar Chaari. La troisième composante du leadership centré sur l’humain est la flexibilité, soit répondre aux besoins de l’autre en matière de conciliation travail-famille ou d’aménagement du temps de travail, par exemple. « Malheureusement, les deux premiers éléments ne sont pas toujours encouragés chez les leaders. Il ne faut pas avoir peur de montrer sa vulnérabilité, c’est une façon d’être authentique et influent », soutient Nizar Chaari
Le leadership situationnel est un autre style particulièrement utile en contexte de transformation, qui permet d’adapter sa gestion sur le plan de la maturité des personnes. « Je peux évaluer cette maturité selon deux composantes : leur engagement, leur niveau de confiance et leurs connaissances et compétences. Il y a une différence entre l’implication et l’engagement, illustre encore Nizar Chaari. On peut déléguer aux personnes engagées, car elles contribuent à la réalisation de la transformation au sein de l’organisation. »
Le leadership est en fait composé de sept stades : l’opportuniste, le conformiste, l’expert, l’accomplisseur, le catalyseur, le transformationnel et le synergiste, dont plusieurs aspects façonnent ensuite le style. Le plus commun de ces stades est celui de l’expert, qui a souvent de la difficulté à faire le deuil de l’expertise, selon Bruno Collet.
Quant aux deux derniers stades de leadership, le transformationnel et le synergiste, ils sont les plus aptes à gérer la transformation. « Les stades ont tous leur raison d’être, et les gestionnaires qui sont à des stades plus élevés peuvent prendre une casquette d’un autre stade selon la situation, explique Bruno Collet. Au sein de l’organisation, on a besoin de tous les profils. »
Les compétences de demain
Avec l’arrivée des nouvelles technologies, nous ne connaissons pas précisément les compétences qui seront nécessaires demain. « Mais, on sait par exemple que les métiers de la donnée vont prendre une place fondamentale. Malgré tout, les compétences relationnelles seront encore plus importantes que les compétences techniques », avance Nizar Chaari.
Selon le Future of Jobs report 2023 du Forum économique mondial, d’ici 2027, 70 % des emplois impliqueront de travailler directement avec des données, tandis que 50 % des compétences de demain seront en lien avec les compétences relationnelles et de gestion.
Selon le même document, les trois compétences les plus recherchées d’ici 2027 seront la créativité, la pensée analytique et la littératie technologique.
Le perfectionnement et la requalification vont donc être des éléments clés pour s’adapter à la transformation des organisations. « Il va falloir apprendre à réapprendre », ajoute Nizar Chaari. « On est ici dans une logique de coresponsabilité de l’organisation et l’individu. L’organisation doit planifier, évaluer, développer et déployer des ressources, alors que l’individu doit faire preuve d’humilité et de curiosité, entre autres », mentionne Nizar Chaari.
Les orientations stratégiques de votre milieu de travail devraient ainsi prendre en considération ces compétences nécessaires, et il vous faudra penser aux façons de les développer à l’interne.
Nizar Chaari rappelle d’ailleurs que l’écosystème des emplois de demain sera influencé par les compétences et les aspirations, dans un contexte où les travailleurs et travailleuses autonomes et les slasheurs et slasheuses (millénariaux qui exercent plusieurs activités à la fois, donc un travail plurifonctionnel) seront en plus grand nombre que la main-d’œuvre traditionnelle.
L’influence des RH
Comme gestionnaire RH, comment faire en sorte d’adapter son recrutement et ses ressources au processus de transformation? Cela devrait se faire non seulement par le biais du recrutement et la définition des métiers, mais aussi par la gestion de la performance.
Sur le plan du recrutement, il est important de penser par exemple à des formes contractuelles autres et de miser sur les valeurs et l’attitude avant les aptitudes, selon les deux spécialistes de la transformation organisationnelle.
Concernant la définition des métiers, une organisation adaptative ferait part d’adéquation entre les compétences et les besoins. « Les pistes qu’on donnerait, ce serait par exemple de mettre un poste de gestion de projet, sans dire exactement ce qu’il y aura comme tâches. Le fait de parler de fonctions plutôt que de rôles et d’objectifs plutôt que de tâches est une stratégie gagnante », fait valoir Bruno Collet. « Certes, on veut des gens qui nous ressemblent, mais on veut aussi des gens qui tirent l’organisation dans une certaine direction, que l’on n’a pas encore aujourd’hui », ajoute quant à lui Nizar Chaari.
Lorsque vient le temps de la gestion de la performance, il est nécessaire de miser sur la motivation intrinsèque des personnes et sur la collaboration. Bruno Collet évoque aussi l’importance d’avoir des résultats qui ne sont pas uniquement à court terme. « On peut aussi penser à récompenser la performance collective et pas seulement individuelle, en offrant par exemple un bonus financier d’équipe », conclut Bruno Collet.