Les enjeux liés à une acquisition sont capitaux pour l’organisation sur tous les plans (capacité financière, stratégie d’affaire et de croissance, réputation, etc.). Une investigation scrupuleuse est donc nécessaire avant de sauter le pas et le service RH est un contributeur de premier plan. Dans un précédent article, nous avons évoqué l’importance d’avoir des experts RH consultés tout au long d’un projet d’acquisition, ainsi que les objectifs d’une revue diligente. Voyons ici quels sont les principaux risques à examiner pour assurer une saine gestion de la transaction.
Alignement RH et stratégie
Il est primordial pour les équipes RH de comprendre les motivations stratégiques à l’initiative d’un projet d’acquisition. Cela leur permettra d’orienter leur investigation sur les potentiels enjeux humains reliés. Sans alignement stratégique, l’analyse RH aura peu de valeur et n’aidera pas la direction à prendre une décision éclairée quant à la pertinence de la transaction.
Exemples :
Objectif stratégique de l’organisation
Enjeux RH
Objectif stratégique de l’organisation :
Augmentation des parts de marché : percer ou consolider sa présence dans un marché/ industrie en particulier
Enjeux RH :
- Transformation organisationnelle
- Rétention d’une masse critique d’employés
- Maintien de l’engagement et de la performance sans interruption de service
- Image de marque employeur et attraction des talents
- Conservation de l’expertise et des compétences clés
Objectif stratégique de l’organisation :
Améliorer l’efficacité et la performance financière en optimisant les coûts commerciaux, administratifs et autres frais généraux
Enjeux RH :
-
Enjeux de capacité organisationnelle et redéploiement de la main-d’œuvre
- Enjeux de restructuration
- Stratégie de transfert des connaissances
- Conformité avec droit du travail applicable
- Gestion des enjeux de relations industrielles
- Réputation employeur
Détermination des coûts RH
Une acquisition est une transaction financière marquante et une part importante de la revue diligente porte sur l’analyse des coûts et opportunités budgétaires. À terme, cela influence les négociations entre vendeur et acquéreur. Il faut donc viser juste et surtout ne pas négliger les coûts liés au capital humain qui peuvent avoir un effet considérable sur le budget d’une transaction, par exemple :
- L’approche de rémunération pour les nouveaux employés : quels programmes de rémunération et à quels coûts pour l’employeur?
- Les indemnités en cas de changement de contrôle (parachutes dorés) figurant dans les contrats de travail
- Les coûts de transition des avantages employeur tels que les plans de pension ou d’assurance
- Les coûts de rétention si l’approche choisie repose sur des incitatifs financiers
- Les coûts de restructuration
- Les coûts liés à des litiges hérités de l’entreprise acquise (santé-sécurité, normes du travail, etc.)
- Les coûts d’intégration (activités d’accueil, évènements de bienvenue, séances de renforcement de l’esprit d’équipe, etc.)
- Les opportunités de consolidation des fournisseurs RH (paie, SIRH, licences externes, etc.)
Compatibilité organisationnelle
Il n’y a pas UNE approche d’intégration unique. Dépendamment de l’objectif stratégique, on voit des compagnies acquises conserver leur organisation d’origine, fusionner pour créer une nouvelle entité, ou s’intégrer complètement dans la structure de l’acquéreur. Quel que soit le modèle choisi, l’objectif en revue diligente est de déterminer si l’organisation cible dispose de la structure et des ressources nécessaires à l’atteinte des objectifs stratégiques. Pour cela, on analysera :
- Le modèle d’affaire de l’organisation et sa façon d’opérer
- Le type de main-d’œuvre, son degré d’expérience et d’expertise
- La localisation de la main-d’œuvre et ses caractéristiques démographiques
Ce bilan en main, il sera ensuite plus facile d’évaluer la compatibilité des deux organisations et l’importance de changements requis pour établir l’organisation future et déterminer :
- Le nouvel organigramme
- Les postes offerts aux employés (nouveaux et existants) dans cette nouvelle structure
- Les rôles, responsabilités et étendues de contrôle de chaque poste
Risques culturels
La culture d’une organisation se définit généralement comme l’ensemble des valeurs et croyances qui influencent le comportement, les attitudes et la façon d’opérer d’une entreprise.
Diverses sources d’informations nous permettent d’évaluer la culture d’une organisation. Au-delà des valeurs affichées qui sont généralement connues, on s’intéressera à la manière de fonctionner de l’organisation grâce à des éléments tels que leurs plans stratégiques et feuilles de route, les politiques et pratiques RH en place, le degré de suivi et de production de rapports en interne ou encore les comptes-rendus des rencontres avec les représentants syndicaux.
Cela nous permettra de recenser les similitudes et écarts entre les deux organisations, car « La fusion de deux entités est un rapprochement qui donne lieu à une configuration organisationnelle où se confrontent les pratiques, les savoir-faire, les systèmes de pouvoir, les valeurs et les croyances.[1] », ce qui peut aboutir à la mise en péril de la transaction au complet. Selon une étude de Bain[2], l’incompatibilité culturelle serait en effet la première cause d’échec des fusions-acquisitions!
Bien reconnaître et mesurer les risques RH en revue diligente est primordial. Au même titre que les enjeux opérationnels, financiers ou légaux, ils peuvent en effet influer sur l’échec ou la réussite d’une transaction.
[1] LAKHDHAR, L., Zaddem, F. (2008). Fusion-acquisition : de la destruction à la création de la valeur. Rôle de la GRH dans l’intégration identitaire (Humaniste et entreprise 2008/1(n°286). https://www.cairn.info/revue-humanisme-et-entreprise-2008-1-page-29.htm
[2] Stafford, D., Miles, L. (2013, 11 décembre). Integrating cultures after a merger. Bain & company. https://www.bain.com/insights/integrating-cultures-after-a-merger/