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Le perfectionnement continu au cœur de la stratégie des entreprises

Le développement continu des compétences du personnel devient la clé de survie des entreprises. Comment s'y préparer?
14 octobre 2025
Rédaction, Carrefour RH

Le développement des compétences n’est désormais plus uniquement l’apanage des ressources humaines; pour porter ses fruits, il doit s’agir d’une priorité stratégique pour la direction des entreprises dans sa globalité. En ce sens, ça s’avère une occasion à saisir pour les organisations, avance Joëlle Charpentier, MBA, CRHA, présidente de Charpentier DO.

« Un contexte jamais vu frappe le marché du travail actuellement, constate la professionnelle des ressources humaines. Le monde du travail est en pleine transformation, en raison de la diversité croissante des travailleurs et de la pénurie de main-d’œuvre, sans compter les avancées technologiques. Pour tirer son épingle du jeu, le développement des compétences est devenu incontournable pour maintenir la compétitivité des entreprises, aussi bien pour leur productivité que pour attirer et retenir des talents. »

Selon des données avancées par l’OCDE, pas moins de 1,1 milliard d’emplois dans le monde seront perturbés au cours des cinq prochaines années, notamment en raison des changements technologiques.

« Ça montre à quel point le besoin de se perfectionner et de se reconvertir va être nécessaire, parce que les changements seront majeurs, avance-t-elle. C’est donc important de rehausser les compétences des employés, mais aussi de s’assurer qu’elles peuvent être transférables pour faciliter la transition entre les postes actuels et futurs. [...] Pour faire face à ces changements, la main-d’œuvre doit être plus agile que jamais, et les organisations l’ont compris. »

Un retard à rattraper

Or, même si cet état de fait semble acquis par une très grande majorité d’organisations, les sociétés canadiennes accusent du retard dans la mise en place de stratégies de développement des compétences.

Une réalité observée par Joëlle Charpentier dans les entreprises qu’elle accompagne, et corroborée par une étude de Mercer datant de 2023. « Je le vois chez des clients; beaucoup de postes sont à pourvoir, et certains employés occupent la charge de travail de deux, voire de trois personnes », souligne la CRHA. « On observe une fatigue chez la main-d’œuvre », ajoute-t-elle.

« C’est sûr que pour pouvoir innover et gagner en efficacité, surtout quand on a moins d’employés disponibles, il faut être en mesure de mettre en place des pratiques agiles qui misent sur les technologies. »

« Pour se donner la capacité d’atteindre ses objectifs d’affaires, l’heure est à développer une culture d’apprentissage qui valorise l’acquisition de compétences sur une base continue et dans une certaine intensité comme partie intégrante de l’ADN de l’organisation et qui inclut l’apprentissage des technologies intelligentes », ajoute la consultante.

Selon une étude de Gallup, les entreprises qui investissent dans le développement des personnes à leur emploi augmentent leur rentabilité de 11 %. Celles qui développent une culture d’apprentissage augmentent leur productivité de 37 % et ont un meilleur taux de recrutement et de rétention de la main-d’œuvre.

Trois priorités à mettre de l’avant

Joëlle Charpentier suggère dans un premier temps aux organisations qui souhaitent miser sur le développement des compétences de prioriser des aspects bien précis, le premier étant de placer le développement de compétences au cœur de leur stratégie d’entreprise.

« Arrimez la formation à vos objectifs d’entreprise : si vous souhaitez croître, quelles compétences seront requises, quelles seraient les formations et les initiatives qui pourraient soutenir cette croissance? » illustre-t-elle. A-t-on besoin de développer l’intelligence émotionnelle, la compréhension du numérique et de l’IA, la pensée créative et la résolution de problème, l’intelligence interculturelle ou la résilience et l’adaptabilité par exemple? Baser l’organisation du travail sur les compétences (skill based organization) plutôt que sur des postes au cadre plus rigide peut aussi être un choix judicieux.

Dans un deuxième temps, recrutez et générez des apprenantes et apprenants experts qui ont la volonté et les compétences nécessaires pour apprendre, qui déterminent des moyens pour enrichir leurs connaissances, qui sont toujours à la recherche de nouveaux défis et de moyens d’améliorer leurs compétences et finalement, qui s’adaptent à un environnement de travail moderne en constante évolution.

Dans un troisième temps, la conseillère recommande de limiter les départs en créant des occasions d’avancement à l’interne et en y arrimant le développement des compétences. « Il faut prévoir des cheminements de carrière en connectant les talents aux occasions disponibles, précise-t-elle. Il est aussi important de s’assurer que ces possibilités sont connues du personnel. Les cheminements de carrière ou la communication de ceux-ci constituent souvent le talon d’Achille des organisations. »

L’apprentissage de l’avenir

L’avenir de la formation continue en milieu de travail se trouve dans la personnalisation de l’offre, compte tenu des profils différents au sein des équipes et des préférences de chaque personne quant aux modes d’apprentissage.

Une chose est certaine, le recours à la technologie est désormais incontournable. L’interactivité des outils de formation et la réponse immédiate font partie des caractéristiques recherchées par les organisations.

Forums interactifs, vidéos et même jeux vidéo sont désormais accessibles pour acquérir de nouvelles aptitudes. « La tendance est aux systèmes de gestion de l’apprentissage ou aux plateformes d’expérience d’apprentissage de type Netflix [à la demande], signifie Joëlle Charpentier. Les contenus sont centralisés et ça permet de déployer efficacement et rapidement une série de formations de qualité, en plus de pouvoir mesurer et suivre l’utilisation qu’en font les employés. »

Si elle a des forces, cette plateforme présente aussi des faiblesses, la première étant qu’elle ne convient pas à tous les profils. « Certains employés peuvent ressentir un manque de soutien dans le transfert des connaissances. Parfois, les employeurs ne dégagent pas assez de temps pour leur permettre de s’approprier les outils et elles n’offrent pas suffisamment d’espaces sécuritaires pour y aller par essais et erreurs, ce qui peut être limitant », indique la conseillère.

Les statistiques démontrent que l’apprentissage par jeu vidéo est un format idéal et apprécié des travailleuses et travailleurs. En effet, les formations en ligne jouissent d’un taux d’achèvement moyen de 25 %, tandis que celles qui sont réalisées sous forme de jeu sont terminées à 94 %.

En fait, les gestionnaires d’organisation allouent généralement moins de 1 % des heures de travail à la formation. Joëlle Charpentier estime que, dans de telles conditions, il est impensable d’implanter durablement une culture d’apprentissage.

Pourtant, la meilleure façon d’acquérir de nouvelles aptitudes est de les mettre en pratique. C’est pourquoi l’apprentissage de l’avenir devra s’effectuer à travers le flux de travail, à son avis.

Un facteur humain

La formation sert également de levier pour développer un sentiment d’appartenance envers l’entreprise et pour consolider les équipes de travail, dans un contexte où le travail à distance fait maintenant partie des mœurs.

« Dans un monde de plus en plus virtuel, ce sont 80 % des entreprises qui veulent davantage focaliser sur l’humain et qui se tournent vers la formation pour y parvenir, poursuit-elle. On est rendus à l’étape d’humaniser les organisations, de trouver un équilibre entre l’humain et les technologies. »

La spécialiste rappelle l’importance des apprenantes et apprenants experts, ces employés toujours en quête de nouvelles connaissances et de défis, qui agissent aussi comme des leaders positifs au sein des équipes de travail.

« Quand on valorise nos apprenants experts, la culture d’apprentissage devient l’épine dorsale de notre stratégie, mentionne Joëlle Charpentier. La quête de sens et la reconnaissance deviennent une motivation pour les travailleurs. »


Rédaction, Carrefour RH

Avis - Ce contenu relève de la responsabilité de son auteur et ne reflète pas nécessairement la position officielle de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.