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Compétences du futur : au-delà des tendances, un retour à l'essentiel

Dans un monde obsédé par les « compétences du futur », voici une proposition pour un retour aux fondamentaux afin de démystifier ce concept et mieux préparer les organisations.
2 janvier 2025

Démystifier les compétences au-delà du buzz

Quand on s'intéresse aux compétences du futur, une rapide recherche sur Internet peut en un rien de temps mener à la confusion. C'est ce constat qui a poussé Françoise Crevier, Ph. D., spécialiste en ingénierie andragogique et stratège en développement de compétences chez Technologia, à proposer une approche simplifiée et pragmatique de la question.

« Quand on cherche sur Internet ce qu'est une compétence du futur, je vous avoue qu'on trouve n'importe quoi », affirme d'emblée Françoise Crevier. Entre les listes gouvernementales, les rapports d'expertise et les tendances du moment, le concept même de compétence se trouve dilué, voire dénaturé.

Retour aux fondamentaux

Pour y voir plus clair, l'experte propose de revenir aux fondamentaux. « Une compétence, c'est quelque chose de très complexe qui prend entre 5 000 et 10 000 heures à développer. Dans une vie professionnelle, on développe entre 5 et 10 compétences, pas plus », explique-t-elle. Cette précision permet déjà d'écarter bon nombre d'éléments souvent présentés à tort comme des compétences.

Une compétence se caractérise par au moins trois aspects essentiels : son envergure, la qualité du livrable qu'elle produit et le temps nécessaire à son développement. Elle s’alimente sur un ensemble de connaissances (savoirs), d'habiletés (savoir-faire) et d'attitudes (savoir-être), mais ne s'active que dans l'action. « La compétence ne vit que dans le temps où elle s'exerce », souligne Françoise Crevier.

Une approche pragmatique centrée sur l'entreprise

Cette clarification conceptuelle permet de faire le tri dans la multitude de soi-disant « compétences du futur ». Sur la cinquantaine d'éléments couramment cités, seuls quelques-uns répondent véritablement aux critères d'une compétence. « Ce n'est pas parce qu'une chose est fondamentale que c'est une compétence », précise l'experte, citant l'exemple de la pensée critique, qui bien qu'essentielle, relève davantage de l'habileté.

Aux organisations, Françoise Crevier recommande une approche centrée sur les besoins propres de l'entreprise plutôt que sur les tendances générales. « Posez-vous la question : de quoi aura besoin mon entreprise dans les deux, trois, cinq prochaines années? N'allez pas plus loin que cinq ans; on ne sait pas ce que sera le futur », conseille-t-elle.

Cette approche permet de déterminer des compétences concrètes et pertinentes, comme la protection contre les cyberattaques ou l'entraînement des systèmes d'intelligence artificielle. « Ce sont des compétences qui sont même déjà presque là », note Françoise Crevier.

Une vision intégrée du développement des talents

L'experte insiste sur l'importance d'une vision holistique du développement organisationnel. « Pour le futur, on aura besoin de connaissances, d'habiletés, d'attitudes, de compétences et de valeurs », explique-t-elle. Cette diversité de « construits cognitifs » permet une approche plus nuancée et efficace du développement des talents.

Cette vision structurée des compétences offre de nombreux avantages pour la gestion des ressources humaines. « Quand vous savez de quelles compétences vous avez besoin, vous pouvez recruter, évaluer la performance des employées et employés, élaborer des plans de formation. Tout devient cohérent autour du concept de compétence », souligne Françoise Crevier.

La spécialiste recommande également une approche systémique, illustrée par un projet réalisé pour l'Agence spatiale canadienne. « On a fait un gigantesque modèle du processus de travail de l’organisation des compétences organisationnelles aux compétences collectives des équipes, jusqu'aux compétences individuelles. C'était extrêmement cohérent », raconte-t-elle.

Optimiser l'apprentissage et l'évaluation

Sur le plan de la formation, Françoise Crevier met en avant l'importance des découvertes en neurosciences pour optimiser l'apprentissage. « Quand on a une formation de deux jours, on essaie de la découper en demi-journées. C'est merveilleux pour ça, la formation à distance, on peut découper facilement », explique-t-elle. Cette approche permet aux connaissances de s'installer durablement : « Le soir, en dormant, le cerveau va effacer des trucs, il va encoder d'autres. Effacer, réactiver, effacer, réactiver, c'est vraiment le chemin de l'apprentissage. »

Pour soutenir le développement des compétences, la modélisation joue un rôle crucial. « Quand on a les compétences, c'est facile d'en faire l'évaluation parce qu'elles sont bien décrites, et clairement étayées », insiste Françoise Crevier. Cette modélisation permet non seulement de créer des formations adaptées, mais aussi de mettre en place de rigoureux systèmes d'évaluation et de certification.

En conclusion, face à l'inflation des « compétences du futur », Françoise Crevier invite à un retour à l'essentiel : une définition rigoureuse des compétences, une analyse précise des besoins organisationnels et une approche globale du développement des talents. « Travaillez toujours avec la pensée de votre entreprise. Cherchez comment faire pour lui donner une plus-value », conseille-t-elle. Cette approche pragmatique permet aux organisations de se concentrer sur l'essentiel : le développement des compétences véritablement nécessaires à leur succès futur.

Ce texte a été rédigé par l'équipe de rédaction du Carrefour RH