Contrôler son taux de cholestérol et aider des employées et employés à développer de nouveaux automatismes en contexte professionnel ont plus en commun qu’on pourrait le penser.
Parlez-en à Jean-Philippe Bradette, CRHA, cofondateur et président d’Apprentx, qui a élaboré une solution pour faciliter l’apprentissage en entreprise. Il a suggéré quelques conseils pour mener à l’adoption de nouveaux comportements à l’occasion du plus récent Rendez-vous Développement des talents, organisé par l’Ordre des CRHA.
Se défaire d’une habitude ou en acquérir une nouvelle ne se fait pas en claquant des doigts. Il faut plutôt faire preuve de constance, de persévérance et même d’un peu de curiosité.
Citant la psychologue américaine Wendy Wood, Jean-Philippe Bradette avance que 43 % de nos comportements quotidiens seraient des habitudes.[1]
« Une habitude, c’est un comportement qui est acquis par la répétition régulière d’une action et qui devient facile, explique le chef d’entreprise. C’est quelque chose qu’on finit par faire automatiquement pour libérer notre cerveau, qu’on exécute sans faire trop d’effort. »
C’est pourquoi il est difficile d’abandonner un mauvais pli : il faut que l’effort à faire pour s’en débarrasser soit inférieur à la « récompense » qu’il y aura en fin de compte. « Prenons certains fumeurs : pour eux, la satisfaction immédiate de leur apport en nicotine est plus grande que l’idée d’être en meilleure santé à long terme », image sans jugement Jean-Philippe Bradette.
Trois composantes
L’idée d’obtenir une gratification est l’une des trois composantes du changement des habitudes, avec un indice de contexte et l’action à implanter ou, dans le cas contraire, à ne plus répéter.
En effet, souligne Jean-Philippe Bradette, c’est cette récompense qui va nous donner le goût de recommencer, d’accomplir de nouveau l’action qui constituera l’habitude.
Enfin, il faut aussi que le changement soit porté par un déclencheur, à savoir un sentiment, un événement, une peur. Le moindre des motifs suffit pour faire œuvre utile. « Notre cerveau a besoin d’indices pour agir », précise le conférencier.
Tenir bon
Bon nombre de personnes qui entreprennent un changement d’habitude finissent par échouer par manque de patience plutôt que par manque de volonté, affirme Jean-Philippe Bradette.
Ces personnes se perdent dans ce qu’il appelle « la vallée de la déception », cette période où les résultats de nos efforts sont peu visibles et, donc, peu encourageants.
« Imaginons que je fais chauffer un bloc de glace, illustre le conférencier. Même si j’augmente la température rapidement, je ne verrai pas la glace fondre tout de suite. Il faudra un certain temps avant de l’apercevoir. C’est la même chose avec les habitudes. Quand on entreprend un changement, celui-ci suit une courbe progressive. Il faut être patient et persévérer. »
Selon des statistiques présentées, il faut entre 18 et 254 jours à une personne pour qu’elle adopte une nouvelle habitude de façon durable; au cours de cette période, c’est environ à la 66e journée que le geste deviendra automatique.[2]
Pour tenir bon, mieux vaut mesurer son progrès et célébrer toutes les victoires, aussi petites soient-elles.
En entreprise
Que ce soit dans notre vie personnelle ou dans le cadre d’un emploi, adopter un nouveau comportement s’effectue de la même manière.
La direction et les ressources humaines peuvent jouer un rôle clé pour soutenir le personnel, à commencer par l’implantation d’un environnement propice au changement des comportements, pour que l’ajout ou le retrait de ceux-ci se fasse agréablement.
Il faut également être persuadé, que ce soit soi-même ou son équipe, de la valeur concrète du changement au bout du compte. « C’est important de comprendre pourquoi on le fait, d’avoir les connaissances et la confiance suffisantes pour être motivé à entreprendre ce changement », précise Jean-Philippe Bradette.
Ce faisant, l’implantation d’intentions peut être une stratégie à mettre en place pour aider le personnel à atteindre ses objectifs, notamment en planifiant des actions adaptées à des situations précises. Selon une étude, 71 % des personnes participantes ayant formulé des intentions d’instauration ont atteint leurs objectifs dans les délais impartis.[3]
Et la formation dans tout ça?
Selon un récent sondage réalisé par Apprentx et portant sur l’évaluation des apprentissages en contexte professionnel, à peine 26 % des personnes répondantes estiment que la formation est un outil stratégique essentiel à la performance organisationnelle.
Cela fait dire à Jean-Philippe Bradette que de « repositionner la formation comme élément central dans la stratégie globale des organisations » est un besoin urgent.
Pour renverser la tendance, l’expert propose trois pistes de solution.
D’abord, se rapprocher des opérations : « Il faut comprendre la performance en faisant le lien entre les comportements attendus et la performance organisationnelle », avance Jean-Philippe Bradette. Ainsi, les efforts de formation auront un effet optimal sur les opérations.
Ensuite, la conception pédagogique doit évoluer vers un rôle de conseil stratégique. « Avec l’intelligence artificielle, il devient de plus en plus facile de créer du contenu, relève Jean-Philippe Bradette. L’accent doit donc porter moins sur la création de contenu, mais davantage sur la valeur apportée aux personnes apprenantes, ce qui implique de diminuer leur surcharge cognitive. »
Enfin, il faut être en mesure de démontrer l’effet des apprentissages pour ancrer l’habitude de se tourner vers la formation. Elle est là, la récompense. « Mesurer les apprentissages est l’outil numéro un pour démontrer la valeur générée par les solutions de développement des compétences et ainsi de prendre des décisions en harmonie avec les priorités stratégiques », soutient Jean-Philippe Bradette.
Références
Clear, J. (2018). Atomic habits: An Easy & Proven Way to Build Good Habits & Break Bad Ones. Avery.
Wood, W. (2019). Good Habits, Bad Habits: The Science of Making Positive Changes That Stick. Farrar Straus and Giroux.
- Wood.W. (2019). Good Habits, Bad Habits: The Science of Making Positive Changes That Stick. FARRAR STRAUS AND GIROUX.
- Lally, P., van Jaarsveld, C.H.M., Potts, H.W.W. and Wardle, J. (2010), How are habits formed: Modelling habit formation in the real world†. Eur. J. Soc. Psychol., 40: 998-1009. https://doi.org/10.1002/ejsp.674
- Gollwitzer, P.M. & Brandstatter, V. (1997). Implementation intentions and effective goal pursuit. Journal of Personality and Social Psychology, 73(1), 186–199. https://doi.org/10.1037/0022-3514.73.1.186