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Guide conformité RH pour les PME - Prévention du harcèlement psychologique

Au Québec, les employeurs doivent se soumettre à plusieurs obligations légales visant à protéger la santé et la sécurité physique et psychologique des employées et employés au travail.

Introduction

Au Québec, les employeurs doivent se soumettre à plusieurs obligations légales visant à protéger la santé et la sécurité physique et psychologique des employées et employés au travail.

L’article 81.19 de la Loi sur les normes du travail attribue aux travailleuses et travailleurs le droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique et impose l’obligation à l’employeur « de prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser ».[1]

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Définition du harcèlement psychologique

La loi définit le harcèlement psychologique comme étant « une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique de la personne salariée et qui entraîne, pour celle-ci, un milieu de travail néfaste. Pour plus de précisions, le harcèlement psychologique comprend une telle conduite lorsqu’elle se manifeste par de telles paroles, de tels actes ou de tels gestes à caractère sexuel. Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié. »[2]

Fait à noter : le harcèlement discriminatoire fondé sur l’un ou l’autre des motifs énumérés dans l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne et le cyberharcèlement peuvent aussi constituer du harcèlement psychologique.

Remarquons que cinq éléments sont cités dans la définition de harcèlement psychologique. Pour conclure en du harcèlement psychologique, il est nécessaire que ces cinq éléments soient présents. Voyons plus en détail, chacune de ces conditions afin de mieux les comprendre.

» » Élément important nécessitant une attention particulière

L’intention de la personne mise en cause (c.-à-d. : la personne accusée d’avoir harcelé) n’est pas déterminante pour constater s’il y a eu ou non harcèlement au sens de la loi. Ce sont les effets générés chez la victime présumée qui sont un des principaux indicateurs. Bref, même si la personne n’avait pas l’intention de blesser son collègue, il est possible que selon la nature, l’intensité et la récurrence du comportement cela réponde à la définition de harcèlement.

» » Élément important nécessitant une attention particulière

Le harcèlement psychologique peut être fait par des collègues, des gestionnaires, des subalternes ou d’interventions externes à l’entreprise (par exemple : clientèle, fournisseurs, etc.). Les mesures de prévention et d’intervention de l’employeur doivent donc prendre en compte toutes ces possibilités.

Conduite vexatoire

Cette conduite est humiliante, offensante ou abusive pour la personne qui la subit. Elle blesse la personne dans son amour-propre et la contrarie. La conduite vexatoire renvoie donc à l'effet causé sur la victime, voire aux conséquences psychologiques qui en découlent pour celle-ci, et ce, sans égard à l'intention de la personne qui la harcèle[3].

Répétition

Pour qu’il y ait harcèlement, il doit y avoir une notion de répétition. Il peut arriver que de façon isolée, une parole, un geste ou un comportement puisse sembler anodin et sans conséquence. Cependant, l’accumulation ou l’ensemble de ces conduites peut devenir du harcèlement lorsqu’il y a récurrence. Par ailleurs, un acte grave peut être considéré comme étant du harcèlement même s’il ne survient qu’une seule fois (par exemple : agression physique, sexuelle ou viol, menaces graves, violence, etc.).

Hostile ou non désiré

Les paroles, les gestes ou les comportements reprochés doivent être perçus comme hostiles ou non désirés. Un comportement hostile est celui qui se manifeste notamment de façon agressive, adverse, défavorable ou belliqueuse. Par ailleurs, les gestes reprochés doivent pouvoir être objectivement perçus comme non désirés. Il importe de souligner que la victime de harcèlement n'a pas à faire part verbalement de son refus ou de son désaccord devant la conduite, celui-ci pouvant, compte tenu du contexte, être implicite[4].

Atteinte à la dignité ou à l’intégrité

Il est évident que le harcèlement psychologique ou sexuel a des conséquences négatives sur la personne. La victime peut se sentir diminuée, dévalorisée, dénigrée sur le plan tant personnel que professionnel. La santé psychologique et même physique de la personne harcelée peut également en souffrir.

Milieu de travail néfaste

Il s'agit d'un environnement qui empêche la personne en emploi de réaliser pleinement et sainement les compétences et les objectifs liés à son travail, et que la jurisprudence qualifie de nuisible, malsain, dommageable, ou encore de psychologiquement défavorable[5]. La victime peut, par exemple, être isolée de ses collègues à cause de paroles, de gestes ou de comportements hostiles à son endroit ou à son sujet. Elle peut se sentir mal à l’aise sur les lieux du travail, souffrir d’anxiété, de dépression, avoir des maux physiques, du mal à dormir; c’est ce qu’on entend par un milieu de travail néfaste. Souvent, tant la personne victime que les collègues mentionnent que la situation nuit au climat de travail.

Obligations de l’employeur

  • Offrir aux employées et employés un milieu de travail exempt de harcèlement;
  • Se doter d’une politique de prévention du harcèlement psychologique et sexuel et du traitement des plaintes;
  • Diffuser la politique à l’ensemble du personnel;
  • Prendre les moyens nécessaires pour prévenir le harcèlement psychologique et le faire cesser lorsque cela est porté à sa connaissance.[6]

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La politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique

Tout employeur a l’obligation d’adopter et de rendre disponible au sein de son entreprise une politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique. À compter du 27 septembre 2024, voici les éléments que la politique doit notamment inclure [7] :

  • les méthodes et les techniques utilisées pour reconnaître, contrôler et éliminer les risques de harcèlement psychologique, incluant un volet concernant les conduites qui se manifestent par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel;
  • les programmes d’information et de formation pertinents en matière de prévention du harcèlement psychologique qui sont offerts aux personnes salariées ainsi qu'aux personnes désignées par l'employeur pour la prise en charge d'une plainte ou d'un signalement;
  • les recommandations concernant les conduites à adopter lors de la participation aux activités sociales liées au travail;
  • les modalités applicables pour déposer une plainte ou faire un signalement à l’employeur ou pour lui fournir un renseignement ou un document, la personne désignée pour en prendre charge ainsi que l’information sur le suivi qui doit être donné par l’employeur;
  • le processus de prise en charge d’une situation de harcèlement psychologique, incluant le processus applicable lors de la tenue d’une enquête par l’employeur;
  • les mesures visant à protéger les personnes concernées par une situation de harcèlement psychologique et celles qui ont collaboré au traitement d’une plainte ou d’un signalement portant sur une telle situation;
  • les mesures visant à assurer la confidentialité d’une plainte, d’un signalement, d’un renseignement ou d’un document reçu;
  • le délai de conservation des documents faits ou obtenus dans le cadre de la prise en charge d’une situation de harcèlement psychologique, lequel doit être d’au moins deux ans.

À compter du 1er octobre 2025, lors de l’élaboration d’un programme de prévention ou d’un plan d’action en vertu de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, les employeurs devront inclure la politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique. La détermination des risques psychosociaux devra considérer les risques liés à la violence à caractère sexuel.

Au-delà de la législation, se doter d’une politique claire en matière de harcèlement psychologique et assurer son respect par l’ensemble de son personnel, confèrent de réels avantages à l’employeur :

  • En favorisant la rétention en emploi des travailleuses et travailleurs;
  • En soutenant le moral des employées et employés qui se sentent appréciés;
  • En réduisant l’absentéisme;
  • En renforçant la culture et la réputation de l’entreprise;
  • En augmentant la performance au travail de tous les membres de l’équipe.[8]

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Prévenir le harcèlement psychologique

» » Bonne pratique de gestion

Pour prévenir efficacement le harcèlement psychologique, l’employeur doit former et sensibiliser ses employées et employés sur le sujet. Le harcèlement psychologique, l’intimidation et l’incivilité ne doivent pas être des sujets tabous.

L’employeur peut, par exemple, se doter d’un code de conduite. Ce code définit les comportements et attitudes qui sont ou non acceptables dans le quotidien des relations au travail.

Les gestionnaires ont un rôle de premier plan à jouer en matière de prévention du harcèlement psychologique. Elles et ils doivent faire preuve de courage managérial et intervenir sans délai lorsqu’une situation problématique ou conflictuelle survient. Penser qu’un conflit entre deux collègues se réglera par lui-même ou demander aux parties impliquées de régler ça entre elles, sans faire de suivis, ne mènera à rien. Dans tous les cas, cela risque seulement d’aggraver la situation et d’assister à une escalade du conflit. Il revient donc à la ou au gestionnaire d’accompagner les employées et employés dans le règlement de leurs différends, même s’ils semblent mineurs.

Voici quelques exemples d’outils concrets qu’un employeur peut mettre en place pour prévenir le harcèlement psychologique dans son organisation :

  • Veiller à l’application et au respect de la politique de prévention du harcèlement;
  • Former les employées et employés en la matière;
  • Former les gestionnaires sur l’intervention en gestion de conflits;
  • Créer un code de conduite ou un code de civilité;
  • Assurer une saine gestion des ressources humaines (organisation du travail, pratiques de gestion, bien-être des employées et employés, etc.);
  • Appliquer la tolérance zéro en cas de comportements pouvant constituer du harcèlement ou en cas de comportements violents.

Pour se démarquer et affirmer son engagement envers le bien-être de personnes à son emploi, un employeur peut, volontairement, se soumettre aux normes de pratiques « Entreprise en santé ». Décernée par le Bureau de normalisation du Québec (BNQ), la norme Entreprise en santé atteste que l’employeur est engagé dans la prévention, la promotion et l’usage de pratiques organisationnelles favorables à la santé et au mieux-être en milieu de travail.

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Faire la différence entre un conflit et du harcèlement psychologique

Dans un conflit, l’objet est une mésentente qui porte sur des opinions, des perceptions, des points de vue différents, bref, une confrontation d’idées opposées. Il y a deux ou plusieurs parties qui sont concernées et actives dans le conflit. Les conflits sont normaux et inévitables; ils peuvent même, lorsqu’ils sont bien gérés et réglés, être utiles puisqu’ils mèneront à un avancement ou à un changement positif. Dans un cas de harcèlement, la dynamique est complètement différente puisque l'une des parties (la victime) subit la situation, mais n'y participe pas activement. De plus, dans un conflit, la communication est plus ouverte, plus explicite, et les reproches sont directs, tandis que dans un cas de harcèlement, il y a souvent du « non-dit »[9].

Exemples de ce qui pourrait être considéré comme du harcèlement psychologique :

  • Empêcher une personne de s’exprimer : dans une réunion par exemple, ne jamais laisser la parole à quelqu’un qui veut intervenir. L’ignorer. Ce pourrait aussi être de réduire quelqu’un au silence contre sa volonté par exemple, en proférant des menaces.
  • Isoler une personne : prenons par exemple des collègues qui vont tous dîner ensemble chaque vendredi sans inviter une personne de l’équipe qui se retrouve à manger toute seule parce qu’on ne veut pas l’inclure ou l’intégrer dans le groupe. Il peut aussi s’agir de médire contre quelqu’un ou d’inventer des histoires à son sujet faisant en sorte que plus personne ne veuille lui parler.
  • Déconsidérer une personne : c’est d’atteindre quelqu’un dans son amour-propre. La déprécier à ses yeux et aux yeux des autres. Lui faire sentir la honte.
  • Discréditer une personne : faire sentir une personne comme étant inférieure. L’humilier. Lui faire perdre son autorité, son prestige, sa valeur ou son influence aux yeux des autres.
  • Déstabiliser une personne : faire de l’intimidation, menacer ou faire peur. Insulter. Se servir de la vulnérabilité d’une personne pour la taquiner. Cela peut être fait par une seule personne ou par un groupe.
  • Abuser de son pouvoir : affecter une personne à des tâches dégradantes, modifier son horaire de travail, lui faire la vie dure, être constamment sur son dos. Exemple : une ou un gestionnaire qui tenterait de mettre à bout son subalterne afin que la personne démissionne de l’entreprise (congédiement déguisé).
  • Blagues de mauvais goût : faire des blagues plus ou moins drôles qui sont répétées et faites devant les autres pour dénigrer ou diminuer quelqu’un au sein du groupe.
  • Menacer ou agresser une personne : dans un tel cas, puisqu’il s’agit d’un comportement grave, un seul geste constitue du harcèlement psychologique.

Voyons maintenant des exemples de ce qui, en principe, ne constitue pas du harcèlement psychologique, mais qui comportent toutefois des facteurs de risque nécessitant qu’on s’y intéresse de façon proactive :

  • Droit de gestion
    • L’horaire de travail de35 heures passera à 37,5 heures par semaine.
    • Pour des raisons financières, aucune augmentation de salaire ne sera versée à l’ensemble du personnel.
    • Dans le cadre d’une restructuration organisationnelle, on abolit un poste et on propose à la personne titulaire un poste avec moins de responsabilités et un salaire moins élevé.
    • Une ou un gestionnaire rencontre régulièrement une ou un employé pour faire état d’où il en est dans la rencontre de ses objectifs.
  • Conflits de travail
    • Deux collègues ne s’entendent pas bien et se disputent souvent.
    • Il y a souvent des tensions entre le service des ventes et les opérations à cause d’un manque de communication et souvent le ton monte et les gens sont frustrés.
  • Stress lié au travail
    • La personne aux ventes a des objectifs agressifs à atteindre.
    • La personne responsable du traitement des plaintes au service à la clientèle se dit stressée par le fait de devoir composer chaque jour avec une clientèle frustrée et mécontente.
    • La personne responsable de la gestion d’événements doit faire face à de multiples échéanciers et imprévus dans le cadre de son travail.
  • Conditions de travail et contraintes professionnelles difficiles
    • L’horaire de travail d’une personne à l’emploi comprend tous les soirs et toutes les fins de semaine.
    • Des personnes à l’emploi doivent faire des heures supplémentaires obligatoires lors d’une période de pointe.
    • Dans le cadre de son travail, une personne transige régulièrement avec des clientes ou clients qui pleurent au téléphone.
    • La personne responsable du recouvrement se fait engueuler et traiter de voleuse par la clientèle qu’elle contacte.

    En bref, lorsqu’elles sont justifiables sur le plan de l’organisation du travail et n’affectent pas le personnel de façon arbitraire, les conditions de travail ne constituent pas du harcèlement psychologique.

  • Le changement
    • L’implantation d’un nouveau système informatique complexe
    • Les difficultés pour une personne de s’adapter au changement
  • L’incivilité
    • Le manque de savoir-vivre ou de politesse
    • Une blague de mauvais goût

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