Intitulé
Syndicat des employées et employés professionnels-les de bureau, section locale 571 (SEPB-FTQ) et Autorité des marchés financiers (Frédérique Dumas-Joyal), 2025 QCTA 355
Juridiction
Tribunal d'arbitrage (T.A.)
Type d'action
Accueillies en partie; le grief est rejeté. Réclamation de dommages-intérêts. Accueillie; le Tribunal réserve sa compétence quant au quantum.
Décision de
Me André G. Lavoie, arbitre
Date
14 août 2025
La plaignante occupait auprès de l'Autorité des marchés financiers le poste d'avocate surnuméraire. Elle a été congédiée durant sa période d'essai à la suite de la publication sur Internet et dans les médias d'une vidéo où on peut la voir arborant une petite culotte à la place d'un masque sanitaire et en raison de son association à un scandale lié au non-respect des mesures sanitaires décrétées durant la pandémie de la COVID-19. L'employeur soutient qu'elle n'est pas visée par la convention collective puisqu'elle n'était pas inscrite au tableau de l'Ordre professionnel des avocats du Québec. Il fait également valoir qu'elle ne pouvait formuler de grief, compte tenu de son statut de juriste surnuméraire en période d'essai. Le syndicat allègue que, faute de lien entre la conduite de la plaignante et son emploi, la décision de l'employeur était abusive et arbitraire. Si le Tribunal en venait à conclure à l'existence d'une faute, le syndicat fait valoir que celle-ci ne justifiait pas un congédiement. Enfin, il réclame des dommagesintérêts, reprochant à l'employeur d'avoir divulgué erronément l'information relative au congédiement de la plaignante aux médias et d'avoir, de ce fait, fait son enquête d'une manière peu soignée.
Décision
Il est vrai que l'application de la convention a pour prémisse que les salariés y étant assujettis sont des juristes, soit des avocats ou des notaires. Cependant, les parties ont toujours considéré que la plaignante était avocate et l'absence d'inscription à ce titre découle d'un imbroglio relativement au paiement de la cotisation. Dans un tel contexte, la plaignante pouvait déposer un grief. Le second moyen préliminaire de l'employeur doit cependant être accueilli. La convention ne donne pas droit à la procédure de grief à un juriste surnuméraire qui est congédié lors de sa période d'essai. Le Tribunal doit déterminer si la décision de l'employeur était arbitraire, abusive ou déraisonnable. Ce n'est pas le cas. S'il est vrai qu'il n'existe pas de lien entre le geste commis et l'employeur, la portée de celui-ci, dans le contexte d'un voyage hautement médiatisé, a fait en sorte de mettre la plaignante à l'avant-plan, mais également sa profession et son employeur. Dans un tel contexte, l'employeur avait raison de croire que son image et sa réputation étaient en péril et d'en faire un motif de congédiement. Par ailleurs, la plaignante était en début de carrière et avait toute sa crédibilité à bâtir auprès des personnes qu'elle conseille. Le Tribunal n'arrive pas à croire que l'image qu'elle a projetée d'elle-même lui permettrait de gagner la contenance nécessaire à l'accomplissement des mandats qui lui sont confiés. Alors que son rôle d'avocate est de conseiller et de faire respecter les règles, elle a laissé entendre par sa conduite qu'elle avait peu de respect envers les consignes sanitaires qui avaient cours au Québec. Ainsi, le motif invoqué par l'employeur selon lequel le comportement de la plaignante était incompatible avec son rôle d'avocate est bien réel et non abusif dans les circonstances. Par ailleurs, le Tribunal doit donner raison au syndicat sur la question des dommages. L'employeur ne s'est pas conduit de manière prudente et diligente en informant un journaliste du congédiement de la plaignante. Il ne pouvait le faire sans vérification préalable et avant que la plaignante ne soit rencontrée et que les ressources humaines aient joué leur rôle. Quant au préjudice, il paraît évident qu'apprendre par ses proches, alors qu'on se trouve dans un pays étranger, qu'on a perdu son emploi constitue une situation troublante et stressante qui mérite compensation.