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Rupture de contrat et préavis

La réclamation de la demanderesse est rejetée puisque les défendeurs, des travailleurs migrants, lui ont offert des préavis raisonnables avant de démissionner.
19 mars 2025

Intitulé

Amec Usinage inc. c. Lima, 2024 QCCQ 7166

Juridiction

Cour du Québec, Chambre civile (C.Q.), Québec

Type d'action

Demande en réclamation de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail. Rejetée. Demandes reconventionnelles. Accueillies en partie.

Décision de

Juge Christian Brunelle

Date

18 octobre 2024


La demanderesse reproche aux défendeurs, des travailleurs migrants qu'elle avait embauchés à titre de machinistes, d'avoir démissionné sans préavis. Elle leur réclame respectivement 49 600 $ et 52 604 $. Estimant ces réclamations non fondées, les défendeurs réclament chacun la somme de 20 000 $ pour troubles et inconvénients de même que le remboursement des honoraires extrajudiciaires qu'ils ont dû engager.

Décision

Le fait que le Canada n'ait pas encore ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille — faisant de celle-ci une «source non contraignante» sur le plan juridique — ne sape pas complètement sa «valeur persuasive». On ne saurait sous-estimer l'ampleur des difficultés qu'exige, pour le travailleur qualifié soucieux d'améliorer sa condition et celle de sa famille, le choix de quitter sa terre natale et son foyer, de différer ainsi le plein épanouissement de ses liens affectifs et amicaux, et ce, à la faveur d'une entreprise établie dans un pays éloigné où la culture, la langue, le climat, l'environnement et le système juridique lui sont complètement étrangers. C'est ainsi que cet isolement géographique à des fins de subsistance s'accompagne d'une vulnérabilité souvent aggravée par les barrières culturelle et linguistique ainsi qu'une méconnaissance de ses droits. Cette vulnérabilité est encore plus grande quand le permis de travail «fermé» accordé par le pays d'accueil autorise le migrant à travailler seulement pour l'employeur désigné, sans égard à la «liberté de travail» pourtant reconnue à tout être humain. En l'espèce, il paraît nettement exagéré de soutenir que les défendeurs occupaient un poste stratégique ou critique dans l'entreprise. De plus, ils n'étaient pas en mesure de bien comprendre la portée de la disposition contractuelle fixant leur rémunération. De toute façon, l'employeur doit s'assurer que «les conditions de travail qui sont offertes à l'étranger satisfont aux normes canadiennes généralement acceptées» (note 78). Par ailleurs, la revendication d'un délai de congé de 8 semaines par l'employeur est à ce point en marge de la jurisprudence pertinente que l'exagération qui s'en dégage constitue, pour ainsi dire, une forme d'intimidation financière. Le délai de 9 jours donné par l'un des défendeurs se situe dans les limites du raisonnable, d'autant plus que ce dernier détenait un motif sérieux de résilier son contrat de travail sans préavis, soit l'omission de l'employeur de régulariser sa situation salariale. Quant au second défendeur, tout indique que l'employeur a consenti à ce que le préavis n'excède pas 2 jours. Les réclamations de l'employeur sont également déficientes au regard du préjudice allégué. De toute évidence, l'employeur a voulu sanctionner l'exercice par les défendeurs de leur liberté de travail et de leurs droits en usant de diverses menaces et représailles, lesquelles ont culminé en un abus de droit ainsi qu'en un abus du droit d'ester en justice. La somme de 7 500 $ est accordée à chacun des défendeurs, en plus du remboursement des honoraires extrajudiciaires engagés par l'un d'eux, l'autre ayant omis d'administrer une preuve à cet égard.