Intitulé
Singh et Opal-RT Technologies inc., 2024 QCTAT 4306
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division de la santé et de la sécurité du travail (T.A.T.), Montréal
Type d'action
Contestation par le travailleur d'une décision ayant déclaré qu'il n'avait pas subi de lésion professionnelle. Contestation accueillie.
Décision de
Marie-Claude Pilon, juge administrative
Date
27 novembre 2024
En 2018, le travailleur, un spécialiste en modélisation et en simulation électrique, a été congédié. Le TAT a rendu des décisions ayant annulé son congédiement et ordonné sa réintégration. Le travailleur a produit une réclamation pour un diagnostic de trouble de l'adaptation avec humeur anxio-dépressive, qu'il attribuait à l'attitude de l'employeur à la suite de son retour au travail, à la fin de décembre 2021. La CNESST a refusé sa réclamation. L'instance de révision a confirmé cette décision.
Décision
Le travailleur a subi un accident du travail. Certains des événements survenus débordent le cadre normal du travail et présentent un caractère objectivement particulier, singulier, anormal ou inhabituel. En outre, ils sont survenus par le fait ou à l'occasion du travail. Les agissements de l'employeur, sous le couvert du simple exercice des droits de la direction, paraissent abusifs, sinon à tout le moins déraisonnables ou irrationnels, compte tenu des circonstances. Les situations rapportées par le travailleur, qui n'ont pas été contredites, ne constituent pas des problèmes normaux de relations du travail. Ils trahissent ni plus ni moins le mécontentement de l'employeur, lequel s'est vu «forcé» de réintégrer un employé, alors qu'il s'était départi de ses services 3 ans auparavant. La modification du contrat de travail, soit l'ajout d'exigences professionnelles que le travailleur ne remplissait pas, et ce, dans le contexte où il n'avait pas été en mesure de garder actives ses compétences professionnelles entre 2018 et 2021, est pour le moins incompréhensible. Combiné au fait que l'employeur a refusé d'accorder au travailleur la formation que ce dernier requérait, le dirigeant simplement vers le manuel de l'entreprise, cela témoigne d'une absence d'équité. Il n'est donc guère surprenant que, aux yeux de l'employeur, le rendement du travailleur puisse avoir été insuffisant, celui-ci se voyant refuser les outils nécessaires à l'accomplissement de ses tâches. L'employeur n'a démontré aucune ouverture à aider son employé afin qu'il optimise ses compétences et sa productivité au travail. Cette fermeture ne peut être liée au bon fonctionnement de l'entreprise, d'autant moins que, afin de s'opposer à la réintégration du travailleur, l'employeur avait allégué devant le TAT que, «depuis son départ de l'entreprise en 2018, celui-ci n'[avait] acquis aucune expérience professionnelle». Par ailleurs, il n'appartient pas au Tribunal d'établir la justesse des notes attribuées dans les évaluations de rendement du travailleur. Cependant, force est de constater que la première rencontre, tenue en janvier 2022, alors que 5 représentants de l'employeur étaient présents, est à l'antithèse d'un droit de direction exercé de façon rationnelle et déborde les aléas normaux du marché du travail. Il en va de même des exemples quant aux notes déficientes accordées au travailleur qui font référence à des situations survenues après cette évaluation. Le travailleur a démontré de façon prépondérante la survenance d'un événement imprévu et soudain par le fait ou à l'occasion du travail.
Le lien de causalité entre la maladie diagnostiquée chez le travailleur et les événements survenus au travail a été démontré. Ce sont ces événements qui ont entraîné la consultation médicale d'avril 2022, puis l'arrêt de travail et la réclamation auprès de la CNESST. Par conséquent, le travailleur a subi une lésion professionnelle.