Intitulé
Thivierge c. Ourdissage Mayfield inc., 2024 QCTAT 4232
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Montérégie
Type d'action
Plaintes en vertu des articles 123.6 et 124 de la Loi sur les normes du travail pour harcèlement psychologique et à l'encontre d'un congédiement — rejetées.
Décision de
François Caron, juge administratif
Date
25 novembre 2024
Décision
Le plaignant occupait le poste d'encolleur chez l'employeur, lequel exploite une entreprise effectuant de l'ourdissage — il soutient que la dispute physique et verbale qu'il a eue avec un collègue constitue une conduite vexatoire grave, laquelle s'apparente à du harcèlement psychologique — il prétend également avoir été congédié sans cause juste et suffisante à la suite de cet événement — l'employeur nie que le plaignant a été victime d'une conduite vexatoire grave puisqu'il était l'instigateur de la querelle ou à l'origine de celle-ci — il soutient que les manquements disciplinaires reprochés au plaignant étaient suffisamment graves pour justifier un congédiement immédiat — la version relatée par le collègue du plaignant présente une force probante plus grande — bien que la dispute ait été particulièrement violente, tant physiquement que verbalement, le plaignant n'en a pas été victime — il n'a pas subi une conduite vexatoire grave puisqu'il a pris part à la dispute — à aucun moment il n'a nié s'en être pris physiquement à son collègue et l'avoir menacé de mort — la violence dont il a fait preuve envers son collègue ne peut être considérée comme de la légitime défense — en faisant usage d'une arme à l'endroit d'une personne qui n'est pas armée, le plaignant a déployé une force qui allait bien au-delà de celle nécessaire pour repousser son collègue, à supposer que l'on retienne sa position selon laquelle il s'est défendu, ce qui n'est manifestement pas ce que révèle la preuve — le plaignant a failli à établir qu'il avait été victime de harcèlement psychologique.
Par ailleurs, l'employeur n'aurait rien appris de plus en menant une enquête — les versions des faits des protagonistes sont contradictoires — ce qui est certain, toutefois, c'est que le plaignant a eu un comportement violent, tant physiquement que verbalement, puisqu'il a menacé de mort son collègue devant plusieurs témoins — l'employeur savait que le plaignant avait des ciseaux dans les mains pendant la bagarre et qu'il les avait utilisés comme une arme à l'endroit de son collègue, lequel s'en est plaint par la suite au directeur — il est improbable que l'employeur ait pu conclure, même en retenant la version des faits du plaignant, que celui-ci avait fait usage de la force dans un contexte de légitime défense — le reproche du plaignant voulant que l'employeur n'ait pas respecté les principes de l'équité procédurale en matière disciplinaire en ne menant pas une enquête sérieuse avant de procéder à son congédiement est non fondé — comme l'a indiqué le TAT dans Masse c. Contrôles Laurentide ltée (T.A.T., 2024-11-12), 2024 QCTAT 4063, SOQUIJ AZ-52071829, c'est une erreur de croire qu'un employeur doit respecter de telles exigences lorsqu'il exerce son rôle de gestion et de discipline — l'argument selon lequel l'usage excessif de la force par le plaignant ne fait pas obstacle à sa prétention que le congédiement constituait une sanction disproportionnée ne peut être retenu — l'usage excessif de la force dénote manifestement une «certaine intention de faire mal ou tout au moins une témérité ou une négligence grossière quant aux conséquences de la riposte physique» — il est vrai que l'employeur ne tenait pas de dossiers disciplinaires de ses salariés à cette époque et que le suivi qu'il faisait en cette matière était pour le moins lacunaire — l'absence d'un système organisé de tenue de dossiers ou d'un support pour colliger ces informations ne rend toutefois pas caduque le passé disciplinaire du plaignant et ne l'efface en rien — l'employeur a imposé des mesures disciplinaires au plaignant, soit des suspensions, à plusieurs reprises en raison de ses crises de colère et des menaces faites à l'endroit de collègues — dans le présent dossier, les facteurs aggravants l'emportent sur les facteurs atténuants — ce qui retient l'attention, c'est la récurrence d'un comportement de même nature qui a entraîné plusieurs sanctions disciplinaires et l'absence non équivoque de volonté de reconnaître ses torts afin de ne pas reproduire la même conduite violente en milieu de travail — il s'agit d'un manquement objectivement grave — le congédiement imposé au plaignant ne représente pas une sanction disproportionnée et résulte d'une cause juste et suffisante.