livres-electroniques / le-harcelement

Le harcèlement sexuel

Chapitre IV
  1. Au Québec, à quelle époque le harcèlement sexuel a-t-il été reconnu comme constituant du harcèlement psychologique ?
  2. Pourquoi le harcèlement sexuel est-il devenu un phénomène d’actualité si présent dans notre société ?
  3. Qui a droit à la protection en cas de harcèlement sexuel ?
  4. Le salarié qui veut déposer une plainte de harcèlement sexuel doit s’adresser à qui ?
  5. Quels sont les éléments que doit prouver la victime en matière de harcèlement sexuel ?
  6. Concrètement, qu’est-ce que le harcèlement sexuel et comment le reconnaître ?
  7. Comment évalue-t-on le caractère de l’acte non désiré ?
  8. Comment interprète-t-on la notion de « qui se manifeste de façon répétée » ?
  9. Comment évalue-t-on la question de la notion de ce qui  a des  conséquences néfastes pour  la  victime ?
  10. Comment évaluer la question du consentement de la personne concernée ?
  11. Quelle forme peut prendre le harcèlement sexuel ?
  12. Comment se manifeste le harcèlement sexuel au travail ?
  13. Est-ce que le harcèlement sexuel doit se produire sur les lieux du travail pour être reconnu comme tel ?
  14. Comment peut-on reconnaître le harcèlement sexuel ?
  15. À quel moment le harcèlement sexuel au travail bascule dans une autre catégorie ?
  16. Quelles sont les obligations de l’employeur en lien avec le harcèlement sexuel au travail ?
  17. Quelles sont les responsabilités de l’employeur concernant la prévention du harcèlement sexuel au travail ?
  18. Est-ce que l’employeur est responsable de la conduite des clients, ou d’un tiers, qui harcèlent un salarié pendant les heures de travail ?
  19. Lorsque l’employeur a un doute qu’il se produit du harcèlement sexuel au travail doit-il agir sans délai ?
  20. Si une personne est témoin de harcèlement sexuel au travail et qu’elle ne dénonce pas la situation, est-ce qu’elle est complice ?
  21. Qui peut et comment prévenir le harcèlement sexuel au travail ?
  22. Qu’est-ce que le cyberharcèlement sexuel ou la cyberintimidation sexuelle ?
  23. Que peut faire l’employeur dans le cas du cyberharcèlement sexuel ou de la cyberintimidation sexuelle ?
  24. Est-ce que l’employeur peut appliquer une sanction, imposer une mesure de représailles, ou encore congédier un salarié qui a déposé une plainte en harcèlement sexuel ?
  25. Qu’est-ce que le salarié peut faire s’il se croit victime de harcèlement sexuel au travail ?
  26. Que faut-il faire si la personne visée par la plainte de harcèlement sexuel et la victime ont été (ou sont encore) dans une relation intime ou conjugale ?
  27. Est-ce qu’il est préférable en premier lieu pour le salarié de dénoncer la situation sur la place publique s’il se croit victime de harcèlement sexuel au travail ?
  28. Est-ce que le fait de dénoncer la situation sur la place publique, si le salarié se croit victime de harcèlement sexuel au travail, peut constituer de la diffamation ? 
  29. Quelles pourraient être les différentes conséquences pour la personne qui harcèle ?
  30. Quelle est la sanction disciplinaire appropriée à imposer dans le cas de harcèlement sexuel au travail ?
  31. Quels sont les différents recours qui sont au bénéfice de la victime en cas de harcèlement sexuel au travail ?
  32. Quels sont les exemples de cas d’application constituant du harcèlement sexuel au travail ?

4.1 Au Québec, à quelle époque le harcèlement sexuel a-t-il été reconnu comme constituant du harcèlement psychologique ?

Bien avant la modification de la loi au Québec en 2018, les tribunaux avaient déjà reconnu que le harcèlement sexuel constituait une forme de harcèlement psychologique au sens des dispositions de la loi. Cette reconnaissance s’est faite de façon progressive, en premier lieu par les tribunaux, puis, par la législation, et enfin par la sanction juridique. Le harcèlement sexuel constitue donc depuis fort longtemps, soit depuis les années 1980-1990, une forme de harcèlement psychologique au sens des dispositions de la loi.

Donc, au Québec, avant 2018, la protection n’était pas prévue à même la loi, mais le harcèlement sexuel constituait alors, selon la jurisprudence applicable, une forme de harcèlement psychologique au sens de loi. En incluant dans la Loi sur les normes du travail les dispositions relatives au harcèlement sexuel, le législateur a voulu que le milieu de travail en soit totalement exempt. Tout employeur doit donc prendre les moyens raisonnables pour éliminer le problème du harcèlement sexuel et doit faire preuve de beaucoup de rigueur.

4.2 Pourquoi le harcèlement sexuel est-il devenu un phénomène d’actualité si présent dans notre société ?

Plusieurs phénomènes pourraient expliquer pourquoi ce sujet est devenu si d’actualité. Par exemple, comme nous l’avons indiqué dans l’avant-propos du présent ouvrage, il y eut une première vague de dénonciations en 2007 et une deuxième vague plus puissante, devenue mondiale, a eu lieu en 2017. C’est le phénomène, ou mouvement social, connu depuis sous le nom #MeToo. C’est ce mouvement qui a encouragé la prise de parole et la dénonciation publique des harceleurs et des agresseurs par les victimes. Plus près de nous, au Québec, le mouvement est connu sous le nom de #MoiAussi. Mouvement unique dans l’histoire, ce phénomène a fait en sorte que plusieurs têtes sont tombées, des grosses têtes. L’on peut aussi penser aux différentes ressources gouvernementales mises à la disposition des victimes, des organismes d’aide. Des groupes de pression et de discussion se sont formés. Il y eut la mise en place de politiques par les gouvernements et les entreprises.

4.3 Qui a droit à la protection en cas de harcèlement sexuel ?

Tous les salariés au sens de la Loi sur les normes du travail ont droit à la protection prévue par la loi, y compris le cadre supérieur. En effet, même si celui-ci est exclu de la plupart des protections, il bénéficie de celle-ci et de certaines autres protections. De plus, le législateur a inclus dans cette protection tous les salariés visés ou non par une convention collective, en décrétant que les dispositions de la Loi sur les normes du travail encadrant le harcèlement psychologique font partie intégrante de toute convention collective.

4.4 Le salarié qui veut déposer une plainte de harcèlement sexuel doit s’adresser à qui ?

Tout employeur est tenu depuis 2018 d’adopter et de rendre disponible à ses employés une politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaintes. Celle-ci doit inclure un volet qui concerne les conduites qui se manifestent par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel. Donc, en fonction du contenu de la politique le salarié doit s’adresser en premier lieu à la personne désignée par la procédure prévue par la politique. Ainsi, il doit suivre le mécanisme de dépôt de plainte prévu par cette politique. À défaut, le salarié doit s’adresser directement à son syndicat, s’il est syndiqué, ou encore à la CNESST. Il peut aussi, selon la situation, s’adresser à la Commission des droits de la personne.

4.5 Quels sont les éléments que doit prouver la victime en matière de harcèlement sexuel ?

Dans cette matière, il y a une forme de consensus à l’effet que les éléments principaux qui doivent être prouvés par la personne qui se dit harcelée sexuellement sont les suivants :

  • Une conduite à caractère sexuel (connotation sexuelle);
  • Une conduite qui est non désirée;
  • Qui se manifeste de façon répétée;
  • Qui a des conséquences néfastes pour la victime.

4.6   Concrètement, qu’est-ce que le harcèlement sexuel et comment le reconnaître ?

Selon la définition de la loi, le harcèlement psychologique est une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste. L’on ajoute les éléments suivants pour l’aspect sexuel, soit: Pour plus de précision, le harcèlement psychologique comprend une telle conduite lorsqu’elle se manifeste par de telles paroles, de tels actes ou de tels gestes à caractère sexuel. Donc, le harcèlement sexuel constitue une forme de harcèlement psychologique. Concrètement, sur le plan purement juridique, ces éléments fondamentaux doivent être prouvés par la personne harcelée sexuellement.

La Cour suprême du Canada a déjà défini de la façon suivante cette notion, soit :

Sans chercher à fournir une définition exhaustive de cette expression, j’estime que le harcèlement sexuel en milieu de travail peut se définir de façon générale comme étant une conduite de nature sexuelle non sollicitée qui a un effet défavorable sur le milieu de travail ou qui a des conséquences préjudiciables en matière d’emploi pour les victimes du harcèlement. C’est un abus de pouvoir, comme l’a souligné l’arbitre Shime dans la décision Bell v. Ladas, précitée, et comme cela a été largement reconnu par d’autres arbitres et commentateurs. Le harcèlement sexuel en milieu de travail est un abus de pouvoir tant économique que sexuel. Le harcèlement sexuel est une pratique dégradante, qui inflige un grave affront à la dignité des employés forcés de le subir. En imposant à un employé de faire face à des gestes sexuels importuns ou à des demandes sexuelles explicites, le harcèlement sexuel sur le lieu de travail est une atteinte à la dignité de la victime et à son respect de soi, à la fois comme employé et comme être humain. Janzen c. Platy enterprises Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1252, p. 1284 (j. Dickson).

Le harcèlement sexuel est un comportement non désiré à connotation sexuelle qui provoque l’inconfort ou la crainte, et qui est répété en général. Le harcèlement peut être non verbal, verbal ou physique. Il fait en sorte que la personne se sent mal à l’aise, intimidée, offensée ou pire, en danger. Il peut s’agir, par exemple, de propos dénigrants, blessants, humiliants, dégradants à connotation sexuelle, de commentaires déplacés d’ordre sexuel, de questions intimes, de langage abusif, de remarques sur la physionomie ou sur l’apparence de la victime, de gestes à caractère sexuel, soit des gestes irrespectueux, des sifflements. La répétition de ces faits et gestes constitue du harcèlement sexuel.

De même, les remarques, les allusions, les commentaires, les plaisanteries, les demandes de détails personnels à caractère sexuel, des attentions spéciales, des regards persistants, des gestes ou des insultes à caractère sexuel. Constituent également du harcèlement sexuel les propos insultants et humiliants, le fait de propager des rumeurs de nature sexuelle ou à connotation sexuelle, répétées par les collègues de travail en présence d’autres salariés ou de tiers, le fait de montrer ou d’envoyer des photos intimes, de menacer de congédier, de réprimander ou de sanctionner un salarié s’il refuse des avances sexuelles.

De plus, des attouchements sexuels, des avances physiques, des contacts physiques non désirés, des pincements, de l’intimidation, des frôlements, de la séquestration, des baisers non désirés, des empoignades, ou encore de l’agression sexuelle par une personne en situation d’autorité constituent une atteinte à l’intégrité physique et psychologique du salarié ainsi que du harcèlement sexuel. Est inapproprié le fait d’exiger ou provoquer des contacts physiques injustifiés, des caresses, des rencontres ou des faveurs sexuelles. Il en est de même dans le cas des manifestations persistantes ou abusives d’un intérêt sexuel non partagé, d’avances verbales ou de propositions insistantes, de la sollicitation de faveurs sexuelles non désirées, des regards dirigés sur les parties intimes. Toutes ces conduites inappropriées constituent du harcèlement sexuel.

Précisons également que le harcèlement sexuel constitue une atteinte au droit à l’égalité des personnes. Il est interdit, par la Charte canadienne des droits et libertés et aussi par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Le harcèlement sexuel constitue une forme de harcèlement discriminatoire, au même titre que le harcèlement racial ou le harcèlement fondé sur toute autre caractéristique personnelle.

4.7 Comment évalue-t-on le caractère de l’acte non désiré ?

Pour évaluer le caractère désiré ou non de la conduite harcelante, il n’est pas nécessaire de déterminer et de s’interroger à savoir si la personne concernée savait que son comportement à caractère sexuel n’était pas sollicité par la victime. Ainsi, la vision de la personne concernée n’est donc pas pertinente. C’est au décideur de déterminer cela et le critère qui peut être retenu varie entre une appréciation objective, soit celle de la personne raisonnable, placée dans la même situation que la victime harcelée, et une appréciation subjective, soit l’opinion de la victime pour évaluer la conduite reprochée.

Il est bon de noter que la notion d’acte non désiré, retenue dans la loi, origine des décisions rendues en matière de harcèlement sexuel. Bien que ce critère puisse se vérifier à première vue en tenant compte des réactions de la victime, des situations indésirables sans une manifestation explicite de la part de la victime peuvent être retenues. Dans ces circonstances, l’aspect non désiré s’apprécie à partir du comportement du présumé harceleur, du contexte ou des réactions de la victime. Ce qualificatif de «non désiré» doit être rattaché au comportement comme tel du harceleur. Il est alors question d’une alternative à hostile. L’expression s’entend d’une conduite qui, même si elle n’est pas hostile, peut être éventuellement vexatoire. Il peut en être ainsi, à titre illustratif, dans le cas d’une attitude qui vise subtilement à exclure autrui sans raison apparente, à produire une forme de ghettoïsation ou simplement à rejeter l’altérité. Le droit tient pour acquis que ces diverses conduites sont nécessairement non désirées. En somme, normalement le rejet de la conduite du harceleur s’infère de la réaction de la victime en analysant le tout globalement selon le critère de la personne raisonnable.

4.8 Comment interprète-t-on la notion de « qui se manifeste de façon répétée » ?

En plus de démontrer le caractère de l’acte non désiré, la personne qui se plaint d’un comportement à caractère sexuel doit également en démontrer l’aspect répétitif. Chaque comportement, parole, acte, ou geste, peut à première vue être perçu comme banal, anodin, ou encore bénin. Pour qu’il y ait harcèlement sexuel, la conduite de la personne doit être répétitive, mais non incessante. On a établi que le caractère répétitif de la conduite n’était pas une composante essentielle du harcèlement. Toutefois, un seul comportement, parole, acte, ou geste grave peut également être reconnu comme étant du harcèlement sexuel s’il entraine un effet nocif continu pour la victime. Dans le cas de cause unique, l’effet nocif doit se perpétuer dans le temps. C’est l’intensité de la conduite harcelante qui importe. En effet, il n’y a pas besoin de répétition dans le cas d’un acte ou d’une conduite grave. Cependant, moins la conduite harcelante est «grave», plus la répétition est nécessaire.

4.9 Comment évalue-t-on la question de la notion de ce qui a des conséquences néfastes pour la victime ?

Autre élément à prouver dans le cas du comportement à caractère sexuel non désiré, qui se produit au travail ou dans d’autres endroits ou circonstances, c’est que la situation doit avoir des conséquences néfastes sur la victime. Il revient également à celle-ci de faire la preuve, par exemple, que le climat de travail hostile a rendu ses conditions de travail difficiles et a eu des conséquences sur sa santé physique et mentale, ou encore qu’elle a été obligée, vu les effets sur elle, de quitter son emploi ou qu’elle s’est vu refuser une promotion du fait du rejet des avances sexuelles d’un supérieur, d’un collègue, d’un salarié de l’entreprise. Un milieu de travail néfaste, c’est un milieu dommageable, nuisible, mauvais ou encore malsain. C’est un milieu qui crée un tort, qui nuit à la victime. Dans les faits, c’est une conduite occasionnant des conséquences fâcheuses, ou encore malheureuses, ou encore qui entraînent pour la victime un environnement négatif aux plans psychologique et émotif, par opposition à un milieu de travail sain.

4.10 Comment évaluer la question du consentement de la personne concernée ?

D’un point de vue juridique, il y a plusieurs législations qui viennent encadrer au Québec la question du consentement. Le Code civil du Québec prévoit spécifiquement que: «Toute personne est inviolable et a droit à son intégrité. Sauf dans les cas prévus par la loi, nul ne peut lui porter atteinte sans son consentement libre et éclairé.». Pour qu’il y ait consentement à une activité de nature sexuelle, celle-ci doit être acceptée de façon libre, volontaire, éclairée et continue. Le consentement ne peut être présumé; l’absence de refus n’est pas un consentement, et le silence ou encore la tolérance de la victime ne peut équivaloir à un consentement de la part de celle-ci.

Aussi, plusieurs dispositions du Code criminel traitent de la notion de consentement. On peut mentionner généralement que le consentement consiste en l’accord volontaire de la personne à l’activité sexuelle. Celui-ci peut se manifester par des paroles ou des gestes et doit être donné librement. L’absence de résistance n’équivaut pas à un consentement. Il est aussi important de noter qu’une personne ne peut donner son consentement si elle est incapable de le formuler pour divers motifs tels que pour cause d’incapacité physique ou intellectuelle, d’intoxication, ou encore si l’une des personnes qui est en position d’autorité a recours à des menaces, à la force ou à une fraude pour l’obtention de celui-ci. Il peut aussi être retiré par la personne qui aurait consenti à l’acte sexuel. Il est surtout important de comprendre que le fait pour l’accusé d’affirmer qu’il croyait sincèrement que la victime avait donné son consentement ne constitue pas une preuve suffisante pour soulever la défense de croyance au consentement.

4.11 Quelle forme peut prendre le harcèlement sexuel ?

Le harcèlement sexuel peut se manifester de différentes façons. Il en existe aussi plusieurs formes. Globalement, l’on peut regrouper ces différentes formes en deux catégories principales. La première catégorie, c’est celle qui est qualifiée de «donnant-donnant». De façon simple, on peut l’illustrer par le fait de la perte d’une chance d’augmentation de salaire, d’une promotion, ou encore par la perte de son emploi causé par le refus des avances sexuelles d’une personne en autorité, soit de la part d’un supérieur, de l’employeur, et toutes autres manœuvres semblables causées par une telle personne. La deuxième catégorie, c’est celle qui est appelée le «climat hostile».

Plus subtil et donc plus difficile à démontrer et à prouver à la cour, ce type de harcèlement contribue à rendre le climat de travail toxique, insupportable et hostile pour la personne qui le subit. Il se manifeste plus souvent qu’autrement par des propos dénigrants, blessants, humiliants, dégradants à connotation sexuelle, par un langage abusif, des contacts physiques envahissants, des regards insistants, etc. Concernant ces deux catégories, il est important de noter qu’au niveau du fardeau de preuve, la victime n’a pas à les identifier, à les différencier.

4.12 Comment se manifeste le harcèlement sexuel au travail ?

Le harcèlement sexuel au travail se manifeste de différentes façons et sous différents degrés. Comme indiqué, il existe une très grande panoplie de manifestations du harcèlement sexuel au travail. La conduite à connotation sexuelle est très variable et change selon les circonstances. Il n’existe pas une seule manifestation de ce type de conduite, il en existe plutôt une grande diversité qui vont de la plus subtile à la plus grossière ou agressante.

Elle se matérialise par différentes formes: non verbale, verbale et physique. Cette conduite se matérialise aussi sous divers degrés, passant de contrariant à contraignant, allant jusqu’à un comportement agressant. Lorsque la conduite est verbale, il s’agit de paroles, de propositions, ou de remarques inappropriées. Lorsque la conduite est physique, il s’agit alors d’attouchements, de frôlements, de regards insistants posés sur certaines parties du corps, etc. Lorsque la conduite est psychologique, l’on fait référence à des insinuations, à des sous-entendus, à des petites attentions inappropriées.

4.13 Est-ce que le harcèlement sexuel doit se produire sur les lieux du travail pour être reconnu comme tel ?

Non, pas nécessairement puisque non seulement le harcèlement sexuel peut se produire sur les lieux du travail, mais il peut également survenir par le fait ou à l’occasion du travail.

Premièrement, le lieu de travail est l’endroit où l’employeur est responsable de ses salariés. Il s’agit du lieu où un salarié fournit sa prestation de travail ou de services pour l’employeur. Il s’agit aussi du lieu qui est occupé, loué, utilisé ou détenu par celui-ci, et ce, sans limitation, soit tous les endroits, locaux, casiers, vestiaires, terrains, stationnements, structures ou véhicules. Est également considéré lieu de travail, l’endroit où un salarié fournit sa prestation de travail ou de services pour l’employeur à distance ou en mode télétravail ou encore l’endroit où cette personne est assignée de temps à autre par l’employeur, par exemple dans le cas d’une impartition de service.

En second lieu, par le fait ou à l’occasion du travail inclut l’endroit où se tient une activité sociale de l’employeur ou organisée par celui-ci. Par exemple, si un supérieur harcèle sexuellement un salarié en dehors du lieu de travail, ce comportement est quand même considéré comme du harcèlement sexuel au travail parce que la personne exerce toujours son autorité sur l’autre. C’est le cas, par exemple, dans un bar pendant un «5 à 7» organisé par l’employeur, dans un restaurant pendant un dîner avec des clients, à la maison de l’employeur s’il reçoit l’équipe de travail pour le souper des fêtes de Noël, etc. Toutefois, si un collègue ou un salarié de la même entreprise harcèle une autre personne en dehors du lieu de travail, cette conduite peut ne pas constituer du harcèlement sexuel au travail, mais elle demeure quand même illégale.

4.14 Comment peut-on reconnaître le harcèlement sexuel ?

Celui-ci est parfois difficile à reconnaître parce que certaines conduites, paroles et comportements sont considérés «comme étant normaux» dans notre société. Il y a des faits, des gestes, des paroles, des actions, des comportements, des conduites qui sont devenus au fil du temps «des lieux communs» et qui font en sorte que nous avons l’impression qu’ils sont devenus «acceptables». Cependant, l’on peut comprendre et identifier que tout ce qui fait en sorte qu’une personne se sente soit en danger, méprisée, désirée sans qu’il y ait réciprocité, gênée, offensée ou intimidée n’est jamais acceptable. Comme le harcèlement sexuel se manifeste de différentes façons, et parfois très subtilement, il peut être difficile à identifier.

4.15 À quel moment le harcèlement sexuel au travail bascule dans une autre catégorie ?

Il arrive que la conduite d’un salarié dépasse les limites du harcèlement sexuel au travail et devienne une conduite ou un comportement de nature criminelle au sens du Code criminel. En fonction des faits et des circonstances propres à chaque cas, le comportement d’un salarié peut correspondre à l’une ou à plusieurs des catégories criminelles prévues au Code, par exemple, il peut constituer une agression sexuelle, c’est-à-dire un acte sexuel fait sans le consentement de la personne, avec ou sans contact physique. L’agression peut prendre la forme d’une manipulation affective ou encore être du chantage, notamment dans le cas des enfants.

L’on peut mentionner aussi que c’est un acte pouvant viser à assujettir une autre personne à ses propres désirs par un abus de pouvoir, par l’utilisation de la force ou encore de la contrainte, ou sous la menace implicite ou explicite. La conduite fautive peut aussi constituer du harcèlement criminel, soit un comportement qui fait en sorte qu’une personne se sente harcelée ou encore qu’elle craigne pour sa propre sécurité. Cette conduite peut aussi constituer de l’exhibitionnisme, soit défini de façon générale comme étant l’action d’exhiber ses organes génitaux avec l’intention d’offenser une personne. Dans les faits, le harcèlement sexuel au travail ne constitue pas toujours un crime au sens du Code criminel, par exemple, dans le cas où un salarié tente d’embrasser une autre personne. Toutefois, si la situation est visée par le Code criminel, il faut faire intervenir les forces policières sans délai.

4.16 Quelles sont les obligations de l’employeur en lien avec le harcèlement sexuel au travail ?

Dans le cas où la victime dénonce une situation, il revient à l’employeur de prendre les moyens raisonnables pour faire cesser la conduite vexatoire de harcèlement sexuel. La première obligation de l’employeur est de faire une enquête sans délai. Pour ce faire, il doit confier celle-ci à un responsable des ressources humaines pour faire une première collecte d’informations. Si la situation s’avère fondée à première vue, suivant cette première vérification, il est alors probablement de mise de confier l’enquête à une personne neutre de l’externe, selon le cas.

Par la suite, l’obligation de l’employeur est d’agir en adoptant les mesures nécessaires pour faire cesser le harcèlement. Il a aussi l’obligation de sanctionner l’auteur du harcèlement, en fonction de la situation et des circonstances. Dans le cas où l’auteur du harcèlement est l’employeur lui-même, la situation est plus délicate. Il doit alors obligatoirement confier l’enquête à un tiers neutre pour éviter tous problèmes. Suivant cela, selon la situation et le mécanisme en place, une demande est adressée à la personne concernée pour que la situation cesse ou une plainte ou un grief est déposé selon le mécanisme de contestation en vigueur. Il peut y avoir aussi des mesures administratives et disciplinaires contre la personne visée, selon le cas. Pour le choix de la mesure nous référons le lecteur à la section 7.16 du présent ouvrage.

4.17 Quelles sont les responsabilités de l’employeur concernant la prévention du harcèlement sexuel au travail ?

La principale responsabilité de l’employeur c’est qu’aucun des salariés ne fasse l’objet de harcèlement sexuel pendant les heures de travail ou par le fait ou à l’occasion du travail. Il lui revient de prendre les moyens raisonnables pour que cela ne se produise pas. L’un des meilleurs moyens pour ce faire est l´adoption et la mise en vigueur d’une politique spécifique pour contrer les situations de harcèlement sexuel au travail. La politique doit avoir un contenu minimal. Elle doit prévoir au minimum une procédure de plainte et d’intervention. En ce qui concerne nos recommandations pour la rédaction de la politique, nous référons le lecteur à la section 8.6 du présent ouvrage.

4.18 Est-ce que l’employeur est responsable de la conduite des clients, ou d’un tiers, qui harcèlent un salarié pendant les heures de travail ?

Le fait, par exemple, qu’un salarié qui travaille chez un client soit harcelé par une personne qui représente ce client, salarié ou cadre, ne dispense pas l’employeur de ses obligations en vertu de la Loi sur les normes du travail. En effet, on ne retrouve aucune restriction en ce sens dans les dispositions relatives au harcèlement psychologique et sexuel. Dans tous les cas, c’est l’employeur qui est responsable des faits et gestes des harceleurs envers ses salariés puisque c’est celui-ci qui est responsable de fournir un milieu travail exempt de harcèlement psychologique et sexuel au travail. La situation est la même avec un fournisseur, un consultant, un représentant, un conseiller externe, etc.

4.19 Lorsque l’employeur a un doute qu’il se produit du harcèlement sexuel au travail doit-il agir sans délai ?

Dès qu’il y a un doute, ou une information, à l’effet qu’il y aurait du harcèlement sexuel au travail, il doit intervenir pour le faire cesser. Toutefois, selon les faits et les circonstances, il peut être suffisant pour la défense de l’employeur de mentionner qu’il n’était pas au courant. Cependant, il est évident qu’en fonction de sa responsabilité de protéger la santé et la sécurité de ses salariés, il doit agir dès qu’il a un doute ou un soupçon. L’employeur ne peut être dans un état d’attentisme. En cas de doute, il nous apparaît que l’employeur est tenu minimalement de faire des vérifications, et de poser des questions. Il est possible qu’il n’y ait rien et que le tout demeure dans le domaine des rumeurs ou des spéculations. Mais, il est clairement préférable d’agir que de ne rien faire.

4.20 Si une personne est témoin de harcèlement sexuel au travail et qu’elle ne dénonce pas la situation, est-ce qu’elle est complice ?

En premier lieu, si la personne est un représentant de l’employeur, elle doit dénoncer la situation et rapporter les faits au responsable des ressources humaines puisque qu’il incombe à l’employeur de fournir un milieu travail exempt de harcèlement sexuel. Le représentant a l’obligation de dénoncer la situation pour que le harcèlement cesse et pour régler le cas. En second lieu, si c’est un salarié non représentant de l’employeur, il pourrait, selon les faits et les circonstances ainsi que selon la politique de l’entreprise, être responsable s’il ne dénonce pas. Il s’agit dans ce cas d’une situation de fait propre à chaque cas d’espèce. En effet, même si l’obligation de dénoncer n’existe pas en tant que telle dans la Loi sur les normes du travail le salarié ne peut fermer les yeux. Aussi, et par ailleurs, le fait de dénoncer à son employeur une situation qui paraît constituer du harcèlement psychologique, que cela soit fondé ou non, constitue l’exercice d’un droit, pourvu évidemment que le salarié le fasse de bonne foi.

4.21 Qui peut et comment prévenir le harcèlement sexuel au travail ?

Il revient à toute personne, qu’elle soit salariée ou représentante de l’employeur, d’agir pour prévenir le harcèlement sexuel au travail si elle est témoin d’une telle situation. Toute personne qui est témoin d’une telle situation peut agir pour prévenir le harcèlement sexuel au travail. Évidemment, les obligations ne sont pas les mêmes si on est un salarié ou si on est un représentant de l’autorité patronale. L’intensité de l’obligation varie d’un cas à l’autre. Dans le cas du salarié, celui-ci doit agir au premier niveau et dans le cas du représentant de l’employeur celui-ci doit agir selon les obligations inhérentes à l’employeur en de telles matières.

Il existe plusieurs façons et plusieurs mesures qui peuvent être prises par l’employeur pour prévenir ou encore pour faire cesser le harcèlement sexuel au travail, comme prévoir une politique spécifique en cette matière, prévoir et mettre en place un mécanisme pour porter plainte et traiter celle-ci; faire connaître la politique aux gestionnaires, aux salariés, aux membres du personnel, aux fournisseurs de biens et services, aux professionnels, aux syndicats, etc.; mettre en place des mécanismes de sensibilisation, d’information et de formation du personnel, et surtout, prévoir un environnement de travail qui ne tolère aucune forme de harcèlement sexuel et de discrimination au travail.

4.22 Qu’est-ce que le cyberharcèlement sexuel ou la cyberintimidation sexuelle ?

C’est le fait de l’utilisation des technologies de communication telles que les sites Internet, les sites des réseaux sociaux, le courriel, la messagerie texte, la messagerie instantanée, ou tout autre moyen de communication électronique pour harceler ou intimider une personne. La cyberintimidation sexuelle se manifeste par exemple sur les réseaux sociaux par la transmission de photos et d’images non désirées à connotation sexuelle. Il existe une pratique à l’effet que des hommes transmettent à des femmes des images de leurs organes génitaux. La transmission se fait alors, par exemple, via AirDrop pour les appareils iPhone puisque beaucoup de personnes laissent l’application ouverte à tous. La solution dans ce cas est de désactiver la fonction AirDrop ou encore de la rendre accessible uniquement à ses contacts. Le même phénomène se produit également au travail lorsqu’un collègue transmet des photos ou des images à connotation sexuelle à une collègue.

Il faut savoir et bien comprendre que ce genre de comportement est complètement inapproprié, qu’il constitue une faute grave et qu’il justifie pleinement l’imposition du congédiement. Il faut être conscient aussi que ce type de transmission laisse des traces sur l’Internet et dans les ordinateurs. Les choses qui sont publiées demeurent dans l’espace cybernétique pour l’éternité. Il faut y penser deux fois plutôt qu’une avant de publier quelque chose. Ce type de comportement au travail constitue du harcèlement sexuel, et peut aussi devenir du harcèlement criminel selon les circonstances. Si cela se produit au travail, il faut en parler sans délai au responsable des ressources humaines et il faut aussi, selon les circonstances, s’adresser au service de police pour déposer une plainte.

4.23 Que peut faire l’employeur dans le cas du cyberharcèlement sexuel ou de la cyberintimidation sexuelle ?

Comme nous venons de l’indiquer le terme «cyberharcèlement sexuel» réfère à l’utilisation de moyens de communication électroniques, par exemple la transmission de courriels électroniques, de textos explicites, la propagation de rumeurs malveillantes ou la diffusion d’informations à caractère sexuel explicite sur les réseaux sociaux. L’un des problèmes dans ce cas c’est que le harceleur peut demeurer totalement invisible et anonyme. L’autre problème avec ce type de harcèlement c’est que le lieu de travail est difficile à cerner et surtout à délimiter. Pour tous ces motifs, entre autres, la prévention du cyberharcèlement au travail est un véritable enjeu pour tous les employeurs. C’est pourquoi il est fortement recommandé que ceux-ci se munissent d’une politique claire sur l’utilisation des réseaux sociaux et intègrent le cyberharcèlement dans leur politique sur le harcèlement psychologique et sexuel au travail.

D’ailleurs, les statistiques les plus récentes depuis le début de la pandémie de la COVID-19 démontrent, et sont à l’effet, que ce type de harcèlement par les moyens électroniques est toujours aussi présent malgré le travail exécuté en mode télétravail.

4.24 Est-ce que l’employeur peut appliquer une sanction, imposer une mesure de représailles, ou encore congédier un salarié qui a déposé une plainte en harcèlement sexuel ?

Non, un employeur ne peut agir ainsi, car la loi protège le salarié qui dépose une plainte en vertu de la Loi sur les normes du travail. Par exemple, constitue l’exercice d’un droit par un salarié, le fait de demander que cesse le harcèlement sexuel exercé à son endroit par l’un de ses supérieurs. Constitue l’exercice d’un droit la participation du salarié à une enquête de la CNESST relativement à une plainte pour harcèlement sexuel déposée par une collègue de travail. Les démarches préliminaires au dépôt d’une plainte pour harcèlement sexuel font partie de l’exercice du droit. Ainsi, un salarié a exercé un droit prévu à la Loi sur les normes du travail en mentionnant à l’employeur qu’il allait porter plainte si la situation qu’il vivait, et qu’il croyait être du harcèlement sexuel, ne cessait pas. Il est donc interdit de sanctionner, de prendre une mesure de représailles ou de congédier un salarié parce qu’il a exercé un droit découlant de la Loi sur les normes du travail. Un tel geste est clairement illégal pour un employeur.

4.25 Qu’est-ce que le salarié peut faire s’il se croit victime de harcèlement sexuel au travail ?

La première chose que le salarié doit faire lorsque c’est possible, c’est d’en parler directement avec la personne concernée si la situation le permet. Il faut alors demander à la personne qui harcèle d’arrêter de le faire. Cela peut être difficile de confronter cette personne, mais ça peut fonctionner. Si la situation ne le permet pas, il faut en parler directement avec le supérieur immédiat et le responsable des ressources humaines, et consulter la politique et la procédure en vigueur chez l’employeur pour évaluer les étapes des recours possibles. Dans ce cas, il faut demander au supérieur et au responsable des ressources humaines, et informer le syndicat, de faire le nécessaire pour que le harcèlement cesse immédiatement. Il faut alors adresser une communication écrite à la personne pour que la situation cesse, ou encore selon le cas, il y lieu de déposer une plainte ou un grief selon la politique en vigueur, la convention ou selon la loi. Il est aussi possible que la situation de harcèlement sexuel, selon la nature des faits, exige le dépôt d’une plainte à la police, par exemple dans le cas de blessures physiques, de menaces de blessures physiques, d’exhibitionnisme, etc.

Dans tous les cas, il faut prendre des notes de la situation, soit fournir une description détaillée des événements comprenant ce qui est arrivé, l’endroit où le harcèlement a eu lieu, le moment et l’heure, et une description fidèle de ce qui a été dit ou fait et le nom des témoins, le cas échéant. Ainsi, dans tous les cas, il est primordial de bien documenter chaque situation de harcèlement au travail. Plus spécialement, une situation qui à première vue ne constituerait pas du harcèlement pourrait quand même se retrouver à la CNESST deux ans plus tard. Dans un cas de harcèlement, il est important de rencontrer les personnes impliquées rapidement et d’obtenir leurs versions.

4.26 Que faut-il faire si la personne visée par la plainte de harcèlement sexuel et la victime ont été (ou sont encore) dans une relation intime ou conjugale ?

Dans ce cas, l’employeur est tenu, comme dans tous les autres cas, de prendre la chose très au sérieux, de faire une enquête et de traiter la situation comme toutes les autres plaintes. L’employeur ne peut banaliser la situation, ou encore penser et mentionner qu’ils entretiennent une relation et que c’est leur affaire puisque «ça relève du domaine privé» ou encore que c’est leur histoire ou même prendre pour acquis qu’ils sont mariés et que c’est uniquement de leur ressort. Tous les cas de dénonciation de harcèlement sexuel survenant en milieu de travail doivent être enquêtés, traités et documentés par la personne responsable du traitement et de la gestion de la politique concernant le harcèlement sexuel au travail.

4.27 Est-ce qu’il est préférable en premier lieu pour le salarié de dénoncer la situation sur la place publique s’il se croit victime de harcèlement sexuel au travail ?

Nous avons vu dans les dernières années, et encore dans les derniers mois, une série de dénonciations sur la place publique, surtout via les réseaux sociaux, y compris pour des situations concernant le harcèlement sexuel au travail. Sans nommer les entreprises, on se souvient tous des manchettes fracassantes des divers médias. En premier lieu, le salarié ne doit pas dénoncer la situation sur la place publique s’il se croit victime de harcèlement sexuel au travail. En effet, la relation employeur-employé en est une de nature purement privée, elle ne concerne pas le public. Avant toute chose, et surtout avant de faire une dénonciation via les réseaux sociaux, le salarié doit utiliser les mécanismes internes de résolutions de conflits, soit la politique concernant harcèlement sexuel au travail, la convention collective, ou encore il doit s’adresser à la CNESST. Que la personne croie et allègue avoir subi des attouchements, des agressions, de l’intimidation, du chantage, elle doit s’en remette aux règles applicables, sauf évidemment si le salarié se retrouve dans une situation visée par le Code criminel. Dans ce cas, elle doit porter plainte à la police sans délai.

Dans la plupart des cas, il existe des ressources d’aide dans l’entreprise et les salariés peuvent se faire accompagner pour régler la situation dès le départ, et au besoin déposer une ou des plaintes. Lorsque la personne se croit victime de harcèlement, d’abus de pouvoir ou d’inconduite, il faut tout d’abord demander au harceleur de cesser immédiatement d’agir ainsi, comme nous l’avons souligné dans le présent ouvrage. Il arrive dans certains milieux de travail que le silence soit très opaque, c’est ce silence qu’il faut briser, aussi difficile que cela puisse être. De plus, en procédant par les mécanismes internes de résolutions de conflits le salarié victime évite de faire une séance de lynchage public ou de règlements de comptes, en attaquant parfois de façon injustifiée la personne visée, son entourage, sa famille. Il faut surtout éviter de causer d’autres problèmes que ceux déjà existants.

4.28 Est-ce que le fait de dénoncer la situation sur la place publique, si le salarié se croit victime de harcèlement sexuel au travail, peut constituer de la diffamation ?

Il faut être extrêmement prudent lorsqu’une personne décide de «dénoncer» une situation vécue via les médias sociaux. En effet, même si dans la vague de dénonciations qui déferle actuellement au Québec pour dénoncer des situations inacceptables est réelle, il faut être prudent dans la façon de faire et de dire les choses. Les allégations des victimes peuvent avoir des conséquences légales importantes. Même si les faits sont vrais et fondés, la dénonciation publique sur les réseaux sociaux peut avoir des effets extrêmement importants. La prudence est donc de mise puisqu’une dénonciation publique d’inconduite sexuelle peut parfois constituer un libelle diffamatoire au sens du Code criminel selon le contenu.

La même dénonciation peut aussi porter atteinte à la réputation de la personne visée, plus particulièrement s’il n’y a pas d’intérêt justifiant la diffusion de l’information dans les médias. Elle pourrait aussi engendrer un litige civil. De prime abord, on peut penser qu’il est dans l’intérêt public de dénoncer une situation «sur la place publique». Toutefois, il faut être en mesure de prouver que la dénonciation dans les médias sociaux a été faite dans l’intérêt de protéger le public, et que les propos de la victime sont véridiques. Or, dans ces situations, il existe souvent un problème de preuve. C’est souvent «la parole de l’un contre l’autre».

4.29 Quelles pourraient être les différentes conséquences pour la personne qui harcèle ?

Il y a plusieurs conséquences possibles pour un salarié qui harcèle sexuellement une autre personne au travail. Celles-ci varient selon la situation, les faits, le contexte, la forme et le degré du harcèlement sexuel au travail. Selon la gravité de son comportement et de sa conduite, il pourrait être obligé, par exemple, de présenter des excuses, de suivre une formation de sensibilisation. Il pourrait aussi se voir imposer des mesures disciplinaires allant jusqu’au congédiement, comme nous le mentionnons dans la présente section du présent ouvrage. Il pourrait potentiellement faire également l’objet d’une poursuite civile en dommages-intérêts ou encore être accusé d’un crime au sens du Code criminel, tel que déjà indiqué précédemment.

4.30 Quelle est la sanction disciplinaire appropriée à imposer dans le cas de harcèlement sexuel au travail ?

L’employeur a l’obligation de fournir un milieu de travail exempt de harcèlement sexuel au travail et il a l’obligation de le faire cesser lorsqu’il est porté à sa connaissance. D’où l’obligation de l’employeur d’intervenir par l’imposition d’une sanction disciplinaire appropriée en cas de harcèlement sexuel. En effet, l’une des fautes les plus graves en matière d’emploi est le harcèlement sexuel. L’employeur a l’obligation d’agir sans délai lorsqu’il est porté à sa connaissance qu’il y a du harcèlement sexuel au travail. En cette matière, c’est la tolérance zéro qui doit s’appliquer, compte tenu de la nature même de ce type de manquement. Ce qui ne signifie pas, toutefois, l’imposition automatique du congédiement. Il faut analyser la gravité des gestes commis par le salarié fautif.

L’analyse doit se faire en fonction du critère de la contrainte subie par la victime. Plus la contrainte est grave plus le congédiement est de mise. Par exemple, on ne peut mettre sur le même pied d’égalité une blague à caractère sexuel de mauvais goût et des attouchements sexuels non désirés. Il est important de noter que l’employeur peut aussi agir et discipliner un salarié qui ferait du harcèlement sexuel envers un client de l’entreprise, compte tenu notamment de la possible atteinte à la réputation de celle-ci. Dans la détermination de la sanction appropriée, il existe une série de facteurs que l’on appelle «aggravants» et «atténuants» dont il faut tenir compte.

4.31 Quels sont les différents recours qui sont au bénéfice de la victime en cas de harcèlement sexuel au travail ?

Il existe plusieurs recours que la personne qui croit être victime de harcèlement sexuel au travail peut utiliser. En premier lieu, elle doit utiliser le mécanisme prévu par la politique en vigueur chez son employeur; c’est son premier recours. Elle doit tenter de régler la situation par ce moyen. Par la suite, elle peut aussi déposer une plainte pour harcèlement sexuel contre son employeur auprès de la CNESST en suivant les règles et la procédure prévus par la loi. Le harcèlement sexuel au travail pourrait aussi constituer, selon les circonstances, un accident du travail dans le cas, par exemple, où la victime harcelée ne peut plus travailler à cause du harcèlement sexuel subi au travail. Dans ce cas, la victime peut déposer une demande d’indemnisation à la CNESST. La victime peut également déposer une plainte contre le harceleur auprès de la Commission des droits et libertés de la personne et des droits de la jeunesse du Québec. En effet, il est reconnu que le harcèlement sexuel constitue une atteinte au droit à l’égalité de la personne selon la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Le harceleur et son employeur peuvent être tenus responsables.

Il existe deux autres recours possibles que la victime peut entreprendre. En premier lieu, soit d’intenter une action en responsabilité civile pour dommages devant un tribunal civil contre le harceleur et aussi contre l’employeur. En second lieu, en fonction de la gravité des faits une plainte pour harcèlement criminel peut être déposée selon les situations décrites dans la section 4.15 du présent ouvrage, par exemple.

4.32 Quels sont les exemples de cas d’application constituant du harcèlement sexuel au travail ?

Il existe aussi une multitude de situations qui ont été qualifiées par les différents tribunaux comme étant des cas constituant du harcèlement sexuel au travail, par exemple dans les cas suivants :

  • Le harcèlement sexuel, de même que des propos dénigrants, ainsi que l’exercice abusif de l’autorité et du pouvoir;
  • Les attouchements sexuels, le langage abusif, les propos blessants et dénigrants, de même que le fait de forcer le salarié plaignant à quémander son salaire chaque semaine;
  • Le harcèlement sexuel, le dénigrement à l’endroit de collègues de travail, l’abus d’autorité, les propos à connotation sexuelle;
  • Les propos insultants et humiliants, à connotation sexuelle, répétés par les collègues de travail en présence d’autres salariés ou de tiers;
  • Des propos humiliants et dégradants à caractère sexuel, l’isolement, le fait de blesser un salarié dans son amour-propre sur une longue période, de même que les gestes et attitudes des collègues de travail;
  • Les attouchements sexuels, l’agression, l’intimidation et la séquestration d’une employée.
À savoir !
Plusieurs facteurs sociaux expliquent le phénomène de la vague mondiale de dénonciations du harcèlement sexuel au travail. Par exemple, les médias sociaux y sont assurément pour beaucoup, de même que le fait que plusieurs dénonciatrices sont des personnes très connues et que certaines personnes visées sont aussi très célèbres.
À retenir !
Il n’est pas toujours facile d’identifier rapidement, clairement et simplement la question de la présence du harcèlement sexuel au travail. Celui-ci est souvent le fait de sous-entendus, de paroles subtiles, de petits gestes d’apparence anodine. L’employeur doit être vigilant et à l’écoute pour pouvoir assumer pleinement ses obligations.
Attention !
Il revient à l’employeur de prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement sexuel au travail, et de le faire cesser lorsqu’il est porté à sa connaissance. L’employeur est responsable des faits et gestes de ses employés lorsqu’un tel phénomène se produit au travail, ou à l’occasion du travail. Il est aussi responsable des faits et gestes des clients, des visiteurs, etc., de son entreprise.