Chapitre V
  1. Quelles sont les obligations du salarié du fait qu’il doit agir avec prudence et diligence? (2088 C.c.Q.) ?
  2. Que comporte la question de la présence du salarié au travail ?
  3. Comment s’assurer de l’exécution du travail convenu ?
  4. Qu’est-ce que l’obligation d’agir avec loyauté ?
  5. De quelle façon et comment un salarié peut-il manquer de loyauté ?
  6. Quelle est la durée de cette obligation ?
  7. Une telle clause existe-t-elle indépendamment d’une clause de non-concurrence ?
  8. En quoi consiste l’obligation de réserve du salarié ?
  9. En quoi consiste l’obligation de diligence du salarié ?
  10. En quoi consiste l’obligation de discrétion du salarié ?
  11. En quoi consiste l’obligation de confidentialité du salarié ?
  12. Quelle pourrait être la responsabilité du salarié en cas de manquement à l’une de ses obligations ?
  13. Est-il nécessaire de prévoir une clause restrictive de non-divulgation, ou de confidentialité, pour empêcher le salarié d’utiliser des informations confidentielles aux dépens de l’employeur ?

5.1 Quelles sont les obligations du salarié du fait qu’il doit agir avec prudence et diligence ? (2088 C.c.Q.) ?

Tel que codifié à l’article 2088 C.c.Q., le salarié doit notamment exécuter le travail convenu, être disponible, agir avec loyauté envers son employeur, être prudent, diligent et agir avec discrétion en exécutant son travail. Il ne faut jamais perdre de vue également que l’obligation de faire qui incombe au salarié est une obligation de moyens et non de résultat. L’obligation d’agir avec prudence suppose qu’il se conforme aux règles. Celle d’agir avec diligence suppose qu’il exécute son travail avec assiduité, rigueur, circonspection, et dans le respect des règles. L’obligation première, fondamentale, et principale du salarié pour qu’il exécute le travail convenu, c’est la disponibilité de celui-ci. Cela présuppose et comprend la présence physique du salarié et sa présence professionnelle réelle. Il doit s’agir de la présence du personnel et non de la présence d’une autre personne. Cette réalité de la présence physique est peut-être un peu moins vraie maintenant dans notre monde moderne où l’on accepte de plus en plus le télétravail, plus particulièrement depuis l’avènement de la pandémie de la COVID-19.

Le salarié doit être disponible pour recevoir les directives, pour fournir la prestation quantitative de travail requise, pour permettre de coordonner directement l’action du salarié avec celle de ses collègues de travail, ou encore pour exercer un contrôle efficace et en temps opportun sur sa prestation. De façon incontournable, l’assiduité du salarié est une qualité première à cette disponibilité. Les retards, les départs précipités, les vacations personnelles prolongées pendant les heures de travail, la prolongation des pauses-café et des périodes de repas, les périodes de maladie sont des situations contraires à la question de l’obligation fondamentale de la disponibilité du salarié.

5.2 Que comporte la question de la présence du salarié au travail ?

Le salarié doit aussi maintenir non pas seulement une présence physique, mais aussi une présence professionnelle au travail. Ce qui implique que l’ensemble des facultés et des qualités intellectuelles de celui-ci doivent être mises à contribution pour l’exécution de sa prestation de travail au bénéfice de l’employeur. Il doit donc tout mettre en œuvre pour avoir et maintenir un rendement et une prestation de travail à la hauteur des attentes de l’employeur. En somme, et dans les faits, le salarié doit réaliser une prestation de travail et une exécution normale, régulière, continue et avec compétence.

5.3 Comment s’assurer de l’exécution du travail convenu ?

Le salarié doit exécuter le travail avec prudence et diligence. Il a l’obligation d’exécuter lui-même son travail et en cas d’absence, il doit prendre les mesures nécessaires afin de pourvoir à son remplacement. L’employeur a le pouvoir de déterminer le travail devant être exécuté selon ses propres normes ou encore dans le cadre qu’il fixe. Comme il a été précédemment expliqué, l’employeur dispose du pouvoir de subordination envers le salarié et celui-ci est à l’origine du pouvoir d’imposer des instructions, des directives de conduite. Toutefois, il importe de spécifier que ce pouvoir ne saurait s’étendre jusqu’à exiger du salarié d’agir à l’encontre de la loi ou de l’ordre public. Un salarié qui manquerait à son devoir d’obéissance pourrait se voir imposer des sanctions disciplinaires par l’employeur.

5.4 Qu’est-ce que l’obligation d’agir avec loyauté ?

C’est une obligation codifiée qui s’impose à tous les salariés qui doivent agir avec loyauté envers leur employeur. Cette obligation pourrait aussi viser l’employeur. Entre autres, le salarié ne doit pas faire usage de l’information reçue à titre confidentiel dans l’exécution de ses fonctions ou à l’occasion de son travail. Cette obligation fait notamment référence aux concepts d’honnêteté, à la bonne foi et à la fidélité du salarié. L’obligation de discrétion et de confidentialité est une facette du devoir général de loyauté.

Cette obligation de loyauté du salarié commande naturellement de la part de celui-ci un comportement honnête, loyal, en plus de devoir agir avec civilité envers l’employeur et l’entreprise. Cette obligation s’impose en deux temps, soit pendant l’exécution du contrat et pendant son prolongement. Or, même si tous les salariés sont assujettis à cette obligation, ils n’auront pas tous une obligation équivalente de loyauté envers l’entreprise. Afin de déterminer l’étendue de cette obligation d’agir avec loyauté pour un salarié, il importe de prendre en considération un certain nombre de critères dont la nature et les termes du contrat, la nature de l’emploi et de l’entreprise, la durée du service du salarié, le niveau hiérarchique et le niveau et le type de responsabilités du salarié, la présence de liens privilégiés avec les clients et les renseignements confidentiels dont il dispose. Il revient aux parties d’en étendre ou d’en contenir la portée en fonction des paramètres juridiques connus et appliqués. Pour l’employeur, il peut être important et nécessaire, par exemple, d’interdire le double emploi afin d’assurer l’exclusivité de service, ou encore de préciser la notion de conflit d’intérêts.

Ainsi, un salarié assumant un poste de direction ou ayant des responsabilités-clés dans une entreprise aura une obligation de loyauté plus contraignante. Pour ce salarié, l’obligation de loyauté est pratiquement assimilée à la responsabilité des mandataires envers leurs mandants.

5.5 De quelle façon et comment un salarié peut-il manquer de loyauté ?

Durant l’emploi, un salarié peut manquer de loyauté envers son employeur de plusieurs et de différentes façons puisqu’il en existe de nombreuses, notamment en faisant concurrence à son employeur, en cohabitant avec un voleur de banque notoire ou, pour les cadres, en omettant de dénoncer un collègue de travail qui cause du tort à l’employeur. Il peut aussi manquer de loyauté en se plaçant en situation de conflit d‘intérêts avec son employeur en cours d’emploi, ou encore lorsqu’il critique sans fondement factuel les décisions ou façons de faire de celui-ci sur la place publique, en laissant fuir de l’information confidentielle à d’autres employés, etc. Il existe une multitude de façons de manquer de loyauté envers son employeur. Le manque de loyauté entraine la perte du lien de confiance de façon irrémédiable. La perte du lien de confiance, c’est comme couper un fil. On ne peut jamais le recoller.

5.6 Quelle est la durée de cette obligation ?

L’obligation de loyauté existe dès l’embauche du salarié et se poursuit tout au long de la relation contractuelle des parties. Elle persiste après la cessation du lien d’emploi et ce, peu importe comment le lien d’emploi a été rompu, que ce soit par l’employeur ou par le salarié, avec ou sans motif sérieux. Toutefois, après la fin de l’emploi, l’obligation de loyauté est un «devoir atténué», en ce sens qu’il n’a pas la même portée et qu’il n’est pas aussi lourd que pendant la durée du contrat. De cette façon, pendant une certaine période de temps après la fin de son emploi, le salarié doit continuer de prioriser l’intérêt de son ex-employeur aux dépens des gains qu’il pourrait tirer des avantages concurrentiels obtenus chez celui-ci. En fait, il n’y a pas de délai fixe. Il s’agit d’un délai raisonnable qui varie selon les circonstances propres à chaque affaire.

Ce devoir atténué ne dure cependant pas éternellement et s’éteint habituellement quelques mois après la fin de l’emploi, quelque part entre trois et neuf mois, selon les circonstances de chaque affaire. Dans des cas exceptionnels et qui doivent le demeurer, cette durée peut être prolongée jusqu’à un ou deux ans. Les obligations de loyauté et de discrétion subsistent après la fin du contrat de travail, et ce, durant une période de temps raisonnable à la cessation de l’emploi, selon les critères de l’article 2088 C.c.Q. Toutefois, il faut savoir qu’en matière d’informations relatives à la vie privée des individus, telles des informations de nature médicale, les obligations du salarié seront permanentes. Pour tous les autres cas, ces obligations expireront après un délai raisonnable. Les tribunaux déterminent le caractère raisonnable du délai en fonction de la nature des fonctions du salarié, du niveau hiérarchique et du niveau de responsabilités du salarié dans l’entreprise, le comportement du salarié et l’information confidentielle dont il dispose.

Suivant la fin d’emploi, l’obligation de loyauté du salarié s’applique notamment à la sollicitation de la clientèle, à la sollicitation des employés et des fournisseurs. Elle s’applique aussi dans le cas de la concurrence avec l’ancien employeur, et également quant à la question de l’appropriation d’une occasion d’affaires. L’obligation de loyauté est transmissible d’un employeur à l’autre, c’est-à-dire de l’entreprise qui est vendue ou qui voit sa structure juridique modifiée à une autre.

Il est établi qu’un employeur ne peut se prévaloir d’une stipulation de non-concurrence lorsqu’il résilie le contrat de travail sans motif sérieux. Mais, le salarié demeure assujetti à l’obligation de loyauté même lorsque la stipulation de non-concurrence, ou de toute autre clause restrictive à laquelle il a souscrit est déclarée invalide.

5.7 Une telle clause existe-t-elle indépendamment d’une clause de non-concurrence ?

Il importe de rappeler que l’obligation de loyauté existe indépendamment de la présence d’une clause de non-concurrence dans le contrat de travail du salarié. De cette façon, après la rupture du lien d’emploi, l’employeur qui n’a pas prévu de clause de non-concurrence dans le contrat de ses salariés demeure tout de même protégé par cette obligation qui incombe aux salariés d’agir avec loyauté envers lui. Toutefois, cette obligation de loyauté est nettement moins restrictive qu’une clause de non-concurrence et il ne faut pas considérer l’obligation de loyauté au même titre qu’une véritable telle clause.

En effet, après la cessation de son emploi, l’obligation de loyauté n’empêche pas le salarié de faire concurrence librement à son ex-employeur, en autant que cette concurrence ne soit pas déloyale ou soit faite au moyen de tromperies, tactiques, faussetés, fraudes et autres. La liberté de travail, de commerce et de libre-concurrence prévaut, et ni la concurrence vigoureuse et énergique ni la sollicitation directe des clients de l’employeur ne viole l’obligation de loyauté en autant qu’elle ne soit pas déloyale ni contraire à la bonne foi.

De cette façon, il demeure possible pour un salarié d’utiliser les connaissances, l’expertise, les aptitudes et les compétences acquises chez l’ex-employeur dans un nouvel emploi, s’il respecte son devoir de loyauté. Plusieurs gestes dépassent néanmoins la simple concurrence et constituent des manquements à l’obligation de loyauté, tels que, par exemple, le fait d’utiliser, pour solliciter la clientèle de l’ex-employeur, des renseignements confidentiels obtenus chez celui-ci, d’utiliser des tactiques pour le dénigrer; le fait de tirer profit de manière indue des liens développés avec la clientèle de l’ex-employeur; le fait de profiter des occasions d’affaires révélées lors de son ancien emploi et également le fait de solliciter d’une manière insistante et répétée ses ex-collègues de travail. À cet égard, dans certaines circonstances, l’ex-salarié ne sera pas le seul à devoir respecter l’obligation de loyauté. En effet, le nouvel employeur d’un ex-salarié peut engager sa responsabilité en incitant cet ex-salarié à contrevenir à son obligation de loyauté alors qu’il est au courant de cette obligation.

5.8 En quoi consiste l’obligation de réserve du salarié ?

L’article 2088 C.c.Q. prévoit que le salarié doit être prudent et diligent en exécutant le travail convenu. Il s’agit ici d’une obligation de moyens de la part de celui-ci, en ce sens que le salarié n’a pas à faire la preuve qu’il a atteint le résultat, mais seulement qu’il a mis les efforts nécessaires pour y parvenir. Cette obligation variera cependant d’intensité selon la nature du travail à fournir et pourrait, tout dépendant de son intensité, s’approcher d’une obligation de résultat. L’obligation de réserve du salarié concerne notamment l’information à caractère confidentiel obtenue dans le cadre de son travail, qu’il ne peut divulguer.

5.9 En quoi consiste l’obligation de diligence du salarié ?

La notion de diligence réfère autant à la quantité qu’à la qualité de travail que le salarié devrait fournir et à laquelle l’employeur est en droit de s’attendre. Les concepts d’incompétence et d’insuffisance professionnelle découlent de ce principe et signifient que le salarié n’est pas en mesure d’offrir un rendement satisfaisant à l’employeur dans le cadre de son travail. Une autre notion, soit «l’obligation de civilité» du salarié, découle aussi de ce principe, et signifie que le salarié doit contribuer au maintien d’un climat acceptable et au maintien de l’harmonie dans son milieu de travail.

5.10 En quoi consiste l’obligation de discrétion du salarié ?

Le devoir de discrétion est aussi une obligation assimilée au devoir de loyauté. Ce devoir concerne l’utilisation des informations à caractère confidentiel reçues par le salarié pendant l’emploi. Le code fait une distinction entre l’information technique et celle concernant la réputation et la vie privée d’autrui. Le salarié ne peut faire usage de l’information à caractère confidentiel qu’il obtient dans l’exécution ou à l’occasion de son travail. Cette obligation survit en tout temps lorsque l’information réfère à la réputation et à la vie privée d’autrui. Pour l’information de nature technique, l’obligation survit pour un délai raisonnable.

5.11 En quoi consiste l’obligation de confidentialité du salarié ?

Cette obligation est une des facettes de l’obligation de loyauté, et elle n’est pas définie par le Code civil ni par aucune autre disposition législative. Cette obligation soulève de multiples questionnements et beaucoup de débats, et il est difficile de tenter d’en faire ou d’en donner une définition puisqu’elle est évolutive. Elle est souvent une source de litige. Par cette obligation, le salarié ne peut donc notamment transmettre des renseignements confidentiels ou de l’information privilégiée acquis dans le cadre de son emploi. Cette obligation comporte en quelque sorte un devoir de fiduciaire au salarié qui commande la loyauté, la bonne foi et l’absence totale de conflit d’intérêts. Cette obligation fait en sorte qu’un salarié ne peut utiliser au détriment de son employeur ou à son propre bénéfice les informations confidentielles ou privilégiées obtenues dans le cadre de son emploi. Nul besoin de mentionner qu’il est préférable de conclure une entente de cette nature dans tout contrat de travail puisqu’une telle clause protègera l’employeur et facilitera la preuve d’une contravention devant la cour.

5.12 Quelle pourrait être la responsabilité du salarié en cas de manquement à l’une de ses obligations ?

Le salarié peut être contraint de dédommager son employeur pour les dommages subis en commettant une faute intentionnelle ou caractérisée dans l’exécution de son travail. Pour ce qui est de sa responsabilité envers un tiers, le salarié peut être tenu responsable, de même que l’employeur, qui, en raison de l’article 1463 C.c.Q., garantit économiquement la responsabilité de son salarié. Il reste que, malgré cet article, l’employeur conserve un recours contre son employé. Toutefois, un salarié agissant soit comme porte-parole ou alter ego de l’employeur, qui n’excède pas ses pouvoirs ni ne commet de faute personnelle, ne peut engager sa responsabilité et l’employeur sera ainsi le seul responsable pour les dommages subis par les tiers.

5.13 Est-il nécessaire de prévoir une clause restrictive de non-divulgation, ou de confidentialité, pour empêcher le salarié d’utiliser des informations confidentielles aux dépens de l’employeur ?

Il n’est pas nécessaire de prévoir une clause restrictive de non-divulgation ou de confidentialité pour empêcher le salarié d’utiliser des informations confidentielles aux dépens de l’employeur. Or, dans certaines situations précises et dans des cas exceptionnels, la divulgation de ces informations confidentielles pourrait être nécessaire pour des motifs supérieurs, soit la sauvegarde de l’ordre public ou encore l’intérêt général. Toutefois, plusieurs considérations entrent en ligne de compte avant de rendre publiques certaines informations. Le salarié doit notamment épuiser le réseau interne de l’entreprise.

Il arrive souvent que l’employeur prévoit dans le contrat de travail une clause restrictive de non-divulgation, ou de confidentialité, pour empêcher le salarié d’utiliser des informations confidentielles aux dépens de l’employeur. Par exemple, la clause peut prévoir que l’employé doit s’engager à ne pas diffuser auprès de quiconque, dans les médias ou sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.), tout renseignement qui va à l’encontre des intérêts de l’employeur. Il est fortement recommandé de prévoir une telle clause restrictive.

À savoir !
C’est à l’employeur que revient le droit de déterminer le travail à faire, les tâches et responsabilités à exécuter, selon l’objet et la nature du contrat convenu entre les parties.
À retenir !
L’obligation fondamentale du salarié qui s’engage par un contrat de travail avec l’employeur, c’est d’être disponible. Il doit non seulement être présent physiquement, mais aussi présent professionnellement.
Attention !
L’obligation de loyauté du salarié s’applique pendant et après la prestation de travail, et également après la fin du contrat de travail. Cependant, elle n’est pas de la même intensité pour tous les employés.