- Est-ce que l’article 2097 C.c.Q est d’ordre public ?
- L’employeur vendeur peut-il mettre fin au contrat de travail du salarié avant la vente de l’entreprise ?
- Quel est l’effet de cette disposition concrètement ?
- Existe-t-il d’autres protections similaires dans d’autres lois ?
- Qu’en est-il de la vente en justice ?
- Quelle est la portée réelle de la protection prévue à cet article ?
- Qu’en est-il des réclamations non payées au moment de l’aliénation de l’entreprise ?
10.1 Est-ce que l’article 2097 C.c.Q est d’ordre public ?
L’article 2097 du Code civil du Québec accorde une protection additionnelle en énonçant que l’aliénation de l’entreprise ne met pas fin au contrat de travail de la façon suivante :
« L’aliénation de l’entreprise ou la modification de sa structure juridique par fusion ou autrement, ne met pas fin au contrat de travail. Ce contrat lie l’ayant cause de l’employeur. »
La protection législative accordée aux employés lors de la vente d’une entreprise ou en lien avec la modification de la structure juridique est d’ordre public. Par conséquent, les parties ne peuvent en principe y déroger dans un contrat. L’acquéreur disposera donc d’une liberté contractuelle restreinte afin de s’assurer le plus possible qu’il n’aura pas à assumer des obligations du vendeur à l’égard de ses employés.
10.2 L’employeur vendeur peut-il mettre fin au contrat de travail du salarié avant la vente de l’entreprise ?
Cet article n’interdit pas strictement à l’employeur vendeur de mettre un terme à l’emploi de ses employés avant de procéder à la vente de l’entreprise, à condition évidemment de leur verser un préavis raisonnable. Il est préférable dans un tel cas que le vendeur verse les indemnités tenant lieu de préavis en exigeant la signature d’une quittance complète et finale, afin de mettre fin à tout litige relatif à la fin d’emploi.
10.3 Quel est l’effet de cette disposition concrètement ?
L’effet premier et fondamental de cet article est que seule l’aliénation elle-même ne met pas fin au maintien du contrat individuel de travail. En effet, cet article ne fait que consacrer le principe voulant que l’aliénation, et uniquement l’aliénation de l’entreprise, ou sa modification, ne constitue pas en soi une cause de rupture du lien d’emploi. Il est de droit bien établi que l’adoption de cet article est pour contrer le principe de l’effet relatif des contrats en vertu duquel on a décidé que le contrat de travail ne pouvait survivre à l’aliénation de l’entreprise de l’employeur, principe selon lequel seules les parties contractantes sont redevables des obligations qui découlent d’un contrat de travail.
10.4 Existe-t-il d’autres protections similaires dans d’autres lois ?
Une protection similaire à celle prévue à cet article a déjà été reconnue à certains salariés selon l’article 45 du Code du travail et à d’autres salariés selon les articles 96 et 97 de la Loi sur les normes du travail. À ce propos, nous vous référons à notre ouvrage : La loi sur les normes du travail: Tout ce qu’il faut savoir.
10.5 Qu’en est-il de la vente en justice ?
La jurisprudence majoritaire actuellement applicable est à l’effet que la vente forcée de l’entreprise effectuée par un fiduciaire, un créancier hypothécaire, un syndic de faillite ou un séquestre intérimaire, ne ferait pas échec à l’application des dispositions de cet article, et ça, évidemment si les critères de la continuité de l’entreprise et du lien de droit sont présents.
10.6 Quelle est la portée réelle de la protection prévue à cet article ?
La mesure de la protection prévue est le principe fondamental voulant que l’aliénation de l’entreprise de l’employeur ou la modification de celle-ci ne constitue pas en soi un motif de rupture du lien d’emploi, mais que cette protection n’empêche pas que le vendeur d’une entreprise puisse mettre fin au contrat de travail du salarié sans que l’acquéreur soit tenu envers le salarié licencié à quelques obligations que ce soit. Étant entendu que le vendeur doit donner un préavis suffisant, l’acheteur peut, selon les circonstances, faire de même.
10.7 Qu’en est-il des réclamations non payées au moment de l’aliénation de l’entreprise ?
L’employeur qui achète une entreprise et qui se rend compte, subséquemment à l’achat de celle-ci, qu’il y a des réclamations pendantes eu égard à la prestation de travail rendue pour le bénéfice de l’ancien employeur, en est-il redevable? Deux motifs principaux nous font croire que le nouvel employeur ne peut être tenu de payer les dettes non encore payées au moment de l’aliénation. En premier lieu, l’article 1525 C.c.Q. mentionne de façon expresse qu’il n’y a aucune présomption de solidarité à moins que celle-ci ne soit stipulée expressément ou à moins que telle solidarité ne soit prévue par la loi. D’autre part, et ce, sous réserve de voir appliquée la Loi sur les normes du travail à un recours entrepris en vertu du Code civil du Québec, ce dernier ne prévoit pas de dispositions similaires à celles prévues par l’article 96 de la Loi sur les normes du travail qui n’invalide aucune réclamation civile non payée au moment de l’aliénation.
À savoir ! |
---|
Cette disposition assure la continuité de l’application du contrat de travail lorsqu’il y a aliénation de l’entreprise exploitée par l’employeur ou encore une modification de sa structure juridique par fusion ou autrement. |
À retenir ! |
---|
Pour que cet article produise ses effets en cas d’aliénation de l’entreprise et que l’ayant cause de l’employeur initial soit lié par le contrat de travail, deux critères doivent être rencontrés: 1) il doit y avoir continuité de l’entreprise chez l’acquéreur 2) il doit exister un lien de droit entre les deux employeurs successifs. |
Attention |
---|
Cet article s’applique aussi à une vente en justice pourvu que les critères de la continuité de l’entreprise et du lien de droit soient satisfaits. |