Chapitre II
  1. Quelle est la nature d’une offre d’emploi et que devrait-elle contenir ?
  2. Que devrait contenir le formulaire d’embauche ?
  3. Pourquoi vérifier les antécédents judiciaires ?
  4. Le postulant a-t-il droit au silence ?
  5. Pourquoi vérifier les antécédents médicaux ?
  6. L’employeur peut-il exiger un examen médical à tout postulant ?
  7. Pourquoi faire une enquête de pré-embauche ?
  8. Quelle est la position de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à ce propos ?
  9. À qui appartient le fardeau de démontrer que les informations requises lors de l’embauche sont liées aux exigences de l’emploi ?
  10. Est-ce qu’il y a d’autres formulaires concernant l’embauche qui devraient être complétés ?
  11. Quelles sont les limites de l’employeur pour le cas du refus d’embauche ?

2.1 Quelles sont les composantes de l’engagement ?

L’embauche d’une personne débute généralement par une offre d’emploi qui paraît dans un journal, un site ou un média spécialisé, ou encore par le biais d’une firme de recrutement spécialisée. Il faut savoir qu’une telle offre ne constitue pas une offre de contracter au sens du Code civil du Québec. Ce type d’offre constitue plutôt une sollicitation ou encore une simple invitation à poser sa candidature. Celle-ci doit contenir les renseignements pertinents à l’emploi et ne doit pas contenir quelque distinction, exclusion ou préférence que ce soit, fondées sur un motif de discrimination prohibée notamment par la Charte des droits et libertés du Québec. De plus, l’offre d’emploi doit énoncer en termes clairs et précis les exigences recherchées par l’employeur. Dans tous les cas, la sélection du personnel doit se fonder uniquement sur les exigences de l’emploi. Vous trouverez à la fin du présent ouvrage des références utiles de firmes offrant ce type de services.Dans le cadre du recrutement du personnel, l’employeur met des efforts souvent énormes pour réussir à débaucher le bon employé. Le candidat doit, lui, mettre tous les efforts pour se faire valoir, et celui qui n’a pas d’emploi peut voir sa situation comme étant insupportable. Souvent la situation de non-emploi pour un employé fait en sorte que sa vie personnelle et familiale peut connaître des turbulences et il peut rencontrer de grandes difficultés. D’où l’importance de bien se faire conseiller par un spécialiste.

2.2 Que devrait contenir le formulaire d’embauche ?

Le processus d’embauche débute généralement par la remise à l’employeur par le candidat intéressé d’un formulaire d’embauche accompagné de son curriculum vitae. Ces formulaires comprennent notamment, et par exemple, les renseignements suivants :

  • Le nom du candidat;
  • Ses coordonnées complètes;
  • Le poste visé dans l’entreprise;
  • L’expérience professionnelle antérieure;
  • Son niveau de formation;
  • Cartes de compétence, diplômes;
  • Ses attitudes, ses aptitudes linguistiques;
  • Les attentes, sa disponibilité;
  • Sa motivation à travailler dans l’entreprise;
  • Sa volonté d’acquérir des formations complémentaires;
  • Les conditions de travail supplémentaires qu’il exigerait;
  • Les références, si requises, etc.

Notons que les mêmes sujets peuvent être abordés pour le cas de l’entrevue de sélection.

Certains peuvent s’interroger sur la nécessité du formulaire d’embauche en raison de l’existence du curriculum vitae. Ce formulaire est fort utile puisqu’il permet de procéder à une première sélection et à une élimination rapide des candidats qui ne correspondent pas aux exigences de base et aux besoins de l’entreprise. Il est toujours possible d’ajouter des catégories ou des questions au formulaire d’embauche en fonction des besoins spécifiques de l’entreprise. Or, il faut demeurer prudent quant à certains ajouts qui pourraient être considérés comme contrevenant aux droits de la personne. Toutefois, il faut proscrire l’utilisation d’un seul formulaire pour toutes les catégories d’emplois. En effet, une telle façon de faire pourrait causer des problèmes.

2.3 Pourquoi vérifier les antécédents judiciaires ?

Les ajouts concernant l’existence de condamnations antérieures ou de reconnaissance de culpabilité en sont un bon exemple. Il n’est pas interdit de demander à un candidat s’il a un casier judiciaire, cependant, l’employeur ne peut refuser d’embaucher celui-ci du seul fait qu’il a déjà été déclaré coupable d’une infraction pénale ou criminelle. L’article 18.2 de la Charte des droits et libertés de la personne (ci-après «C.D.L.P.») prévoit qu’il n’est pas possible de congédier, de refuser d’embaucher ou de pénaliser une personne dans le cadre de son emploi pour le motif que celle-ci a été déclarée coupable d’une infraction pénale ou criminelle, si l’infraction en cause n’a pas de lien avec l’emploi ou si, même s’il existe un lien, la personne a obtenu le pardon pour cette infraction. Ainsi, il peut être risqué d’ajouter une question relativement à des antécédents judiciaires. En effet, bien que cette question ait été considérée non prohibée en vertu des articles 13 et 18.2 C.D.L.P., le Tribunal des droits de la personne et des droits de la jeunesse a également déjà considéré qu’une telle question générale relative aux antécédents judiciaires contrevenait au droit fondamental du respect à la vie privée. Dans la même foulée, ce tribunal a indiqué qu’une question visant les déclarations de culpabilité incompatibles ou ayant un lien direct avec l’emploi visé était permise. La Cour d’appel du Québec a par ailleurs implicitement confirmé la légitimité et la conformité de la question suivante: «Avez-vous déjà été déclaré coupable d’une infraction pénale ou criminelle ayant un lien avec l’emploi postulé et pour laquelle vous n’avez pas obtenu un pardon?»

À l’égard des antécédents judiciaires, il est pertinent de noter que la Loi sur l’instruction publique oblige les candidats voulant dispenser le service de l’éducation préscolaire ou voulant enseigner au primaire ou au secondaire de produire une déclaration d’antécédents judiciaires à la commission scolaire visée. Certaines exceptions s’appliquent à cette règle, cette obligation ne visant notamment pas les enseignants appelés à œuvrer avec des élèves adultes ou ceux rémunérés à la leçon ou au taux horaire.

2.4 Le postulant a-t-il droit au silence ?

Autrement dit, est-ce que le postulant a le droit au respect de sa vie privée? Le droit à la vie privée d’une personne puise sa source dans des lois distinctes. Sans entrer dans les méandres et détails de toutes les lois, l’on peut affirmer sans se tromper qu’un employeur peut rejeter la demande d’un candidat qui refuserait de préciser certains renseignements personnels, lorsque par exemple ces renseignements sont nécessaires à la conclusion ou à l’exécution du contrat, ou lorsque l’obtention des renseignements est autorisée par la loi, ou encore s’il y a des motifs sérieux qui permettent de croire que le postulant ne peut légalement solliciter un poste. En somme, le postulant bénéficie d’un droit relatif au silence. Les lois prévoyant plusieurs exceptions qui sont d’applications nombreuses. Évidemment, l’employeur doit aussi composer avec la question du refus du postulant de répondre à une question.

2.5 Pourquoi vérifier les antécédents médicaux ?

La question de la vérification des antécédents médicaux soulève souvent de nombreuses questions et soulève aussi de nombreux contentieux. Selon les circonstances, une question quant aux antécédents médicaux peut s’avérer également problématique, puisque les articles 10 et 18.1 C.D.L.P. interdisent spécifiquement les employeurs de requérir dans un formulaire d’embauche, et même lors d’une entrevue, des renseignements relativement aux handicaps des candidats. Or, certains types d’emplois nécessitent que l’employeur pose des questions relativement aux antécédents médicaux, notamment en milieu hospitalier, dans le milieu de la santé, chez les pompiers, chez les opérateurs de machinerie lourde, etc.

2.6 L’employeur peut-il exiger un examen médical à tout postulant ?

La question de l’examen médical soulève aussi de nombreuses questions et donne lieu aussi à de nombreux contentieux. La jurisprudence et la doctrine reconnaissent le droit de l’employeur d’obtenir certaines informations médicales avant de procéder à l’embauche d’un salarié, et ce, afin de s’assurer que celui-ci rencontre les exigences normales de l’emploi convoité. Il faut aussi comprendre que les lois de l’emploi obligent l’employeur à protéger la santé et la sécurité des travailleurs. Il a non seulement un droit, mais il a le devoir de le faire. Dans certains cas, l’employeur doit et est tenu de faire subir un examen médical pour protéger la santé et la sécurité du travailleur ou celle des autres. Dans ce cas, l’examen médical vise à évaluer l’aptitude du postulant à effectuer le travail, et il doit se rapporter aux tâches reliées au poste concerné. Ainsi, un employeur peut exiger, notamment, que les candidats à un emploi complètent un questionnaire médical de pré-embauche. Un tel questionnaire doit toutefois respecter les exigences de la C.D.L.P. qui limitent en quelque sorte la prérogative de l’employeur en matière de dotation. À cet égard, l’article 18 C.D.L.P. énonce: «18.1. Nul ne peut, dans un formulaire de demande d’emploi ou lors d’une entrevue relative à un emploi, requérir d’une personne des renseignements sur les motifs visés dans l’article 10 sauf si ces renseignements sont utiles à l’application de l’article 20 ou à l’application d’un programme d’accès à l’égalité existant au moment de la demande

L’article 20 C.D.L.P. prévoit quant à lui qu’une distinction, une exclusion, une préférence fondée sur les attitudes ou sur les qualités requises par un emploi est réputée non discriminatoire. Les tribunaux ont reconnu que les articles 18.1 et 20 C.D.L.P. s’appliquent aux questionnaires médicaux de pré-embauche. Ainsi, conformément à l’effet combiné des articles 18.1 et 20 C.D.L.P., le Tribunal des droits de la personne a déjà mentionné que les tests d’embauche «ne devraient pas donner lieu à des intrusions indues dans la vie privée des candidats ni servir de prétexte à une collecte inutile de renseignements personnels pouvant donner lieu à des pratiques discriminatoires non justifiées par l’emploi. L’objet des tests devrait être strictement limité aux qualités et attitudes requises par l’emploi».

2.7 Pourquoi faire une enquête de pré-embauche ?

Avant de procéder à une embauche, certains employeurs désirent vérifier l’exactitude des renseignements fournis par les candidats. Plusieurs décident alors d’enquêter sur leurs futurs employés, notamment quant à leur historique de crédit, quant à leurs antécédents judiciaires et quant aux références d’emploi antérieures. De nombreuses compagnies offrent leurs services afin de procéder à de telles vérifications. Vous trouverez à la fin du présent ouvrage des références utiles de firmes offrant ce type de services.

En matière d’antécédents judiciaires, l’article 18.2 C.D.L.P. interdit à l’employeur de discriminer un candidat pour le seul motif que celui-ci a été déclaré coupable d’une infraction pénale ou criminelle. De cette façon, les antécédents judiciaires d’un candidat pourront justifier un refus d’embauche si ceux-ci ont un lien avec l’emploi convoité et si le candidat n’a pas obtenu de pardon pour l’infraction en cause. Pour déterminer si l’infraction visée est reliée à l’emploi, deux critères doivent être évalués, soit la nature de l’emploi et la nature de l’infraction.

2.8 Quelle est la position de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à ce propos ?

Par ailleurs, notons que la (ci-après «C.D.P.D.J.») a émis des directives concernant les questionnaires médicaux de pré-embauche en affirmant ce qui suit: «Il serait donc contraire à la Charte de faire remplir à des candidats, préalablement à l’embauche, des formulaires dans lesquels ils devraient donner toutes sortes de renseignements relatifs à leur état de santé.

Toutefois, après s’être assuré des qualifications d’un candidat, un employeur peut, avant de prendre la décision de l’embaucher, lui demander de subir un examen médical afin de vérifier s’il n’existe pas d’empêchement d’ordre médical à l’exécution de l’emploi. En conséquence, cet examen médical ne devrait avoir lieu qu’une fois que le candidat reçoit une offre d’embauche. Cette offre demeure toutefois conditionnelle au résultat dudit examen. Une telle procédure de recrutement s’impose afin d’éviter que l’employeur ne se serve de toutes sortes de renseignements relatifs à l’état de santé des divers candidats répondant, par ailleurs, aux exigences de l’emploi, pour pouvoir porter son choix sur celui qui serait le plus en santé.»

Cette position de la C.D.P.D.J. reflète les principes rapportés dans la jurisprudence pertinente selon lesquels un employeur ne peut, dans le cadre du processus d’embauche, exiger d’un candidat qu’il lui fournisse des informations liées à un motif de discrimination prohibé lorsque de telles informations ne sont pas liées à l’exigence de l’emploi.

2.9 À qui appartient le fardeau de démontrer que les informations requises lors de l’embauche sont liées aux exigences de l’emploi ?

Il est important de souligner que le fardeau de démontrer que les informations requises lors de l’embauche sont liées aux exigences de l’emploi appartient toujours et dans tous les cas à l’employeur. Il faut bien comprendre aussi que l’examen médical ne doit pas être un outil de sélection du personnel. Il ne doit pas servir non plus à faire un bilan général de santé du candidat. De plus, le médecin de l’employeur qui évalue le candidat doit remettre un rapport qui se limite à décrire les incapacités du candidat à exécuter certaines tâches ou encore à décrire les mesures préventives à prendre pour préserver la santé du candidat. Le rapport ne doit jamais faire état de situations médicales étrangères à ce qui fait l’objet de l’examen médical à des fins professionnelles, car autrement le candidat pourrait prétendre que le médecin a violé son droit au respect du secret professionnel. Enfin, le candidat qui se soumet à un examen médical préalable à l’embauche devrait vraisemblablement avoir le droit d’obtenir la communication de l’expertise de l’employeur.

2.10 Est-ce qu’il y a d’autres formulaires concernant l’embauche qui devraient être complétés ?

Il peut être très pertinent pour un employeur, selon les circonstances, d’obtenir de la part d’un candidat une autorisation de vérification des renseignements personnels. Ce document peut permettre à l’employeur de pouvoir sélectionner adéquatement et en toute connaissance de cause le salarié approprié, selon les besoins de l’entreprise et pour éviter parfois des surprises.

2.11 Quelles sont les limites de l’employeur pour le cas du refus d’embauche ?

Il est un principe bien connu en droit du travail qui concerne l’autonomie de la volonté des parties relative au contrat de travail, c’est la liberté des parties de convenir du contenu du contrat lui-même. Dans le cadre du processus d’embauche, le salarié est libre de s’engager et ainsi, l’employeur est aussi libre de l’embaucher ou de refuser de le faire. Cependant, au-delà du contrat de travail prévu dans le Code civil du Québec, plusieurs lois viennent compléter ou moduler celui-ci pour contenir l’exercice de la liberté de l’employeur d’embaucher ou de refuser de le faire. Il existe des mesures de protection dans diverses lois qui empêchent l’employeur d’écarter un candidat pour un motif protégé par la loi dans les cas suivants :

  • La Charte de la langue française;
  • La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
  • Le Code du travail;
  • La Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction;
  • La Charte des droits et libertés de la personne;
  • La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé;
  • L’atteinte à l’exercice de la liberté syndicale qui est prohibée à l’article 425 du Code criminel.

Il faut bien comprendre que même s’il y avait atteinte à l’un des droits protégés dans le cadre du refus de l’embauche, cela ne permet pas nécessairement au candidat d’obtenir l’emploi, les diverses lois prévoyant différentes dispositions protectrices.

À savoir !
Dans le cadre de l’embauche d’une personne, l’employeur est en droit de demander à celle-ci plusieurs informations et renseignements de nature personnelle.
À retenir !
Le contenu des différents éléments du formulaire d’embauche devrait être en lien direct avec les exigences de l’emploi à combler et confectionné en fonction des besoins spécifiques de l’entreprise.
Attention !
Le formulaire d’embauche ne peut jamais contenir quelque élément discriminatoire faisant part d’une distinction, exclusion, ou préférence prohibées notamment par la Charte des droits et libertés du Québec et les lois du travail.