Cet article rédigé en 2010 a été mis à jour en octobre 2024
Les entreprises sont confrontées à des défis d'adaptation sans précédent. Une multitude de facteurs, pour la plupart incontrôlables, les poussent à renforcer leur agilité, à innover davantage et à améliorer leur performance.
Les avancées technologiques, les défis environnementaux, la pénurie de main-d'œuvre et la diversité croissante des équipes de travail sont des réalités avec lesquelles les entreprises doivent de plus en plus composer. Les changements deviennent plus complexes et évoluent à une vitesse exponentielle.
L'innovation est désormais une question de survie. L'économie du savoir repose plus que jamais sur la productivité des cerveaux. Par conséquent, le principal actif réside dans les compétences et la créativité des employées et employés, qui deviennent ainsi copropriétaires, en pratique, du capital de l'entreprise.
Stimuler l'innovation est un défi majeur. Le succès repose sur une réelle ouverture à la diversité et sur la capacité à collaborer efficacement au sein d'équipes hétérogènes, peu importe l'âge, la formation, l'origine ou les valeurs des membres.
La gestion du capital humain en pleine transformation : vers une gestion de la personne
Le milieu du travail traverse une profonde transformation, devenant un lieu de réalisation personnelle autant que professionnelle. Les attentes des employées et employés évoluent en fonction de plusieurs facteurs : âge, culture, expérience, et contexte socio-économique.
Dans son rapport Les Zilléniaux * (désignant les milléniaux et la génération Z), la firme Léger répertorie cinq segments distincts au sein de cette génération, chacun ayant des attentes spécifiques vis-à-vis de son environnement de travail. Il est donc évident qu’une approche uniforme ne saurait s’appliquer.
Face à ces nouveaux défis, un changement de paradigme dans la gestion du capital humain s’impose. Il est désormais nécessaire de considérer les employées et employés comme les premiers clients de l'entreprise, et non comme de simples salariés. Pour attirer et retenir les talents, les employeurs doivent maintenant répondre à leurs attentes tant personnelles que professionnelles.
L'expérience employé et l'expérience client : une convergence
Pour fidéliser leurs clientèles, les entreprises doivent offrir une expérience de service créatrice de valeur à chaque étape du processus relationnel, également appelé « moments de vérité ». Lors de sa décision d'achat, la personne évalue tant les avantages fonctionnels que les avantages sociaux et émotionnels du produit ou service.
L'expérience client et l'expérience employé se rejoignent sur le même continuum de valeur. Il existe un lien évident entre la mobilisation du personnel, la satisfaction et la fidélité de la clientèle, ainsi que la performance de l'entreprise (Heskett et al., 1997) . D’ailleurs, une étude de Gartner montre qu’une augmentation de 2 % du taux de satisfaction du personnel entraîne une amélioration de 1 % de la satisfaction de la clientèle.
Un défi de crédibilité et de cohérence
L'expérience employé se définit et se mesure par l'expérience globale et réelle vécue par la personne employée en interaction avec l'entreprise à chaque moment de vérité, avant, pendant et après la relation d'emploi. Pour attirer les talents, les entreprises doivent transformer leur offre d’emploi en une véritable promesse d’expérience.
Cependant, l'expérience employé ne s’improvise pas. L'entreprise doit respecter ses engagements, et l'expérience employé doit être alignée avec l'expérience client. Autrement dit, la promesse faite à la clientèle doit être cohérente avec celle offerte aux personnes employées.
La cohérence est essentielle. L'expérience client n'a de sens pour la personne employée que dans la mesure où elle bénéficie elle-même des avantages promis à la clientèle et où l'organisation lui fournit les ressources nécessaires pour tenir ces engagements. C’est seulement dans ces conditions que la personne employée pourra offrir une expérience mémorable à la clientèle.
Qu'en est-il des employées et employés ?
Il est important de se poser les questions suivantes : comment les personnes employées décrivent-elles leur expérience dans l’entreprise? Comment perçoivent-elles les avantages et la valeur de collaborer avec celle-ci? Qu’est-ce qui les motive à rester ? Quels facteurs trouvent-elles attrayants? Pourquoi quitteraient-elles l’entreprise? Quel est leur degré d’engagement envers l’organisation?
Les moments de vérité de l'expérience employé et de l'expérience client
Les moments de vérité de l'expérience client et de l'expérience employé se manifestent à chaque étape du processus relationnel (voir tableau de la page suivante). À chaque étape, la personne cliente ou employée évalue la qualité de son expérience. Tout d’abord, elle se laisse séduire ou non par l’offre de l’entreprise. Au début de la relation, elle valide l’adéquation de la promesse et de l’offre réelle. Pendant le développement de la relation, elle évalue de façon continue chacun des moments de vérité. Puis, à un certain moment, variable dans le temps et selon les situations (à la fin d’un contrat ou lors de l’appréciation de la performance), la personne juge si la qualité de l’expérience vécue lui donne l’envie de s’engager davantage, voire de devenir fidèle.
Les moments de vérité de L’expérience employé et de l’expérience client
© Sylvie Bédard et Louise Bourget. 2010
© Louise Bourget inc., 2009
L’entreprise a-t-elle une AMEMD?
Créer une expérience employé positive et engageante est à la portée de toutes les entreprises. Cette démarche invite à revenir à l’essentiel. Il ne s’agit pas de faire plus, mais de poser les gestes clés ayant un véritable effet. Il s’agit de donner une véritable AME à l’entreprise pour encadrer la démarche créative de l’expérience employé, en d’autres termes, donner du sens à l’engagement des personnes.
L'expérience employé repose sur trois axes stratégiques : aligner, mobiliser, et écouter. Ces trois axes nécessitent une attention constante et des actions concrètes qui interagiront de manière dynamique et synergique. Créer cette expérience employé doit être une préoccupation constante des leaders sur le terrain.
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Aligner
L’expérience employé commence par un alignement stratégique qui vise deux objectifs principaux :
- S’assurer que toutes les personnes employées travaillent dans la même direction pour atteindre des buts communs.
- S’assurer que les structures, systèmes et processus s’harmonisent avec la mission et la raison d’être de l’entreprise.
Questions à se poser
- Votre mission est-elle inspirante?
- Les personnes à votre emploi connaissent-elles les objectifs prioritaires de l’entreprise?
- Partagent-elles la même définition et la même interprétation des valeurs de l’entreprise?
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Mobiliser
La mobilisation est le moteur de l’expérience employé. Mobiliser, c’est créer un lien affectif entre la personne employée et l’organisation. Christian Vandenberghe, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en gestion de l’engagement et du rendement des employés à HEC Montréal, souligne que l’attachement affectif à l’entreprise, à ses valeurs, à ses objectifs, à l’équipe de travail, aux collègues proches ou au supérieur, est une variable essentielle pour réduire le risque de démission.
Les études montrent également qu’une mobilisation constante et élevée augmente les performances individuelles et collectives, renforce la satisfaction de la clientèle, consolide la marque employeur, réduit le taux de roulement et diminue l’absentéisme. De plus, la fierté des personnes employées à travailler dans l’entreprise agit comme un véritable aimant pour attirer d’autres talents compétents.
Questions à se poser
- Les personnes employées ont-elles la possibilité de contribuer aux objectifs de l’entreprise? Comment peuvent-elles s’y investir? Peuvent-elles prendre des initiatives?
- L’organisation met-elle en priorité le développement des compétences des personnes qu’elle emploie?
- Les personnes à son emploi se sentent-elles reconnues pour leurs efforts et leurs contributions?
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Écouter
« La seule façon d’obtenir l’engagement de quelqu’un, c’est de l’écouter ! », a déclaré Tom Peters. L’écoute est la clé de la réussite de l’expérience employé. Grâce à une écoute active, l’entreprise peut mieux comprendre les personnes à son emploi, et répondre à leurs besoins, leurs attentes et leurs aspirations. Cette empathie constitue le socle de la confiance nécessaire à l’engagement. L’entreprise innovante se nourrit du talent de ses employées et employés ainsi que de leur intelligence collective.
Ici, on peut se poser les questions suivantes
- Les gestionnaires sont-ils capables de démontrer une écoute active et de faire preuve d'empathie envers les membres de leurs équipes?
- L’entreprise dispose-t-elle de structures et de mécanismes de communication permettant de maintenir un dialogue continu avec les personnes qu’elle emploie?
Conclusion
Dans un monde où l'innovation, l'agilité et la performance sont incontournables, les entreprises doivent impérativement transformer leur approche du capital humain. L'expérience employé n'est plus un simple atout concurrentiel, mais une condition essentielle à la pérennité et à la croissance des organisations.
En harmonisant l'expérience employé avec l'expérience client, en plaçant l'humain au cœur des décisions et en créant un environnement où chaque personne se sent valorisée et mobilisée, les entreprises assurent non seulement l’attraction et la rétention des meilleurs talents, mais aussi une performance accrue.
Le passage d'une gestion réactive à proactive, centrée sur l'expérience employé, dépend de la capacité des cadres RH à mobiliser les leaders autour de cette priorité. L'avenir de l'organisation repose sur leur engagement à réinventer la relation employé-entreprise.
Le défi est clair : les gestionnaires et cadres RH doivent être les architectes de ce nouveau paradigme, faisant de l'expérience employé un véritable moteur de croissance durable. Le succès de l’entreprise est entre leurs mains.
Cet article rédigé en 2010 a été mis à jour en octobre 2024
* Léger, Les Zilléniaux, Découvrez leurs points de vue sur leur emploi, leurs finances, et leur avenir ainsi que leurs sources d’influence, Rapport, 2024.