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L’engagement social : une solution à la pénurie de main-d’œuvre

La pénurie de main-d’œuvre demeure un enjeu à l’ordre du jour et un défi en RH. Démontrez l’engagement social de votre organisation en puisant dans un bassin de ressources atypiques.
5 décembre 2023
Vincent Mercier, CRHA

La pénurie de main-d’œuvre cause des maux têtes à plusieurs employeurs. Si l’automatisation ou l’accueil d’une main-d’œuvre étrangère peuvent être envisagés, il y a pourtant un bassin de candidats et candidates qu’on oublie. En 2022 au Québec, 104 913 personnes sans contraintes à l’emploi[1] recevaient l’aide financière de dernier recours (AFDR). Et ce nombre ne tient pas compte de ceux et celles qui n’ont pas de revenus et ne sont pas admissibles à une aide. Pourtant, une très grande majorité d'entre eux souhaite travailler, mais n’arrive pas à décrocher un emploi[2] . Que pouvons-nous donc faire, en tant qu’employeurs?

Recruter

Premièrement, les personnes ayant été absentes de façon prolongée du marché du travail, qu’elles soient judiciarisées ou non, doivent régulièrement faire face à de la discrimination en raison de leur CV qui présente un vide dans la section des expériences de travail.

Également, le niveau d’éducation souvent jugé trop faible par les employeurs est un frein pour ces gens dont près de la moitié n’a pas de diplôme d’études secondaires[3] , alors qu’il n’est pas toujours justifié de l’exiger. Pourtant, elles ont acquis des compétences transférables en milieu de travail de façons alternatives grâce à des engagements bénévoles, des expériences de travail ou en relevant divers défis personnels.

Considérant de tels éléments, il est à se demander si le concept même du CV n’est pas un obstacle en soi. Certaines personnes vivent des défis reliés à l’écriture ou à l’utilisation d’ordinateurs, alors que l’emploi visé n’exige aucune de ces compétences. Un simple formulaire de contact pour planifier un appel téléphonique ne pourrait-il pas être suffisant dans certains cas?

Il semble aussi pertinent de réfléchir au diplôme exigé dans votre offre d’emploi. Qu’est-ce qui fait en sorte qu’il est demandé? Représente-t-il réellement une valeur ajoutée pour le poste?

Intégrer le marché et se maintenir en emploi

Retourner sur le marché du travail à temps plein est un obstacle pour certaines personnes, alors qu’elles se heurtent à des défis personnels ou qu’elles doivent s’occuper d’êtres chers. Dans leur cas, le temps partiel semble être une solution qui pourrait leur convenir. Toutefois, plusieurs emplois bien rémunérés qui sont proposés sont à temps plein. Souvent, les emplois à temps partiel n’offrent pas de salaires intéressants pour égaler ou dépasser l’aide financière que ces personnes reçoivent. Ou alors, ces emplois exigent des horaires variables qui se conjuguent mal avec leurs responsabilités.

Travailler représente aussi des coûts supplémentaires, alors qu’en plus de la perte de l’accès à certains programmes financiers essentiels au bien-être, il faut parfois planifier des coûts additionnels en transport, frais de garde et vêtements de travail.[4]

En tant qu’employeur, il peut être pertinent d’évaluer la possibilité de transformer certains postes pour permettre un horaire variable. Il faut aussi réfléchir à des programmes d’avantages sociaux, qui, en plus de répondre aux besoins de cette main-d’œuvre, pourraient être un sérieux atout pour le reste de votre équipe.

Comportements à privilégier

Pour s’assurer du succès d’une démarche d’intégration en emploi de travailleurs et travailleuses atypiques, la personne responsable des ressources humaines doit s’assurer des éléments suivants :

  • Réfléchir au processus de recrutement. Vérifiez que votre offre d’emploi a des exigences justes avec la réalité de l’emploi et assurez-vous de sensibiliser vos gestionnaires sur la discrimination liée à la condition sociale.
  • Planification des besoins de main-d’œuvre. Tous ne recherchent pas que du temps plein. N’hésitez pas à discuter avec la personne candidate de ses besoins en termes d’heures de travail et de lui exprimer vos enjeux. Il y aura probablement un terrain d’entente à trouver!
  • Repensez votre offre d’avantages sociaux. Établissez ce que vous pouvez offrir à vos candidats et candidates, afin d’être compétitif avec les programmes dont ils et elles bénéficient déjà.

Conclusion

Les entreprises en recherche constante de main-d’œuvre ont tout avantage à embaucher des travailleurs et travailleuses présentant un profil plus atypique. Bien que cela peut représenter des défis d’adaptation, il y a ici une occasion pour les employeurs de contribuer au développement et au bien-être de leur communauté en participant à la réduction de la pauvreté.

Bibliographie

Boucher, Marie-Pierre, Anthony Desbiens, Marie-Josée Dupuis, Diane Gagné, et Yanick Noiseux. « Pourquoi les personnes assistées sociales dites ''sans contraintes à l’emploi'' ne travaillent-elles pas? » Groupe de recherche interuniversitaire et interdisciplinaire sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale, mai 2020.

Landry, Normand. « Trouver un emploi et… le garder ». NOUS - Portraits de l’assistance sociale (blog). Consulté le 13 novembre 2023. https://exponous.teluq.ca/textes-exposition/trouver-un-emploi-et-le-garder/.

Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. « Rapport statistique sur la clientèle des programmes d’assistance sociale ». Gouvernement du Québec, décembre 2022.


Author
Vincent Mercier, CRHA Conseiller en maintien en emploi Carrefour jeunesse-emploi de Shawinigan

À sa sortie de l’université, en 2020, Vincent a mis en place des programmes d’intégration en emploi de personnes judiciarisées, ainsi que de réfugiés syriens en milieu industriel. Il accompagne maintenant les employeurs dans l’intégration et le maintien en emploi de jeunes de 16 à 35 ans.


  1. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale
  2. Marie-Pierre Boucher et al.
  3. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale
  4. Landry; Boucher et al.