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Clefs d’intégration d’une main-d’œuvre autochtone

Dans votre trousse de pratiques, voici trois clefs stratégiques pour l’embauche d’une main-d’œuvre autochtone.
27 septembre 2022
Rola Helou, CRHA | Pamela Gabriel-Ferland

L’attraction et la rétention des employé.e.s autochtones ne peut pas simplement reposer sur une démarche d’équité, diversité et inclusion (ÉDI) comme les autres. Les pratiques prometteuses en rétention de la main-d’œuvre autochtone nécessitent l’engagement de la haute direction, une formation préalable sur les réalités autochtones et un partenariat avec la communauté locale.

L’engagement de la haute direction est inéluctable pour la mise en œuvre de tout projet en ÉDI et c’est d’autant plus fondamental pour un projet auprès des populations autochtones. La direction de l’entreprise qui s’investit dans une démarche auprès des communautés autochtones s’engage à faire les choses autrement et avec différents partenaires pour assurer la réussite de l’intégration des personnes issues des Premières Nations. Elle s’engage à :

  • Faire connaître la réalité historique qui n’a pas été enseignée dans le cours d’histoire au secondaire.
  • Intégrer une perspective qui n’est pas la sienne.
  • Collaborer avec la communauté locale qui occupe, depuis des temps immémoriaux, le territoire non cédé sur lequel se trouve l’entreprise.
  • Créer un environnement qui est culturellement sécurisant pour retenir cette main-d’œuvre peu connue. 

Faire connaître la réalité historique

Une compréhension de la réalité historique et des répercussions des traumatismes vécus est incontournable lorsqu’on souhaite engager une main-d’œuvre autochtone. Il y a certains apprentissages qu’on n’a pas pu acquérir. Quelques-uns ont été mis de l’avant avec la Commission de vérité et de réconciliation et, tout récemment, la Commission Viens. Tout le personnel de l’entreprise bénéficiera d’une formation de sensibilisation culturelle offerte en collaboration avec la communauté locale. Cette formation soulignera la résilience des peuples autochtones qui existait bien avant le premier contact avec les colons et qui a été renforcée par la survie de ce peuple, malgré l’histoire vécue.

L’histoire du génocide infligé par le Canada par des politiques visant à éradiquer ce peuple a mené à des pertes énormes; des pertes de territoire, de langue, de culture et d’identité. Afin de comprendre la main-d’œuvre autochtone, il faut comprendre cette histoire et ses répercussions, et ce, du point de vue des personnes qui les ont subie. Il ne faut pas oublier qu’au Québec, il y a 10 nations distinctes et les Inuit. Ces nations sont subdivisées en 43 communautés et 14 villages inuits. À l’échelle du Canada, on compte plus de 630 communautés. Chacune a ses particularités; et chaque individu fait face aux traumatismes et voit à sa guérison à sa façon. Une entreprise qui a plusieurs succursales pourrait bénéficier d’une formation générale et de plusieurs formations particulières à la nation où se situe chaque succursale.

Intégrer une perspective qui n’est pas la sienne

Depuis les dernières années, les communautés autochtones connaissent une augmentation importante de leur population. C’est une population très jeune, avec un âge moyen de 28 ans. Chaque personne navigue à travers les réalités vécues à sa façon et à son rythme. La vision du monde des peuples autochtones est propre à eux. Malgré les réalités historiques vécues, une partie de cette jeune population travaille à réapprendre sa langue, sa culture et la vision du monde propre à elle, ce qui pourrait amener une perspective distincte aux entreprises qui l’engage.

D’ailleurs, cette vision unique mène à ce que les Micmacs appellent « la vision à deux yeux » et ce que les Déné appellent être « fort comme deux personnes ». C’est la capacité de quelques jeunes autochtones de vivre dans deux mondes; de comprendre, vivre et réussir dans le monde occidental tout en comprenant et en respectant les valeurs, les savoirs et les façons de faire des ancêtres, transmises par les aînés.

Cette perspective riche et diverse pourrait mener à des innovations dans les entreprises qui recrutent des personnes autochtones, collaborent avec la communauté locale et offrent un environnement culturellement sécuritaire.

Collaborer avec la communauté locale

Afin de réussir une stratégie de recrutement, intégration et rétention, une entreprise devrait établir des partenariats avec la communauté locale. Chaque communauté détient une expertise en ce qui a trait à la formation et l’employabilité de ses membres. D’ailleurs, la plupart des communautés ont un centre de service en emploi et formation qui a le mandat de soutenir l’employabilité de ses membres. Ces centres peuvent soutenir les entreprises en créant des campagnes de recrutement appropriées et en offrant un soutien personnalisé à l’intégration.

Le chef de l’entreprise pourra solliciter une rencontre avec le Chef de la communauté afin de partager son engagement à une démarche de recrutement auprès de sa communauté. Par la suite, l’équipe des ressources humaines pourra rencontrer l’équipe au centre de service en emploi. Cette collaboration permettra à une entreprise d’assurer la rétention de cette main-d’œuvre méconnue.

Créer un environnement culturellement sécuritaire

Les cultures autochtones sont fondamentalement collectivistes, et non individualistes, et leur monde et leurs réalités sont créés par la qualité des relations qu'ils entretiennent dans leur vie. Toute organisation ou institution souhaitant s'engager, collaborer, embaucher ou travailler avec des autochtones doit également se concentrer sur l'établissement de bonnes relations. Les relations fondées sur la confiance et la garantie de la sécurité sur tous les plans (physique, émotionnel, psychologique et spirituel) sur le lieu de travail doivent être au cœur de toute nouvelle stratégie visant à garantir de bonnes relations, non seulement entre l'employeur et l'employé, mais aussi entre collègues, et dans toutes les interactions avec toute communauté.

Les démarches énumérées ci-dessus permettront à l’entreprise de créer un environnement sécuritaire pour la main-d’œuvre autochtone. La notion de sécurisation culturelle émane du secteur de la santé, mais est très pertinente en employabilité. La sécurisation culturelle requiert une réflexion sur nos propres biais tout en apprenant les réalités vécues par l’autre. Cette notion sera explorée dans un article futur.

Pour aller plus loin

Guide pour l’intégration et le maintien en emploi des Premières Nations, développé par la Commission de développement des ressources humaines des Premières Nations du Québec.

É. Deschênes (2022), L'insertion sociale et professionnelle des travailleurs autochtones - Des pistes claires pour contribuer concrètement et efficacement, Montréal, Éditions JFD.


Author
Rola Helou, CRHA DG Solutions S.O.A.R. Solutions

Rola Helou, PDG de Solutions S.O.A.R., travaille auprès des communautés autochtones depuis plus de 20 ans. Elle a eu le privilège de gérer des organisations et d’engager des employé.e.s autochtones. En tant que CRHA, elle offre des ateliers et de l’accompagnement aux organisations qui souhaitent miser sur l’humain.


Author
Pamela Gabriel-Ferland

Pamela Gabriel-Ferland, formatrice chez Retour à la source, est travailleuse sociale, thérapeute conjugale et familiale, et psychothérapeute et travaille auprès des communautés autochtones depuis plus de 20 ans. Elle offre des conférences sur les traumatismes historiques subis et peut faciliter l’intégration des personnes autochtones dans une organisation.