Lorsque surviennent des problèmes entre les membres d'une même équipe et que celle-ci n’est pas outillée pour y faire face efficacement, ces difficultés dégénèrent souvent en différends. Le gestionnaire peut forcément se sentir démuni devant de telles situations et s’il n’y accorde pas rapidement l’attention nécessaire, le climat se détériore et l’équipe peut être aux prises avec des conflits récurrents.
Conséquences d’un milieu où les conflits prennent trop de place : les gens s’isolent, se regroupent en clans, les communications sont difficiles, voire absentes, l’indice du bonheur au travail accuse un sérieux recul, les congés maladie augmentent tout comme l’exode d’employés talentueux, d’autres se désengagent, etc. Cette dynamique négative dégrade le climat de travail et les membres de l’équipe en arrivent à oublier leur mission et les objectifs organisationnels, car les besoins fondamentaux ne sont plus comblés de façon acceptable.
Trop souvent, la réponse facile est d'emprunter une piste plus coercitive par souci d’intervenir rapidement. Et ce, au détriment du développement durable de l’équipe nonobstant l’énergie qu’il faudrait y investir. Le piège : mettre un pansement sur une plaie béante qui se rouvrira à la première occasion puisque les causes fondamentales n'auront pas été identifiées ni traitées. Les conséquences à long terme peuvent être désastreuses. Les cicatrices demeurent longtemps après l'intervention et la confiance envers l’organisation et les collègues continue à s’effriter.
Grâce au rôle privilégié de conseiller et facilitateur qui lui est attribué, il est possible pour le professionnel RH de proposer au gestionnaire et à l'organisation un processus d'intervention qui s'inspire des saines pratiques et qui focalise sur la pérennité des changements souhaités.
La destination : l'autonomisation de l'équipe
En mettant à contribution l'équipe dès le départ, l'intention est nommée explicitement. « Mesdames et messieurs les collègues, la solution vous appartient, vous avez ce qu'il faut pour agir sur la situation. À vous de jouer! »
C'est ainsi que la table est mise. Le choix de saisir volontairement l’opportunité de reprendre le contrôle sur leur climat de travail et de s’investir dans la démarche devient une condition de succès incontournable. D'ailleurs, lorsque l'on porte un regard sur la littérature, il est intéressant de découvrir un modèle pragmatique de ce que l'on entend par autonomisation des équipes.[1]
D'abord, le terreau. Est-ce que les conditions et le contexte sont propices à la création d'une opportunité d'intervention? On sent que les employés souhaitent faire partie d’une équipe qui pense et agit en fonction de l’autonomisation, plutôt que de maintenir un climat de dépendance face à une gestion de type parent-enfant. De plus, les membres de l’équipe sentent qu'ils peuvent avoir le soutien de leur gestionnaire plutôt qu'une mise en accusation rapide lorsque des écarts sont constatés.
La deuxième clé repose sur la capacité des employés et de l'équipe à assumer pleinement cette posture. Sentir qu'ils ont la latitude et la marge de manœuvre pour passer à l’action; reposer leurs décisions et actions sur des faits, de l’information crédible, des habiletés complémentaires; exercer une réelle autonomie dans le passage à l'action et tirer des apprentissages de leur expérience.
Finalement, le troisième élément est le plus critique : l'attitude. D'abord par la volonté d’agir et d’influencer le processus ainsi que le résultat tout en se reconnaissant le droit de nommer et de proposer, tout en appréciant ses propres talents et ceux de ses collègues et surtout, en choisissant de les mettre à contribution.
Ultimement, les membres de l’équipe doivent adhérer au fait que le statu quo n’est plus acceptable. Ils doivent être prêts à faire le deuil d'un passé révolu pour coconstruire un présent solide qui les mènera vers un avenir porteur d’un climat plus positif pour tous. Pour être prêts à faire face à ce défi, ils doivent accepter de se responsabiliser, de sortir de leur zone de confort, d’apprendre sur eux-mêmes et sur leurs collègues et surtout, de passer à l’action et de s’y maintenir malgré les défis qu’ils rencontreront. Toute la difficulté réside dans cette dernière prise de conscience.
En se dotant d’un processus structuré, cela permet à l’équipe d’avoir la traction nécessaire à sa réinvention. Ce processus peut prendre plusieurs formes en fonction des contextes et des cultures d’entreprises, mais essentiellement il vise à :
- établir un portrait objectif et commun de la situation actuelle;
- identifier les principaux défis ainsi que leurs causes;
- visualiser la situation souhaitée, le futur de l’équipe;
- élaborer les solutions qui rapprocheront l’équipe de cette visée commune;
- définir les étapes concrètes qui mèneront l’équipe vers cet objectif;
- passer à l’action;
- se maintenir en action malgré les difficultés rencontrées en rappelant constamment l'intention de la démarche et les conditions de succès;
- mettre en place des mécanismes autorégulateurs déterminés par l’équipe, pour l’équipe, assurant la pérennité de l’intervention dans le temps.
Se réinventer, malgré un passé tourmenté, devient le mot d'ordre. D'ailleurs, sous la forme d'un clin d'œil bien senti, Albert Einstein nous invite à nous réinventer sans retomber dans les pièges d'un passé révolu. N'est-il pas vrai de dire que « La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent! »?
Quel choix différent ferez-vous à partir de maintenant?
Pour aller plus loin :
Cormier, Solange (2004). Dénouer les conflits relationnels en milieu de travail. Presses de l'Université du Québec. 188 pages.
Heen, Sheila, Bruce, Patton et Stone, Douglas (2008). Comment mener les discussions difficiles avec votre patron, votre femme, votre mari, vos enfants et vos voisins. Éditions du Seuil. 267 pages.
- Autonomisation est la traduction du terme anglais Empowerment.
- Shier, Harry (2015). The CESESMA Model of Empowerment. CESESMA/UNN. P.44. Traduit de l'espagnol.