La compétence professionnelle est usuellement associée à la capacité de réaliser le travail correctement et dans les délais impartis. Bien sûr, cela englobe les connaissances et le savoir-faire technique, mais au-delà de cela, il y a aussi la manière dont le travail est effectué. Mentionnons entre autres la capacité d’entretenir de bonnes relations avec les clients, les patrons, les collègues et... les employés. Notons aussi des compétences telles que l’habileté à travailler efficacement en équipe ou à susciter des consensus. À cela s’ajoutent des éléments comme la capacité de fixer les bonnes priorités, de prendre les bonnes décisions, de faire preuve de leadership, de déléguer et de faire confiance tout en assurant un suivi adéquat ainsi que de contribuer au développement de ses employés, notamment par du coaching.
Pour faire reconnaître ses compétences, il faut aussi avoir la volonté et la capacité de se faire valoir et savoir réseauter. Mais la nature humaine fait en sorte qu’il ne faut pas non plus « trop » briller et donc ne pas faire d’ombre à l’ego peut-être chatouilleux de son patron, donner l’impression de lui être loyal, sachant que la loyauté ainsi attendue va peut-être à l’encontre de celle dont il faudrait faire preuve envers l’organisation. Et paradoxalement, un patron incompétent pourrait avoir la capacité de bien se faire voir de ses propres supérieurs, par exemple en les aidant à atteindre leurs objectifs, même s’ils ne vont pas nécessairement dans le sens des intérêts de l’organisation, en disant toujours oui ou en n’étant pas en mesure de reconnaître ses limites, en ayant, en quelque sorte, une ambition démesurée par rapport à ses capacités de relever les défis correspondants...
Alors, quels seraient les coûts humains créés par un patron incompétent? Il y a bien sûr les relations difficiles, pour ne pas dire conflictuelles, les efforts supplémentaires des employés pour compenser les faiblesses de leur patron, les tensions au sein de l’équipe, le manque de sens. Il y a aussi les menaces quant à l’avenir professionnel, directs ou parfois indirects, comme le risque de se faire écarter de projets clés, voire de la plus grande partie de ses responsabilités, étape qui servira peut-être à justifier ultérieurement le congédiement d’un employé trop menaçant. Ces éléments peuvent à leur tour générer des problèmes de santé physique et mentale et des ennuis financiers. Les répercussions d’une telle situation sont vécues par l’entourage de l’employé, au premier titre par sa famille et ses amis, et peuvent avoir des conséquences à long terme.
L’incompétence d’un gestionnaire a aussi des conséquences financières pour l’organisation qui l’emploie. Mentionnons les coûts liés à l’inefficacité, au fait de refaire le travail au gré des priorités changeantes, de mettre trop de temps à finaliser un projet parce que les employés ne reçoivent pas l’appui dont ils ont besoin. À cela s’ajoutent des coûts liés au roulement des employés, que ce soit à cause des démissions ou des cessations d’emploi associées à des indemnités de départ. Les dommages les plus importants sont ceux qui résultent des mauvaises décisions, surtout lorsqu’il s’agit d’éléments liés à l’image de marque de l’entreprise ou à sa capacité de livrer les produits ou les services promis. Par exemple, le départ d’employés clés et réputés sur le marché peut entraîner la perte de contrats ou de clients ou l’impossibilité d’en obtenir. De mauvaises décisions d’investissement peuvent rendre la technologie de production caduque, entraînant l’incapacité d’obtenir des contrats, ou générer des coûts démesurés par rapport à la capacité de l’entreprise, entraînant potentiellement une faillite technique ou réelle. Une mauvaise décision stratégique ou l’incapacité de prendre en temps voulus des décisions qui permettraient de s’adapter à des changements sur le marché peuvent aussi faire chuter le chiffre d’affaires ou les profits.
Morale de l’histoire? Que l’on soit le subalterne ou le supérieur d’un gestionnaire incompétent, l’inaction n’est pas une option. Les coûts humains et financiers sont trop élevés, les impacts négatifs à long terme trop importants. Alors, que faire?
Si l’on est employé, il faut soit en parler, au niveau supérieur ou à un responsable des ressources humaines pour chercher des solutions en restant au sein de l’organisation, soit démissionner. Divers articles accessibles sur Internet peuvent fournir des pistes et guider les démarches visant à exposer la situation vécue et ses impacts. Bien sûr, il faut prendre en compte l’obligation de loyauté envers l’entreprise, qui demeure; la nécessité de ne pas porter sciemment atteinte à la réputation d’autrui et parfois, surtout s’il devait y avoir des faits douteux, l’épineuse question des sonneurs d’alerte et de leur protection parfois insuffisante malgré les bonnes intentions. Plusieurs employés préféreront alors démissionner, en laissant le proverbial couvercle sur la marmite, pour ne pas être éclaboussés par les retombées négatives d’une prise de parole.
Si l’on gère une telle personne, plusieurs questions se posent. Ainsi, ce gestionnaire a-t-il reçu la rétroaction en temps opportun et l’appui nécessaire pour s’améliorer? Et que la réponse soit positive ou négative, la personne possède-t-elle la capacité d’acquérir les compétences ou d’adopter les comportements nécessaires, la volonté de faire ce qu’il faut pour y arriver? Est-il pertinent d’envisager d’autres postes dans lesquels le gestionnaire pourrait réellement avoir du succès, pour lesquels il posséderait le savoir-faire, les aptitudes et l’attitude requis, mais aussi où l’environnement – supérieurs, collègues et employés sans oublier les parties prenantes de l’externe –, lui permettrait de réussir. Est-il nécessaire d’envisager une cessation d’emploi? Et quels en sont les risques internes et externes pour l’organisation, sur les plans tant légal que réputationnel?
Quant on est aux prises avec ce type de situation difficile, il ne faut pas hésiter à se faire épauler par des professionnels, que leur domaine d’intervention soit, selon les besoins, le droit, la communication, les ressources humaines ou le coaching.
Au sujet de l’auteure
Bernadette Petitpas, CRHA, MBA, membre de l’ICF, présidente de Polychrome Conseil et Coaching, met sa longue expérience à titre de stratège et cadre supérieur en ressources humaines au service de ses clients. Elle accompagne diverses organisations des secteurs privé, public et communautaire en matière de gouvernance, d’efficacité opérationnelle, de compétences, de gestion du changement et de transfert d’entreprises. On peut la joindre par courriel [bpetitpas@polychrome-conseil.com] ou par téléphone [438 795-1818].