Définir un plan stratégique est désormais un impératif pour assurer la réalisation des objectifs d’affaires de l’entreprise. La direction des ressources humaines joue un rôle fondamental dans ce processus, qui nécessite de se poser les bonnes questions.
Selon certaines études, la démission d’un employé ou d’une employée et son remplacement peuvent coûter à l’organisation de la moitié à deux fois son salaire, selon le degré de connaissances et de contribution du poste. Pourtant, une majorité d’entreprises n’évaluent pas ou n’envisagent pas ce coût de roulement, lié en partie au traitement administratif, à une perte de productivité, à la courbe d’apprentissage, à l’incidence sur le service à la clientèle, sans compter à une diminution de la motivation au sein des troupes.
« L’unique ingrédient qui assure le succès des organisations, ce sont les humains, lance Marie Chantal Ledoux, CRHA, partenaire principale chez Ledoux Conseils inc. Ça prend le bon profil des talents, qu’ils travaillent en synergie et qu’il faut engager dans un projet commun. » Afin de recruter et de retenir ces précieux humains, les professionnels RH peuvent jouer un rôle central en s’assurant que l’organisation établisse une stratégie sur le moyen et le long terme, selon l’experte. Cette responsabilité, traditionnellement prise en charge par la direction, fait désormais partie intégrante de la fonction RH, dont la vision transversale de la structure et des enjeux organisationnels est essentielle.
Élaborer un plan stratégique des ressources humaines constitue un réel avantage concurrentiel, selon Marie Chantal Ledoux. « Une expérience employé distinctive est au cœur d’une expérience client supérieure », ajoute la spécialiste en ressources humaines.
Elle illustre son propos par des constatations issues de sa propre expérience dans une organisation de plus de 800 employés et employées, dans l’industrie du jeu vidéo. Un plan stratégique des ressources humaines, incluant l’implantation de nouvelles pratiques et la révision des politiques en place, a été mis sur pied avec l’équipe. Deux ans et demi plus tard, les studios de l’entreprise ont été nommés aux GamesIndustry.biz Best Places To Work Awards 2021, un événement qui salue l’excellence des employeurs dans l’industrie du jeu vidéo, en plus de se positionner dans le palmarès des meilleurs employeurs à Montréal en 2022.
Les étapes d’un plan stratégique des ressources humaines
Comment mettre en place un tel plan pour assurer son succès? Il faut d’abord réfléchir au but, à la vision RH que l’on souhaite atteindre pour réaliser les ambitions d’affaires de l’entreprise, explique la stratège. Ensuite, on détermine les moyens, les ressources et les différentes étapes nécessaires pour s’y rendre. Si le but est proche de la situation actuelle, il s’agit d’un processus d’évolution. S’il est éloigné, c’est-à-dire plus complexe à mettre en œuvre, on parle d’une transformation.
L’une des clés du succès repose sur la mobilisation de l’intelligence collective. Concrètement, cela sous-entend de créer une petite équipe pour réfléchir aux objectifs et aux ambitions de la fonction RH en lien avec ceux de l’entreprise. « C’est important de gérer la stratégie des ressources humaines comme un projet, en utilisant un roadmap ou un chemin de réflexion qui permettra à l’équipe de mettre à niveau l’information dont les membres disposent, d’organiser une collecte de données, de guider et de rassurer chaque participant dans la démarche globale, détaille Marie Chantal Ledoux. Surtout, ça va permettre d’autoréguler les conversations, c’est-à-dire de parler des bons sujets au bon moment. »
La première étape est d’établir un portrait de la situation actuelle en rassemblant un maximum d’information. Cela signifie, pour les professionnels RH, d’analyser notamment le taux de roulement, le taux d’absentéisme, le nombre de recrutements, les résultats des sondages de mobilisation et autres, durant la dernière année.
Vient ensuite le temps du bilan. Quel est le contexte d’affaires, quelle est la clientèle, quelle est la réputation de l’entreprise et le positionnement par rapport aux concurrents, quelles sont les nouvelles règles et lois qui s’appliquent? Il faut également s’interroger sur les forces et faiblesses de l’organisation, sur sa culture interne et sur les acquis que l’on veut absolument faire perdurer, car ils peuvent servir de leviers pour se transformer.
La promesse employé
Les réponses à ces remises en question mènent au cœur de la stratégie en tant que telle. Elle doit être imaginée comme un ensemble de projets à mettre en œuvre pour réaliser la vision à long terme de l’organisation. « Il n’y a pas de recette unique puisque chaque contexte est différent, indique l’experte en transformation organisationnelle. Il faut surtout se demander quelle est la promesse employé que nous faisons pour soutenir la promesse client de notre entreprise. »
Gare au décalage, entre une marque employeur forte et la réalité à laquelle les employés et employées font face sur le terrain. Si l’écart est important, le personnel ne restera pas dans l’entreprise. L’expérience employé est primordiale, d’après la consultante, surtout dans un écosystème aussi petit que Montréal et le Québec. « La réputation que vos employés vous font est la meilleure que vous pourrez avoir, car tout le monde se connaît », souligne-t-elle.
Une fois que votre petite équipe a dessiné les contours d’un plan stratégique, elle peut désormais le partager avec les différentes parties prenantes de l’entreprise. « Les services de communication et les finances, par exemple, sont vos plus grands alliés dans la planification stratégique des ressources humaines, précise la CRHA. Il peut aussi être pertinent de consulter les syndicats. »
Pour Marie Chantal Ledoux, selon la taille de l’organisation, le plan initial est élaboré en 90 jours. Toutefois, il peut être revu et adapté régulièrement, étant donné les changements rapides sur le plan légal et social, et d’autres facteurs tels que la pandémie, la rareté de main-d’œuvre ou l’inflation. Une mise à jour régulière est primordiale, en fonction de l’évolution des contextes externe et interne de l’entreprise afin d’éviter que le plan devienne trop vite désuet.
Certaines qualités sont requises dans l’équipe assignée au projet de planification stratégique des ressources humaines, notamment le sens aigu des affaires, la connaissance de l’organisation et son histoire, de même que l’industrie. « Il faut oser innover et changer le statu quo, avoir la curiosité de découvrir les meilleures pratiques, de collaborer avec des gens aux profils de compétences différents et complémentaires, souligne la consultante. En fait, ça prend d’un côté du monde capable de rêver, et de l’autre, des personnes qui pourront concrétiser et gérer les risques. »
Le rôle de la fonction RH
Il est également judicieux de réfléchir au positionnement de la fonction RH et du rôle des gestionnaires RH dans l’entreprise. Cette fonction est soit impérialiste, soit facilitatrice, de l’avis de Marie Chantal Ledoux. Lorsqu’elle est impérialiste, cela signifie qu’elle prend la responsabilité unilatérale, souvent sans concertation, par exemple, l’embauche d’une nouvelle personne à un poste et les congédiements.
« Lorsqu’elle est facilitatrice, cela veut dire qu’on s’assure que les gestionnaires sont des parties prenantes et font vivre une expérience employé positive aux personnes embauchées », indique-t-elle. La fonction RH doit ainsi être abordée de façon transversale dans l’organisation. Par ailleurs, il faut s’assurer que les gestionnaires ont envie de gérer les gens, d’après elle. « Notre mission est de catalyser les talents, pas de les gérer, conclut-elle. L’objectif est que les personnes viennent travailler avec nous et non pour nous. »
Pour porter un plan stratégique des ressources humaines avec succès, il est indispensable d’oser, de mesurer, de communiquer en continu et bien sûr, de se faire accompagner.