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Harcèlement psychologique et santé mentale : agissez!

Depuis l’ajout des dispositions en matière de harcèlement psychologique à la Loi sur les normes du travail, en juin 2004, les gestionnaires ont été mis au fait d’une réalité inquiétante : l’émergence des troubles de santé mentaux observés dans les entreprises québécoises.  

5 novembre 2012
Marie-Josée Douville, CRHA

Les obligations législatives sont claires en matière de harcèlement présumé : l’employeur a une obligation de prévention et d’intervention à compter du moment où il la situation est portée à sa connaissance. Pour ce faire, il doit prendre des moyens raisonnables pour la faire cesser. Mais que se passe-t-il quand une situation de harcèlement psychologique dégénère en problème de santé mentale?

Quand il est question de harcèlement et de santé mentale, certains comportements peuvent paraître préoccupants. Cela va de l’éternel sentiment de persécution à l’absence de doute, de l’acharnement constant à faire valoir un préjudice aux sous-entendus récurrents. Rien ne va plus! On est pris dans un délire qui ne semble pas vouloir s’atténuer. Viennent ensuite les mécanismes de protection qu’une personne déploie face au danger présumé, c’est-à-dire des comportements de type paranoïde. La situation semble à présent démesurée, le climat de travail en est affecté et le reste du personnel est anxieux à l’idée de devoir côtoyer cette personne. N’écartons pas non plus l’individu qui se fait justicier d’une cause pour laquelle il se battra jusqu’au bout. Conclusion, ces comportements, ces attitudes ou ses agissements inquiètent. 

Il est démontré qu’une plainte sur cinq déposée à la Commission des normes du travail s’avère non recevable. Outre la confusion entre l’application de la définition du harcèlement et la perception du préjudice perçu, le critère de la raisonnabilité de la personne prend tout son sens dans l’évaluation de la recevabilité d’une plainte déposée. 

Cette raisonnabilité se définit comme suit : la norme pour évaluer le caractère acceptable ou inacceptable d’une conduite harcelante est celle de la raisonnabilité fondée sur le seuil de tolérance d’une personne raisonnable à l’endroit d’un acte semblable. Certes, cette définition peut laisser place à l’interprétation, mais il demeure que la préoccupation est importante.  

Une personne chez qui est diagnostiqué un trouble de santé mentale pourrait voir la conclusion d’une enquête administrative en matière de harcèlement invalidée. N’oublions pas que l’obligation d’accommodement incombe aux employeurs. Une pathologie identifiée de santé mentale ouvre la porte à l’application de ce devoir d’accommodement.  

Le bilan des dernières années semble lourd de portée. Que se passe-t-il dans les entreprises québécoises? Où sont les ressources mises à notre disposition pour nous accompagner dans une telle démarche? Encore faut-il avoir décidé d’agir!  

La peur et la méconnaissance nourrissent l’inaction. Tout cela est légitime, mais ne devrait aucunement être un frein. On peut constater que les gestionnaires et dirigeants se sentent démunis et seuls face à la planification de telles interventions. Souvent faute de moyens disponibles, on néglige l’élaboration d’un plan d’action et on improvise. Pire encore, on offre à des recrues de se faire la main sur de tels dossiers. Ne nous leurrons pas, ces dossiers demandent un doigté et une expérience avisée pour permettre une intervention juste et adéquate.  

Personne ne peut être garant de l’avenir et du dénouement de ces dossiers. Le gestionnaire n’est pas tenu à une obligation de résultat, mais plutôt à une obligation de moyens en matière de harcèlement. En aucun cas, cette nuance ne sert à atténuer l’impact visé. 

Prendre le risque d’intervenir témoigne d’une préoccupation organisationnelle saine envers les membres de son personnel. Il ne faut donc pas attendre que la situation se présente pour établir une banque de ressources ou élaborer un plan d’intervention approprié. À cet effet par exemple, la formation de ressources à l’interne pourrait être une piste de solution envisageable. Mais n’écartons non plus un bref diagnostic maison qui permettra d’identifier les diverses sources de stress existantes au sein de l’entreprise. Cet exercice interne permettra d’obtenir une rétroaction efficace de la part des employés. Mais ne réinventons pas la roue... Utilisons les moyens existants mis à notre disposition pour obtenir une évaluation provisoire de l’ampleur de la situation et des diverses conséquences qui en découlent, par exemple l’opportunité offerte annuellement par les rencontres d’évaluation du rendement ou encore l’observation en réunion du climat qui règne au sein de l’équipe.

Conclusion

Il serait intéressant de faire le bilan de santé de votre organisation. Combien de congés maladie défrayés pour troubles d’adaptation, avec ou sans dépression majeure, au cours des dernières années? Quels sont les coûts investis en remplacement et en formation des personnes qui assument temporairement les postes laissés soudainement vacants? Pire encore, combien de personnes ont demandé une mutation, un transfert ou ont quitté l’organisation, car elles ne pouvaient plus tolérer l’inaction face à un collègue souffrant? Faut-il donc chiffrer les retombées dérivées de la santé mentale pour que les employeurs d’ici se préoccupent de la question? 

Applications pratiques

Comportements à privilégier par le gestionnaire
  • Ne restez pas seul avec vos doutes et vos préoccupations quand des comportements ou des attitudes vous semblent à risque.
  • N’espérer pas que la situation se règle toute seule, agissez!
  • Abordez franchement la question avec les personnes concernées, sans les provoquer, mais permettez-vous de nommer les comportements et attitudes inacceptables observés. 
Comportements à privilégier par le professionnel RH
  • Soyez aux aguets relativement au climat de travail qui règne au sein de votre organisation.
  • Assurez-vous que les gestionnaires sont des personnes stratégiques et maintenez des échanges continus d’information.
  • Établissez une banque de ressources susceptibles d’intervenir ou de vous accompagner dans la gestion d’un tel dossier.
  • Soyez influent auprès de vos dirigeants afin de discuter la position organisationnelle à adopter sur cette question. 
Pour aller plus loin : quelques suggestions de lecture
  • À propos du critère de raisonnabilité : Commission des normes du travail, Interprétation et jurisprudence (2012), p. 145
  • D’AUTEUIL, Sandra. et Caroline LAFOND (2008). Vivre avec un proche impulsif, intense, instable, Éditions Bayard Canada.
  • DROLET, Muriel et Marie-Josée DOUVILLE (2004). Comment gérer un employé difficile, Éditions de la Fondation de l’entrepreneurship.
  • LELORD, François et Christophe ANDRÉ (2003). Comment gérer les personnalités difficiles, Éditions Odile Jacob.
  • NAZARA-AGA, Isabelle (1997). Les manipulateurs sont parmi nous, Éditions de l’Homme.

Marie-Josée Douville, CRHA est consultante principale et formatrice chez Drolet Douville et associés inc. Elle se spécialise dans la gestion de conflits et principalement dans le domaine du harcèlement psychologique. On peut la joindre par téléphone [418 681-6007 / 1 800 966-1611] ou par courriel [mjdouville@drolet-douville.com].


Marie-Josée Douville, CRHA