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La Commission des lésions professionnelles : un tribunal administratif au service des justiciables

Maintien de services de qualité, accès à la justice, conseils aux justiciables… Voilà quelques sujets abordés en entrevue par Me Marie Lamarre, présidente de la Commission des lésions professionnelles.
12 octobre 2012
Marie LAMARRE

La Commission des lésions professionnelles est un tribunal administratif de dernière instance pour les employeurs et les travailleurs qui désirent contester une décision de la CSST.

Entretien avec Me Marie Lamarre, présidente de la Commission des lésions professionnelles

Membre du Barreau du Québec, Me Marie Lamarre a exercé plusieurs fonctions importantes à la Commission des lésions professionnelles (CLP) avant d’en devenir la présidente en 2011. Elle a notamment été juge administrative coordonnatrice pour la région de Montréal avant d’être promue vice-présidente de la qualité et de la cohérence en 2008. Dans ses fonctions, elle accorde une grande importance à la qualité des services aux justiciables et vise l’excellence à toutes les étapes du traitement des dossiers de la CLP. Membre de la Conférence des juges administratifs du Québec et du Conseil des tribunaux administratifs canadiens, Me Lamarre est également très impliquée dans le monde de la justice administrative.

Vous œuvrez dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail depuis plus de vingt ans. Qu’est-ce qui a changé?
Beaucoup de choses ont changé. Sur le plan législatif, la création de la Commission des lésions professionnelles (CLP) en 1998 a mis fin aux activités de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et, par le fait même, aux bureaux de révision qui constituaient le premier palier de contestation. Maintenant, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) fait une révision administrative sur dossier.

Le législateur encadre clairement l’exercice de la conciliation dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, démontrant ainsi sa volonté de favoriser ce mode de règlement. D’ailleurs, une cinquantaine de conciliateurs règlent 50 % des dossiers à la CLP. C’est énorme, puisque nous fermons plus de trente mille dossiers par année. C’est donc une avenue intéressante pour les travailleurs et les employeurs et nous les encourageons à régler leurs litiges par la voie de la conciliation lorsque c’est possible. Ce processus simple requiert le consentement des parties et se déroule en toute confidentialité. La conciliation, beaucoup plus rapide et moins stressante que l’audience, est donc une voie de règlement à envisager.

Le législateur a également introduit le paritarisme à la CLP. Un membre issu des associations d’employeurs et un autre membre issu des associations syndicales siègent lors des audiences. Leur rôle est de conseiller les juges administratifs pour les contestations liées à la prévention et à l’indemnisation des lésions professionnelles. Toutefois, le juge administratif rend seul la décision.

La CLP entend également les litiges relevant de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST). Ces dossiers représentent un faible volume, soit 0,3 % de l’ensemble des contestations du tribunal. Une équipe de juges administratifs spécialisés entend ces litiges et assiste à des réunions pour étudier la jurisprudence dans ce domaine.

De plus, le législateur a introduit dans la loi l’objectif de la cohérence décisionnelle. Celle-ci repose sur un principe fondamental, celui du droit à l’égalité devant la loi. Cela signifie que, devant une même situation de fait, les justiciables doivent recevoir un traitement similaire.

Pour favoriser la cohérence décisionnelle, des équipes spécialisées de juges administratifs ont été formées pour discuter de jurisprudence et de controverses jurisprudentielles. Également chaque année, la responsable de la cohérence décisionnelle organise deux tournées de cohérence sur des sujets de controverse pour susciter des discussions parmi les 128 juges administratifs. Ces derniers conservent toutefois leur entière indépendance judiciaire au moment de rendre leurs décisions.

Quels sont les défis et les enjeux de la CLP pour les prochaines années?
Comme beaucoup de départs à la retraite sont prévus au cours des prochaines années, un défi majeur se pose : maintenir notre effectif et notre expertise. C’est essentiel pour le bon fonctionnement du tribunal et le maintien de services de qualité. Les justiciables doivent recevoir le même niveau de service, peu importe à quel bureau de la CLP ils s’adressent.

Il faut également que l’on ferme autant de dossiers que nous en ouvrons dans une année, et ce, tout en continuant de réduire nos délais de traitement. Avec plus de trente mille contestations par année, le projet est ambitieux. En 2011-2012, le délai moyen entre la réception d’une contestation et la décision a été de 7,6 mois, alors qu’il était de 8,3 mois l’année précédente. Le même délai, lorsque l’on tient compte des demandes de remise d’audience, a été de 12,1 mois comparativement à 12,6 mois, l’an dernier.

Défi médical
En matière de santé et de sécurité du travail, l’aspect médical est très présent. La médecine évolue et deux nouveaux défis se posent à cet égard. D’une part, on assiste à l’émergence de la médecine du travail comme spécialité et à l’application des principes de médecine fondée sur les données probantes (evidence-based medicine). D’autre part, on note une augmentation des lésions psychologiques et on constate une éclosion de syndromes douloureux chroniques, comme la fibromyalgie et le syndrome douloureux régional complexe.

Ces nouvelles réalités médicales reposent sur des données subjectives, contrairement aux maladies concrètes que la médecine traditionnelle est habituée de traiter. Nous devons donc accorder une grande importance à la formation de nos assesseurs médicaux, de nos conciliateurs et de nos juges administratifs.

Défi technologique
Au cours des deux dernières années, la CLP a entrepris un virage technologique important en procédant à une refonte de ses systèmes de mission et en développant ses services en ligne. Le milieu de la justice administrative doit miser sur les nouvelles technologies qui, je crois, peuvent grandement faciliter et accroître l’accès à la justice.

Justement, on entend beaucoup parler d’accès à la justice. Comment positionnez-vous la CLP à ce chapitre?
La régionalisation du tribunal permet aux employeurs et aux travailleurs du Québec de faire valoir leurs droits en santé et sécurité du travail, peu importe la région où les travailleurs résident. Avec dix-neuf bureaux régionaux et cinq points de service, la CLP est accessible dans toutes les régions du Québec. Tous nos bureaux sont également équipés de la visioconférence.

Notre site Internet est incontournable pour bien comprendre le fonctionnement du tribunal et faciliter les démarches des travailleurs, des employeurs et de leurs représentants. Ils y trouvent une foule de renseignements utiles pour bien préparer leur dossier, que ce soit de l’information générale, les règles de preuve et de procédure, la jurisprudence ou les décisions (voir encadré page suivante).

De plus, la CLP offre plusieurs services en ligne et se positionne donc comme chef de file en matière de tribunal en ligne. Les
justiciables peuvent, entre autres choses, déposer leur contestation en ligne, recevoir la correspondance du tribunal par courriel, consulter le rôle et leur dossier, et déposer des documents en ligne. Ces services simplifient les démarches des justiciables en plus d’éliminer les frais postaux et les délais de livraison.

Il est primordial de rendre le tribunal le plus accessible possible. D’autant plus que 30 % des travailleurs et des employeurs se présentent seuls devant le tribunal. Rappelons qu’il n’y a pas d’obligation d’être représenté par un avocat. Alors, pour réaliser efficacement sa mission, le tribunal mise sur des valeurs comme l’accessibilité, la célérité, la cohérence décisionnelle et la qualité à chacune des étapes de traitement d’une contestation.

Avez-vous des conseils à donner aux travailleurs, aux employeurs ou à leurs représentants qui se présentent devant le tribunal?
Les représentants jouent un rôle-conseil important auprès de leurs clients. Ils doivent bien leur expliquer les enjeux sur les plans tant juridique que médical. La conciliation doit aussi être une voie à envisager pour un règlement rapide.

Pour que leur expérience à la CLP soit satisfaisante, un seul secret : une préparation adéquate. Les travailleurs, les employeurs ou leurs représentants doivent s’assurer d’avoir une bonne connaissance du dossier, des faits, du droit applicable, de la jurisprudence ainsi que de l’aspect médical.

Avant l’audience

  • Préparer soigneusement son dossier.
  • Si on souhaite régler le dossier en conciliation, procéder le plus tôt possible.
  • Transmettre à la CLP tous les documents et toutes les informations nécessaires afin de planifier l’audience.
  • Si on désire présenter une demande de remise d’audience, s’assurer de le faire avec diligence en respectant les orientations prévues à cet effet.
  • Choisir et rencontrer ses témoins et ses témoins experts, s’il y a lieu.
  • Prendre connaissance des règles de preuve et de procédure de la CLP.
  • Préparer sa plaidoirie.

Pendant l’audience

  • Si on représente la partie demanderesse, préciser, en début d’audience, l’objet du recours et les conclusions recherchées.
  • Formuler ses requêtes.
  • S’il y a entente sur des admissions, les communiquer au tribunal dès le début de l’audience.
  • Si on désire utiliser une vidéo, s’assurer que le tribunal dispose de l’équipement nécessaire.
  • Être bref et concis dans son argumentation.
  • Être respectueux et sensible aux situations délicates.

Après l’audience

  • Respecter le délai convenu si on s’est engagé à transmettre des documents ou une plaidoirie écrite après l’audience.

Nous avons, de part et d’autre, un rôle important à jouer pour assurer le bon déroulement d’une audience. Dans tout ce processus, c’est d’abord aux justiciables que nous devons penser. Lorsqu’ils déposent une contestation à la CLP, ils sont en droit d’obtenir les meilleurs services, autant de la part de leur représentant que de la part du tribunal. Il est important que les justiciables puissent obtenir un traitement impartial lorsqu’ils font valoir leurs droits en santé et sécurité du travail.

Le site Internet de la CLP : des outils de travail incontournables
  • Vidéo sur le cheminement d’une contestation
  • Publications de la CLP
  • Décisions de la CLP
  • Orientations générales en matière de remises
  • Règlement sur la preuve et la procédure
  • Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST)
  • Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP)
Plusieurs services en ligne
  • Formulaire de contestation
  • Dépôt de documents
  • Réception de la correspondance par courriel
  • Consultation d’un dossier (plumitif)
  • Consultation du rôle
  • Mémento LATMP-LSST (tendances jurisprudentielles)
  • Changement d’adresse d’un travailleur
  • À quel bureau s’adresser

Source : Effectif, volume 15, numéro 4, septembre/octobre 2012.


Marie LAMARRE